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Afrique et Justice internationale: les chefs d’Etats veulent quitter la CPI
Publié le mercredi 3 fevrier 2016  |  Info Matin
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© Reuters
La procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda




Au moment où l’ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, comparaît devant la Cour pénale internationale (Cpi), à la Haye, alors que le président soudanais, Oumar El Béchir reste sous le coup de mandat international, l’Afrique pourrait, dans un avenir proche, se retirer de cette organisation. C’est du moins la proposition qui a été adoptée à la fin du sommet de l’Union africaine, le dimanche dernier, à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne.

Le président kényan, Uhuru Kenyatta, a déposé une proposition en faveur du retrait des pays africains de la Cour pénale internationale. Une proposition qui a été adoptée à la fin du sommet de l’Union africaine, le dimanche, à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne.
La proposition du président Kenyatta consiste, selon des sources diplomatiques, à préparer une feuille de route devant aboutir au désengagement des pays africains du Statut de Rome, statut par lequel la CPI a été instituée.
Uhuru Kenyatta a fait cette proposition parce que reprochant à la CPI de pratiquer une justice à deux vitesses qui ne cible que les dirigeants africains.
Aussi, à l’appui de son argumentaire, qui aurait été partagé par ses pairs, il met en exergue l’inertie voulue ou subie par la CPI, notamment par son procureur devant les violations des droits de l’homme et les crimes commis par les armées et des responsables des pays occidentaux qui restent impunis.
L’autre critique adressée à la CPI, concerne le pouvoir, jugé exorbitant, de son procureur. En effet, conformément aux termes de l’article 15 du statut, le procureur « peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour… »
De plus, ce pouvoir serait utilisé, de façon sélective, « à la tête du client » et semble plus orienté contre les dirigeants africains que d’autres, comme ce fut le cas de l’initiateur de la proposition, Uhuru Kenyatta et son vice-président William Ruto, qui ont été traînés devant la Cette Cour, parce qu’on les soupçonnait d’être les principaux instigateurs de violences consécutives aux élections générales de 2007, au Kenya.
Quant à Laurent Gbagbo, son procès s’est ouvert jeudi, à La Haye. Il est poursuivi pour crimes contre l’humanité suite aux violences postélectorales de 2010-2011, en Côte d’Ivoire, qui avaient fait quelque trois mille morts et près de 300 mille déplacés, selon un bilan des Nations unies.
Enfin, d’autres critiques à l’encontre de la CPI relèvent du fait qu’elle ne s’intéresse qu’au « menu fretin » (chefs de faction et de milices armées) et évite les véritables responsables de crimes internationaux. Sur la base de ces éléments, les dirigeants africains sont dans leur droit de considérer, à juste titre, que la CPI a été « conçue et réalisée à l’image et au service des puissants de ce monde ». Mais la critique doit être adressée aussi au leadership africain (et arabe) qui, par sa gouvernance non démocratique, offre un terreau fertile à l’action de la CPI.
Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’actuellement persiste, entre la CPI et le leadership africain, regroupé au sein de l’Union africaine (UA), un profond malaise qui n’augure rien de bon pour l’avenir de leurs relations.
L’émission des mandats d’arrêt contre les présidents soudanais, Omar El Béchir et kenyan, Uhurru Kenyatta et l’arrestation de l’ex-chef d’État ivoirien, Laurent Gbagbo et de l’ancien vice-président congolais, Jean-Pierre Bemba, en a frustré plus d’un parmi les leaders africains.
Il faut par ailleurs noter que la Cour a abandonné ses poursuites à l’encontre du chef d’État kenyan, « faute de preuves » selon la procureure Bensouda, mais aussi et probablement, en raison du refus de Nairobi de fournir à la cour des « documents cruciaux ». Quelle qu’en fût la véritable raison, le fait est là : un chef d’État africain en exercice a bien comparu devant la CPI et cela est loin d’avoir plu à de nombreux citoyens africains qui lui reprochaient de « répondre devant une cour politique au service de l’impérialisme occidental », considérant le geste du président kenyan comme un affront à l’Afrique. Ce dont se défend la CPI.
Voilà pourquoi, dans ce contexte surchauffé, le Sommet africain du cinquantenaire, en mai 2013, a permis à de nombreux chefs d’État africains de donner libre cours à leur animosité à l’égard de la cour. Cela dit, l’Union, à cette époque, n’a pas voulu fermer complètement la porte à la CPI. Un projet de résolution accusant cette Cour de mener une « chasse raciste contre les Africains » n’ayant pas été adopté.
L’Union africaine considère qu’il y a lieu de surseoir à la poursuite contre tout chef d’État ou de gouvernement africain en exercice, afin de « donner une plus grande importance à la chance du retour de la paix ».
Tout comme d’ailleurs la Ligue arabe, l’UA ne s’estime pas tenue de donner suite aux poursuites engagées contre les chefs d’État africains en exercice.
Par ailleurs, tandis que l’Afrique du Sud, membre à part entière de la CPI ignorait ses engagements avec cette dernière en refusant, en octobre 2015, de donner suite aux mandats d’arrêt émis à l’encontre d’Omar El Béchir au prétexte qu’il était invité par l’UA, la Libye post-Kadhafi refusait de livrer Seif-El-Islam à la CPI.
Comme on l’a constaté, beaucoup de critiques peuvent être objectivement adressées à la CPI, mais il faut savoir qu’« au-delà de la répression des crimes et de la punition des coupables, la justice internationale devient tout à la fois un instrument de prévention, un remède à la guerre, l’arme de la sécurité globale et le moyen de rendre justice aux victimes ainsi que de leur accorder une juste réparation ».
Cependant, et sans parti pris aucun, l’attitude africaine concernant le refus de poursuites à l’encontre des chefs d’État en exercice est tout à son honneur. C’est une décision courageuse, mais surtout sage. Car elle sous-entend qu’une fois leur mandat achevé, ces dirigeants sont susceptibles de rendre des comptes tant à leur juridiction nationale qu’à celles internationales.
Une telle attitude devrait être examinée consciencieusement par la CPI et pourrait donner lieu à un nouveau débat en vue de son insertion dans le statut de Rome.
Ce que demande l’Union africaine est le respect du mandat du peuple, donc l’immunité, mais pas l’impunité. Poursuivre un chef d’État en exercice ne signifie pas forcément régler le problème pour lequel il est poursuivi, comme le Darfour pour Omar El-Béchir. Cela pourrait, au contraire, compliquer davantage la situation. Et puis, en sus de la question de souveraineté nationale que représente le chef de l’État et que voudrait ignorer la CPI, il y a le sentiment de fierté nationale, personnelle chez le chef d’État et national chez son peuple. Juger et emprisonner un chef d’État en exercice ressemble bien à une insulte à toute une nation.
Mais, le tort pour certains de nos dirigeants est qu’ils ne semblent pas se soucier outre mesure des aspirations légitimes de leurs citoyens. En agissant ainsi, ils deviennent les premiers responsables des graves crimes dits internationaux qui se commentent dans leurs propres pays et s’exposent aux « foudres » de la CPI.
Espérons que l’action de la CPI soit dissuasive pour tous les dirigeants de ce monde, africains ou pas, qui s’estimeraient au-dessus de la justice de leur pays et non concernés par la justice internationale. Désormais, il ne devrait y avoir d’impunité pour personne.

CPI: pouvoir et compétences
Du statut entré en vigueur le 1er juillet 2002, après la 60e ratification, il est utile de retenir les principales dispositions :
– la cour inscrit son action dans le cadre de la complémentarité des juridictions nationales (article 1). Dans ce contexte, les Etats conservent, en premier lieu, la responsabilité de poursuivre et juger les responsables des crimes relevant de la compétence de la CPI. Cette dernière n’intervient que si elle constate une mauvaise volonté manifeste ou une défaillance (incompétence) des juridictions nationales (article 17) à juger les responsables de ces crimes ;
– la Cour n’est compétente qu’à l’égard des personnes physiques (article 25) responsables de crimes commis postérieurement à l’entrée en vigueur de son statut, soit 2002 (articles 11 et 24) ;
– les crimes relevant de la compétence de la cour sont imprescriptibles (article 29) et sa compétence n’exclut pas les hauts responsables et les officiels couverts par l’immunité que leur octroie le droit international ou le droit national eu égard à leurs fonctions (chefs d’Etat ou de gouvernement, membres de gouvernements ou de Parlements en exercice ou pas (article 27). De même, entrent dans la compétence de la cour les crimes commis directement ou sous l’autorité des chefs et supérieurs hiérarchiques militaires (article 28) ;
– la CPI ne peut être saisie que par un Etat-partie (article 14), le Conseil de sécurité des Nations unies (article 13b) ou le procureur (article 13c). Dans ce cadre, il est nécessaire que la personne mise en cause soit un national d’un Etat membre ou que le crime ait été commis sur le territoire de cet Etat ;
– la non-adhésion d’un Etat au statut ne le dispense pas de prêter son assistance à la CPI. Pour cela un accord entre les deux parties est nécessaire (article 12).
La cour peut prononcer des peines d’emprisonnement de 30 ans au plus ou l’emprisonnement à perpétuité «si l’extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient». Elle peut y ajouter une amende ou la confiscation des «profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime» (article 77). La procédure par défaut n’étant pas prévue par le statut, le procès à la CPI ne peut se dérouler qu’en présence de l’accusé.
Enfin, utile rappel, il y a lieu de distinguer la CPI compétente à l’égard des personnes physiques et la Cour internationale de justice (CIJ), organe judiciaire des Nations unies, créée en 1945 par la Charte des Nations unies pour régler les conflits juridiques que lui soumettent les Etats. Tout comme il est utile de distinguer la CPI des tribunaux pénaux internationaux (TPI) qui sont des tribunaux provisoires créés par des résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies. Contrairement à la CPI, ces tribunaux ont une compétence limitée dans l’espace (le pays en question) et un caractère provisoire.

Par Mohamed D. DIAWARA
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