Au-delà des grandes questions débattues et des décisions prises pour le développement de notre continent, le 26e Sommet des chefs d’État et de gouvernements de l’Union africaine marquera longtemps l’histoire de notre pays. On en retient qu’après plusieurs années de brouille, l’ancien Président, le premier démocratiquement élu de notre pays, Alpha Oumar KONARE, et son ancien Premier ministre et actuel Président, IBK, ont eu des poignées de main. L’image qui a été présentée à la télévision nationale, relevait plus du rêve que d’une réalité pour beaucoup de Maliens. Si cette première rencontre après plus d’une décennie de séparation suscite des espoirs, elle n’est pas sans susciter des interrogations. S’agit-il de la fin d’une brouille ? Comment les deux hommes vont-ils entrevoir leurs nouvelles relations ?
Que de rendez-vous manqués entre ces deux anciens complices dont les voies se sont finalement croisées à Addis-Abeba, à l’occasion du dernier sommet de l’UA ! L’image des retrouvailles, qui a vite fait le tour du pays, à travers les écrans de la télévision nationale, ne pousse pas moins des observateurs à la retenue. Pourquoi, en effet tout ce temps et pourquoi à l’extérieur du pays, alors que notre culture veut que le linge sale se lave en famille ? En tout cas, l’évidence et le plus important est que les deux hommes ont pu se rencontrer après plusieurs années brouille et d’évitements. Il se raconte que pour ce 1er contact, c’est Alpha Oumar KONARE qui a pris l’initiative, en traversant toute la salle, pour venir serrer la main à son ancien Premier ministre avec qui il a échangé pendant une bonne dizaine de minutes. S’en est également suivi un entretien à huis clos, entre les deux anciens amis, rapporte-t-on.
Selon d’autres indiscrétions, certains diplomates de pays amis auraient beaucoup pesé dans la balance pour que les retrouvailles soient possibles entre notre ancien président et l’actuel. Si les retrouvailles sont appréciées par beaucoup, certains commentateurs se veulent très prudents. Car il semble que le Président Alpha a trouvé son ancien Premier ministre et actuel Président de la République en salle. Toute chose qui ne lui donnait pas suffisamment de marge de manœuvre pour l’ignorer.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce temps de la brouille avait assez duré et il était temps que ces deux hommes donnent une autre image d’eux aux yeux de l’opinion nationale pour l’intérêt supérieur de notre pays après plusieurs rendez-vous manqués. En tout état de cause, cette nouvelle donne encore plus d’espoir et d’énergie aux animateurs actuels de l’Adéma/PASJ qui espèrent réunir pour le 25e anniversaire de leur parti, le 24 mai prochain, ses anciens présidents : Ibrahim Boubacar KEITA et Dioncounda TRAORE. Quoi qu’on dise, IBK et Alpha sont des frères politiques qui ont marqué l’histoire de la politique de notre pays. En effet, Ibrahim Boubacar Keita a été le Premier ministre du Président Alpha Oumar KONARE, le 4 février 1994, après que Me Abdoulaye Sékou SOW ait abandonné le navire en pleine mer fortement agitée par des troubles liés aux revendications de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Me SOW sera remplacé par Ibrahim Boubacar KEITA, ministre du même gouvernement. Réputé pour sa « poigne » dans la conduite des affaires de l’État, il occupera cette fonction jusqu’en février 2000, battant ainsi le record de longévité à la tête du gouvernement pendant six ans sans interruption.
Les deux hommes ont fini par se brouiller à l’approche des échéances électorales de 2002.
« Je sais d’où vient le coup », avait dit IBK avant de quitter l’ADEMA et de diriger, en 2001, le RPM (Rassemblement pour le Mali) qui comptait parmi les trois premières forces politiques du pays, après l’ADEMA et l’URD, en termes de députés à l’Assemblée nationale et de conseillers municipaux à travers le pays. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont !
Depuis son départ de Koulouba, en 2002, le Président Alpha Oumar KONARE a choisi de se mettre à l’écart de la politique. Ainsi, durant tout le règne de son successeur, pendant 10 ans, il n’a fait aucune sortie officielle sur une quelconque question de la nation. Ce qui a surpris plus d’un, c’est que AOK est resté effacé pendant toute la crise multidimensionnelle que notre pays a traversé. Même quand le pays était à un doigt d’être rayé de la carte du monde, à cause de la menace djihadiste en 2013, le premier président démocratiquement élu a opté pour un silence trop bruyant.
Après ce contact d’Addis-Abeba, l’ancien président et son ancien Premier ministre vont-ils normaliser leurs relations ? Donnons le temps au temps.
Par Sidi DAO