En mettant en exergue la non-effectivité de la Commission nationale de DDR et la Commission nationale d’Intégration, comme raison du retard du démarrage du DDR, alors qu’il n’est pour le moment question que de cantonnement, la MINUSMA, se rend coupable d’un grave amalgame aux motivations inavouées.
Samba TALL, lors du point de presse hebdomadaire de la Mission onusienne du 7 janvier dernier, le principal blocage au DDR (désarment, démobilisation, intégration ou réintégration/réinsertion dans la vie civile), est le fait du Gouvernement. Pour preuve, soutient-il, les décrets établissant la Commission nationale de DDR et la Commission nationale d’Intégration n’ont été adoptés en Conseil des ministres que le 29 décembre 2015. Soit ! Il n’empêche que sur ce point, il a joué sa partition, même s’il reste la nomination des membres de ces Commissions dont la rapidité des travaux déterminera la date du début du DDR. Il faut aussi reconnaître que conformément à ses engagements, les Gouvernement a eu prendre beaucoup d’autres actes allant dans le sens de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali. Mais de la cela, on ne parle que très peu.
Ce qui aurait été plutôt juste à relever, c’est la réticence ahurissante des groupes armés à créer les conditions idoines au désarmement, démobilisation, réinsertion. M. TALL le rappelle lui-même : « L’Accord d’Alger dit que les mouvements signataires doivent fournir la liste de leurs hommes et de leurs équipements militaires 30 jours après la signature de l’Accord. L’Accord a été parachevé le 20 juin. Cela veut dire que la liste devait être parachevée le 20 juillet et nous serons très bientôt le 20 janvier ». Cette attitude de la CMA sent la mauvaise foi à plein nez. Au retard de six mois, pour fournir la liste des hommes et des équipements militaires, ne saurait en aucun cas être le fait de circonstances défavorables.
Selon des sources proches de ces groupes armés, il y a une affabulation de leur part en ce qui est du nombre des combattants. Les chiffres avancés de part et d’autre, autant du côté de la Coordination des mouvements armés (CMA) que de la Plateforme, les chiffres avancés, indiquent les mêmes sources, sont loin de la réalité. Elles n’excluent donc pas de voir sur la liste des combattants fictifs qui se la coulaient douce à Bamako pendant la crise, pour tenter d’être en conformité avec les déclarations tonitruantes aux allures de pure propagande sans fondement. Ce ne serait d’ailleurs pas une première. Par le passé, des éléments ont été intégrés dans les Forces de défense et de sécurité ou dans l’administration, sans n’avoir jamais eu à combattre.
Le même malaise prévaut pour ce qui est de l’établissement de la liste des équipements militaires. Cela pour une raison essentiellement, nous explique-t-on. Les groupes armés, notamment ceux de Kidal (CMA, HCUA, MAA) en fournissant une liste de leurs équipements militaires, se mettent dans l’obligation de les rendre dans le cadre du désarment prévu par l’Accord pour la paix et la réconciliation. Or il se trouve que pas plus que cette fois-ci que par le passé, ils ne perçoivent la paix qu’à travers le prisme déformant d’une paix armée. Par conséquent, rendre les armes ne rentre pas dans leur conception de la paix. On l’a vu à Kidal, lors d’une parodie de flamme de la paix organisée par le Président ATT, en février 2011.
Officiellement, ce sont 364 armes de guerre, 36 630 munitions, tous calibres confondus, ainsi que 180 grenades, obus et roquettes antichars qui ont été volontairement collectés dans le cadre du Projet d’appui à la récupération des armes à Kidal depuis sa mise en place en septembre 2009. Dans les faits, la publicité autour de l’événement a dépassé de loin les résultats. Très peu d’armes ont été brûlées, certains chefs rebelles ayant d’ailleurs boycotté la cérémonie de la Flamme de la paix gardant par-devers eux leurs armes et munitions.
Par ailleurs, toujours à la charge des groupes armés, les atermoiements à fournir la liste des sites de cantonnement. Selon M. TALL : « Le nombre de site à la date d’aujourd’hui, la CMA a proposé 12 sites de cantonnement et la Plateforme a proposé 12 sites de cantonnent et cela nous fait un total de 24. Les trois sites que nous construisons actuellement, ils ont été initialement proposés par la Plateforme, ils sont dans les régions de Tombouctou et de Gao. Mais c’est la Plateforme et la CMA qui se sont entendues pour qu’on commence à travailler sur ces trois sites ».
Le dilatoire de la MINUSMA apparaît au grand jour dès lors qu’elle zappe le cantonnement qui est la première équation à résoudre. Et s’il y a un retard à ce niveau, ce qui est le cas, il n’est imputable qu’aux groupes armés qui n’avaient rempli aucune des conditions dans ce sens. Pour ce qui est du DDR, cette question sera résolue en temps opportun. Autrement, il y aurait un grave amalgame qui atténuerait la responsabilité des groupes armés dans le retard accusé dans le démarrage et du cantonnement, alors qu’il exposerait l’Etat aux critiques parce que n’ayant pas pris certains actes.
Ce qui est ubuesque, est de voir l’État créer les conditions de la propre déstabilisation à travers l’utilisation de termes, tel « le pré-cantonnement » qui ne figure nulle part dans l’Accord et qui pourrait se retourner contre lui.
Par Bertin DAKOUO