La politique militaire de la France ne se comprend pas sans son versant «africain». De Gaulle, en fondant la 5° République, considérait que le rang de la France reposait sur deux piliers : sa place en Afrique, et l'arme atomique. Les institutions taillées en conséquence, et les politiques, ont perduré.
Après les indépendances, les présidents qui se sont succédé à l'Elysée ont conservé dans leurs prérogatives la gestion postcoloniale du « pré carré » africain, échappant au contrôle démocratique. L'armée française a joué un rôle essentiel dans cette continuité. En fait, elle n'a jamais quitté l'Afrique et elle y est intervenue 40 fois depuis 1961, assurant la protection des régimes qui défendaient les intérêts français et éliminant ceux qui voulaient s'en émanciper.
Cette politique a connu une crise dans les années 90 : regain des mouvements démocratiques en Afrique, chute de l'apartheid, discrédit du soutien français au régime génocidaire au Rwanda, développement de nouvelles concurrences venant des pays émergents. Les discours officiels à Paris ont évolué : moins d'interventions unilatérales, plus d'«européanisation» ou d'«africanisation» dans la gestion des conflits.
Une timide diminution des bases militaires françaises et des effectifs a commencé, crise économique oblige, accompagnée d'une redéfinition des missions dans le contexte de fin de la guerre froide. Le tour de Hollande arrivant, c'était dit, lui, président, allait «mettre fin à la Françafrique», «c'était à l'Afrique d'assurer elle-même sa sécurité». Promesses, comme tant d'autres, vite oubliées.
Deux interventions militaires plus tard, au Mali et au Centrafrique, endossant l'habit de «chef de guerre», Hollande réhabilitera l'interventionnisme français en Afrique. Face à la menace djihadiste au Mali, il y avait d'autres moyens (interposition de l'Onu, de l'Union Africaine, politique de coopération militaire et d'aide au développement) que d'utiliser la situation pour redéployer unilatéralement tout l'arsenal de l'armée française sur le continent. A cette occasion, l'état-major de l'armée française a su se rendre incontournable.
Dans la foulée, une nouvelle stratégie a été redéfinie dans un nouveau «Livre blanc» de la Défense et une loi de programmation militaires votée fin 2013, réaffirmant l'Afrique comme «zone d'intérêt prioritaire de l'ouest de l'Afrique à l'océan Indien». Sous un nouvel habillage, le Livre blanc 2013 redonne justification, au nom de la défense des «intérêts économiques et stratégiques», à cette exception française : s'arroger le droit de quadriller militairement toute une partie d'un continent, et le droit de «s'engager en premier» sans attendre une action multilatérale.
Alain Montaufray