Pourtant, un adage populaire au mali dit que ce qu’un vieillard assis peut voir, un jeune débout ne le voit pas. Lorsque le premier ministre Moussa Mara, dans la trentaine, fut remplacé par celui qui a le double de son âge, Modibo Keita, les maliens crurent que les grosses fautes de gestion seront terminées. Hélas, ce fut le grand contraire.
La grande expérience professionnelle de l’actuel premier ministre Modibo Keita acquise dans les hautes sphères de l’administration a-t-elle été utile à lui et au Mali ? Il y a de cela plus de 34 ans, depuis 1982, que le colosse Modiko Keita exerce successivement les fonctions de ministre de la République et d’ambassadeur du Mali dans plusieurs pays occidentaux. Après avoir été premier ministre de l’ancien président Alpha Oumar Konaré, c’est la deuxième fois qu’il occupe ce poste depuis le 09 janvier 2015. Certes, l’expérience de Modibo est très grande mais sa compétence est trop petite. Expérience et incompétence égalables à celles de son employeur de président, le bon pilote, IBK, plébiscité mais perturbé par sa famille d’abord et ses amis à bord. C’est pourquoi, pendant une seule année, notre cher Modibo, a été balancé, pour la troisième fois consécutive, à la tête d’un autre gouvernement bâclé, le 15 janvier dernier. Sous le contrôle de son patron, le premier des ministres a laissé ses ministres dilapider le bien public, dans des scandales financiers, en plein jour, sans leur infliger la moindre sanction.
Un premier ministre usurpateur de logements sociaux
Selon le dictionnaire, un usurpateur est une « personne qui s'empare, par la force ou par des manœuvres illicites ou déloyales, d'un droit, d'un titre ou d'un pouvoir »
Les logements sociaux sont, partout au monde, construits pour aider les citoyens démunis, défavorisés à se trouver un logis décent à un prix abordable. Partout au monde, sans aucune exception, pour bénéficier d’un logement social, le premier critère reste invariable : Etre un citoyen à faibles revenus. La classification dans cette catégorie sociale est variable, d’un pays à un autre, selon le PIB (Produit Intérieur Brut). Le PIB étant un indicateur économique de la richesse produite par année dans un pays donné.
Même dans les pays les plus riches au monde qui sont réputés capitalistes, individualistes, la politique de logement social, quelque soit la forme, est mise en pratique. Au Canada, plus précisément dans la Province du Québec, surtout à Montréal, la grande métropole, les logements sociaux plus connus sont appelés : HLM ( Habitations à Loyer Modique). Comme son nom l’indique, malgré la modicité du prix, le ou la bénéficiaire du HLM ne paye ni eau ni électricité. « Les habitations à loyer modique ou HLM sont destinées aux personnes ou aux familles qui n'ont pas les moyens de se loger convenablement », précise le gouvernement du Québec qui détermine les critères d’admissibilité.
La quasi-totalité des pays africains ont leurs programmes de construction et d’attribution des logements sociaux. Dans le cas du Mali, il faut rappeler que les projets de logements sociaux ont été mis en application efficacement et discrètement par le régime du premier président du Mali, Modibo Daba Keita. Avec fermeté, honnêteté et dignité, ce président de la république, Modibo Daba Keita a construit des logements sociaux au pays comme les maisons de la SEMA de Badalabougou. Le 2eme président, le général Moussa Traoré, a continué par, entre autres, les logements de Faso Kanu. Les présidents Alpha Oumar Konaré et Amadou Toumani Touré, sans interrompre cet élan de construction solidaire, l’ont remarquablement développé au fil des années.
En 2015, c’est dans ce même ordre d’idée, que les citoyens ont été autorisés, à partir du lundi 11 mai, à déposer leurs dossiers pour l’obtention d’un des 1552 logements sociaux de Ntabacoro.
Au temps de l’actuel président, IBK, les conditions d’obtention des logements sociaux sont devenues trop difficiles par l’augmentation excessive de la caution qui passe de 132 000 à 234 000 francs cfa pour les types F3. Au même moment, il faut débourser les faramineuses cautions de 2 050 000 fcfa pour les F4 et 2 400 000 fcfa pour les F5.
En dépit de ces frais exorbitants, 15 006 personnes ont postulé pour les 1552 logements dits sociaux. C’est après l’affichage des listes des bénéficiaires de ces logements que le Collectif des demandeurs de logements sociaux de N’Tabacoro a constaté le népotisme du premier ministre Modibo Keïta dans le choix des bénéficiaires. Le népotisme est, selon le dictionnaire, « le favoritisme abusif exercé par un personnage haut placé à l'égard de sa famille, de ses amis ou de ses électeurs ». Lors de sa conférence de presse tenue à Djicoroni, ce Collectif a demandé la démission du premier ministre et révélé les noms des six membres de sa famille qui ont accaparé les parts des démunis ainsi :
1 – La femme du premier ministre, Adama Diakité : F3A, lot N°3136.
Les noms et lots des 5 enfants du premier ministre, Modibo Keita :
2 - Néné Keïta, F3A, N°3399 ;
3 - Fatoumata Bintou Keïta F3A, N°3043, installée au Canada;
4 - Aïssata Keïta F5A, N°3075;
5 - Gaoussou Keïta F3A, N°3395 ;
6 - Djiby Coulibaly postulant au nom de Tassiré Keïta F5, N°3050.
Sans euphémisme aucun, disons directement et franchement que l’actuel premier ministre du Mali, Modibo Keita, a usurpé ces six logements sociaux aux profits de sa femme et ses cinq enfants. Cela est une réalité tangible que le chef du gouvernement lui-même et son entourage n’ont jamais pu nier.
Admettons que le premier ministre, Modibo Keita, n’était pas au courant de cette attribution illégale de ces logements sociaux à sa famille, comme le disent certains de ses proches. Pourquoi, après les révélations faites dans la presse, le premier ministre n’a-t-il pas retiré des mains de sa famille ces « cadeaux » encombrants et déshonorants pour les remettre à la disposition des démunis ?
Certains hommes de presse, dont Mamadou Fofana et Saouti Haidara du quotidien L’Indépendant, ont rigoureusement dénoncé cette usurpation sans pareille au Mali :
Sous le titre, « Modibo Keita avait-il besoin de logements sociaux pour son épouse et ses enfants ? » du 21 décembre 2015, voici des extraits de Mamadou Fofana, qui a martelé : « C’est un coup assassin qu’il vient de porter à IBK et sa gouvernance déjà mal en point. Mais voilà. Plusieurs jours déjà que la révélation a été faite…Le gouvernement continue d’observer un silence de cimetière. Espérant certainement que la nouvelle mourra de sa propre mort. Car au Mali, les scandales se succèdent et aucune sanction n’est jamais prise à l’encontre des mis en cause. Au contraire, ceux-ci sont le plus souvent présentés comme des victimes…de la jalousie voire de l’égoïsme des uns et des autres. La Patrie et ses biens étant considérés comme appartenant prioritairement à un groupe d’hommes et de femmes. Pour ces hommes et ces femmes tout est permis »
Le Directeur de publication du même quotidien, monsieur Saouti L. Haidara, dans sa rubrique, LIGNE DE FORCE, a écrit, le 22 décembre 2015 : « Modibo Kéïta doit se démettre » avant d’argumenter par ces quelques extraits :
« C’est une double faute politique et morale d’une extrême gravité que le Premier ministre Modibo Kéïta est accusé d’avoir commis en faisant bénéficier sa douce moitié et ses cinq chérubins de logements sociaux.»
« Un tel homme ne peut pas, ne doit se rabaisser à prendre la part des pauvres comme on le dit chez nous. Car les logements sociaux sont d’abord l’affaire des pauvres, des sans-ressources, au mieux des revenus faibles et Modibo Kéïta et sa famille ne sont pas sûrement au nombre de ces gens-là. »
« En vérité, s’il a pu se rendre coupable d’une telle forfaiture, il y aura été poussé par la seule cupidité, le désir violent et irrépressible d’accumuler la richesse. Toujours et plus. »
« Dans ce cas, le discrédit dont il se sera couvert tant auprès de nos concitoyens que de la communauté internationale ne l’autoriserait pas à garder son poste de Premier ministre. Il n’aura d’autre choix que de démissionner »
Doit-on être surpris que, IBK, le patron du premier ministre ait déclaré à J.A son soutien implicite à la mal-gouvernance ainsi ; « …je crois qu’il y a des choses qu’il faut laisser mourir de leur mort naturelle. Ceux qui animent ces polémiques le savent. Ils cherchent, ils fouillent dans mes poches, dans mon entourage, au sein de ma famille, du côté de mes ministres. Et ils ne trouvent rien, ils n’ont pas de prise…», il répondait à la question du journaliste sur les scandales révélés par l’opposition.
Non, monsieur le Président, non monsieur le Premier Ministre, détrompez-vous, vos dérives ne mourront pas « de leur mort naturelle ». Nous demeurerons les échos des voix des démunis désabusés. Aussi longtemps, monsieur le Premier Ministre, que vous vous accrocherez à votre poste souillé par vous-même, nous continuerons à vous appeler, dans nos colonnes ainsi : Le premier ministre Modibo, colosse usurpateur de logements sociaux. Car, c’est cette image d’abuseur de pouvoir que vous reflèterez, à chacune de vos apparitions publiques, dans le subconscient d’un grand nombre de maliens. Un des postulants démunis et désabusé, qui a de grandes difficultés à payer son loyer mensuel, en vous voyant à la télévision parler de la dignité et de l’honneur concernant la suspension du droit de vote du Mali à l’ONU pour non payement de cotisation, s’est exclamé ainsi : « Monsieur le premier ministre, s’il vous plait, rendez-nous d’abord nos maisons…pour l’honneur du Mali ». A suivre…
Lacine Diawara