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Violences conjugales : quand l’amour «se mue» en haine
Publié le dimanche 31 janvier 2016  |  Le Reporter
Maïmouna
© Autre presse par DR
Maïmouna Sissoko




Le meurtre de Fall Maïmouna Sissoko dite Kamissa par son conjoint, dans la nuit du 23 au 24 janvier 2016, relance le débat sur la violence conjugale, le crime passionnel, le drame social. Presqu’un an après le crapuleux assassinat de Dicko Mariam Diallo par son époux Soumaïla Dicko (il lui avait assené 40 coups de poignard le 5 février 2015), Kamissa Sissoko vient de la rejoindre elle aussi sous les balles du père de ses deux filles. Mariam était mère et enceinte de jumelles.
Mariam et Kamissa symbolisent le drame des millions de femmes dans le monde. Une majorité qui demeure silencieuse par convenance sociale, coutumière ou socioreligieuse. «Les femmes maliennes sont conditionnées pour subir des violences conjugales. Je suis désolée de le dire tout cru mais c’est comme ça», se convainc une amie sous le coup de la colère. Ce qui fait que, aujourd’hui, la violence conjugale est un fléau dont l’ampleur est encore mal cernée par l’imagination et les études ?
Faut-il alors attendre que le crime soit commis pour que la famille et la société réagissent ? La réponse n’est pas aussi évidente que la problématique soulevée car, quand l’environnement du couple découvre l’effet dévastateur des scènes de ménage, il est presque trop tard. Autant le crime est passionnel, autant le débat est passionné. Une fois de plus, les réseaux sociaux se sont déchaînés, suite à cet assassinat visiblement prémédité, avec comme cible l’islam et les hommes. Les meurtres de Mariam Diallo et de Maïmouna Kamissa Sissoko sont majoritairement condamnés comme «un acte ignoble, répugnant et condamnable de la part d’un homme vulgaire qui n’a même pas besoin d’avoir une place d’un jardin zoologique». Rien ne saurait justifier la violence verbale ou physique, à plus forte raison un crime passionnel. Mais, difficile aussi de se mettre à la place de celui ou celle qui assène le coup fatal pour savoir ce qui lui passe en tête en ce moment précis pour le pousser à commettre l’irréparable. L’évidence est que nous sommes face à des humains dont nous jugeons les actes avec une lucidité qui n’a sans doute rien à voir avec le contexte dans lequel le crime a été commis. Combien d’entre-nous ont posé des actes dans une colère passagère pour aussitôt les regretter une fois la raison retrouvée ? Nous ne cherchons point à justifier ou à disculper ces «assassins de femmes», même si les hommes peuvent aussi se retrouver dans le cercueil, victimes du ras-le-bol d’une femme longtemps opprimée et violentée. Qu’est-ce qui peut pousser un homme à battre sa femme jusqu’à ce que mort s’en suive ou à l’abattre comme «une chienne» pour paraphraser une ancienne Miss ORTM ?
Le crime passionnel n’est pas l’apanage d’une religion ou d’une société !
Sur les réseaux sociaux, beaucoup d’intervenants ont indexé l’islam en rappelant que c’est le Saint Coran qui autorise expressément de battre sa femme en cas de désobéissance. Pour eux, ce verset coranique est sans équivoque : «Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu’Allah accorde à ceux-là sur celles-ci (…) Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leur mari…). Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d’elles dans leurs lits et Frappez-Les…». Interprété les choses ainsi, c’est oublier que chaque verset du Livre Sacré a son sens et son contexte. Frapper dans celui-ci (contexte) ne donne par l’autorisation de blesser à plus forte raison de tuer. Le verset 4:34 du Coran fut véritablement révélé pour ordonner aux hommes de ne pas battre leur femme. Si celle-ci commet une faute prouvée et brise volontairement ses vœux de mariage, Dieu a donné aux hommes, par ce verset, les étapes à suivre. La correction mentionnée par ce verset 4:34 est symbolique. Et, comme nous le disent plusieurs exégèses interrogés sur la question, «si le mari choisit de l’appliquer, c’est pour sa femme un signe clair que les choses vont mal et qu’elle doit changer sa façon d’agir». «…Au-delà de la lecture littéraliste et erronée que certains font des sources scripturaires, rien et absolument rien ne peut justifier la violence domestique en islam. Les finalités du message sont claires et l’exemplarité du Messager (PSL) le confirme, lui qui n’a jamais levé la main sur une femme», avait défendu le professeur de théologie, Tariq Ramadan sur sa page officielle de Facebook (18 août 2014). «Les musulmans devraient être aux premiers rangs de la lutte contre la violence conjugale, en commençant par donner l’exemple, puis en dénonçant et condamnant ce comportement, quelle que soit la personne, musulmane ou non», avait-t-il poursuivi. Dans un Hadith, lorsque des femmes vinrent se plaindre au prophète Mohammed (PSL) de violences de la part de leur mari, il a fait un prêche pour rappeler, «ceux-là (les maris) ne sont pas les meilleurs d’entre vous». Les récits du Prophète (PSL) relatifs au bon comportement à l’égard de nos conjointes sont innombrables. Il était un exemple parfait et n’a jamais frappé l’une de ses femmes ni même injurié. Mieux, il recommandait : «traitez donc bien vos femmes et soyez gentils envers elles, car elles sont vos partenaires… Les meilleurs d’entre vous sont ceux qui sont les meilleurs avec leurs femmes». L’Islam a depuis toujours condamné la violence, en particulier la violence faite aux femmes. Et nos exégèses sont d’avis que «la femme battue ou maltraitée a le droit au divorce…».
Éviter la haine pour se réconcilier avec l’amour
La violence conjugale existe depuis longtemps et elle a été admise tout au long de l’histoire. Il y a des références à la violence faite aux femmes dans l’histoire grecque. De même, le terme anglais «Rule of Thumb» (règle du pouce), disent des historiens, vient d’un texte de droit anglais datant de 1767 qui permettait au «mari de châtier sa femme avec un fouet ou un rotin n’étant pas plus large que son pouce». L’islam ne saurait encourager un fléau en condamnant les facteurs qui y conduisent. En effet, selon un médecin urgentiste qui s’est confié à nous sous l’anonymat, les époux de la plupart des femmes victimes de violence conjugale qu’il reçoit sont soit des alcooliques ou des consommateurs de drogues. Et dans beaucoup de pays, l’alcool est la cause principale de la violence de certains hommes. Il y a ensuite les drogues, la jalousie excessive, les fardeaux de la vie (chômage, impuissance, stérilité…). Cette violence est condamnable sans réserve. Mais elle ne fait pas des hommes des ennemis de la Femme comme certains ont tendance à le soutenir sur les réseaux sociaux. Cela ne saurait nullement se justifier car, comme le dit si bien ma bien aimée sœur Assétou Gologo dit Tétou, «la moitié complémentaire de la femme, c’est l’homme». C’est comme ça et vice-versa, malgré des exceptions. Comme elle, nous sommes convaincus que, le plus souvent, ces crimes qui défraient la chronique sont liés à la personnalité même de l’un des conjoints, l’homme ou la femme. Fidèle à sa clairvoyance, Tétou pose les questions les plus pertinentes et les plus objectives qui, à nos yeux, doivent permettre de mieux appréhender cette problématique que même les psychologues ont souvent du mal à cerner : Dois-je désormais voir en l’homme un ennemi ? Un assassin potentiel, un violent ? Ne dois-je pas parfois me questionner, en tant que mère, sur l’éducation que j’ai donnée à mon fils, qui ne respecte aucune autre femme que moi ? Dois-je généraliser ? Le crime passionnel existe partout. Mais face à ce fléau, le pire des jugements c’est de vouloir «attribuer le crime passionnel» à une couleur de peau, à une religion… Nous condamnons la violence sous toutes ses formes et manifestations et nous avons une pensée pieuse et émue pour les victimes et leurs familles, notamment pour Mariam Diallo et Maïmouna Sissoko dite Kamissa ainsi que toutes ces anonymes qui vivent le martyr dans l’ombre du silence. Mais, sachons raison garder, car, encore pour paraphraser Tétou Gologo, «il ne s’agit pas de déverser la haine, mais de se réconcilier avec l’amour» !
Moussa BOLLY
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