Avec le processus électoral qui vient de s’y dérouler, fortement perturbé par les actes d’hostilité à l’endroit du gouvernement, la localité de Tallataye, à Ansongo, constitue un obstacle majeur au processus de paix dans le pays. Ceux qui sont responsables de ce coup d’arrêt sur l’accord de paix, et qui sont parmi les signataires dudit accord, sont bien dans le collimateur de la Minusma, dont le silence face à l’épreuve inquiète plus d’un.
Tallataye n’est plus un cas isolé : lors des dernières joutes électorales, qui s’y sont déroulées, ce fut la provocation sur fond d’intimidation et de sabotage à l’encontre de tout le processus de paix, en cours au Mali, caractérisé par la signature de l’accord de paix, devenu inclusif. En fait, au cours des deux phases successives des législatives partielles d’Ansongo, la localité de Tallataye n’a pas voté. Pas du tout ! Pendant le premier tour, les micmacs qui s’y sont déroulés ont eu des échos forts agaçants à Bamako au point d’irriter le président IBK qui, de la manière la plus solennelle, a exprimé ses états d’âme en dénonçant ce qu’il a lui-même appelé l’inacceptable.
En la circonstance, voici ce qu’il en dit : « Je viens de recevoir les résultats. Je crois qu’il y a un deuxième tour entre l’URD et le RPM. Je vous l’annonce si vous ne le savez pas. Nous espérons que ce deuxième tour va se dérouler dans les conditions démocratiques et républicaines. En tout cas, nous avons le devoir, nous État, de faire en sorte que, bien que cette fois-ci nous ayons tout fait pour éviter la provocation. Parce que provocation il y a avait ! Forces, il y avait, en face. Les FAMA étaient là, elles auraient pu circonscrire que nous n’avons pas voulu. Nous avons préféré retirer nos forces ».
Et puis arriva le second tour. C’était le dimanche dernier dans la localité d’Ansongo. Avec les mêmes scènes de provocation orchestrées par des hommes armés qui ont empêché, par l’intimidation et la violence, le processus de vote de se dérouler, comme il était organisé. Même scène de violences, même décor : les associations de jeunes et de femmes, dopées à fond par des slogans hostiles au gouvernement du Mali, s’interposent dans la localité de Tallataye devant les équipes de campagne des compétiteurs politiques, en leur disant qu’ils ne sont pas les bienvenus, ici, la sphère de compétence de la fantomatique Azawad qui ne ferait plus partie du Mali.
La situation de Tallataye est devenue si explosive, et suffisamment préoccupante, car constituant de vrais obstacles contre le processus de paix, pour inciter la Minusma, qui a pour mandat la stabilisation du pays, à réagir vigoureusement pour rappeler les fauteurs de troubles à l’ordre public. On le sait, dans d’autres circonstances, et dans d’autres localités, pour des violences plus ou moins similaires à celles observées à Tallataye, on la vue la Minusma, plus prompte et plus déterminée, à intervenir et même à marquer son territoire. Ce fut le cas, il y a quelques mois, au lendemain du rendez-vous de Bamako, le 15 mai dernier, lié à la signature de l’accord de paix par certains des acteurs (moins les rebelles de Kidal), à appeler directement les responsables de la plate-forme à leurs strictes responsabilités face au respect des engagements, lorsqu’ils avaient occupé la ville de Ménaka, en y chassant les combattants de la coordination des mouvements armés.
Le cas le plus récent, d’une réaction de la Minusma, aussi décisive et ferme, sur une crise éclatée entre les protagonistes de la crise malienne, est celui relatif aux hostilités d’Anéfis. A cette occasion, où les combattants des deux camps s’étaient violemment affrontés et que les forces de la plate-forme avaient menacé de pénétrer dans la ville de Kidal, la Minusma, très alerte, avait poussé la menace plus loin jusqu’à ériger, sans même prévenir les autorités gouvernementales, une zone de sécurité autour de Kidal, sur près de 20 kilomètres, non sans avoir au préalable désigné cette action des combattants de la plate-forme comme une violation du processus de paix. La Minusma avait justement expliqué sa démarche, à l’époque des faits, comme des dispositions nécessaires visant à empêcher l’escalade de la violence entre les protagonistes, susceptible de remettre en cause les mesures de protection des populations civiles. Face à cette intrusion de la Minusma, instituant une zone de sécurité autour de Kidal, la CMA elle-même, pour laquelle l’opinion publique malienne croyait avoir bénéficié d’une préférence de la mission onusienne, avait jugé la mesure inopportune. Même attitude pour le gouvernement qui, dans un communiqué, n’avait pas hésité de rappeler à la Minusma son rôle d’impartialité à l’endroit de toutes les populations maliennes. Il est donc clair, à travers ces agissements, que la Minusma a bien fait très souvent le bon samaritain sur le terrain, en cas de menace grave et répétée contre le processus de paix, estimant bien que cela faisait partie de son mandat de stabilisation du pays.
En clair, en vertu de son mandat, la Minusma a la mission de prévenir et de dénoncer tout manquement grave au processus électoral et de suggérer au conseil de sécurité toute possibilité de sanction ciblée, individuelle ou collective, à l’endroit de tous ceux qui, par leurs comportements et leurs faits, contribuent à annihiler les efforts de paix. À Tallataye, les violences répétées et prolongées contre le processus de paix, rentrant dans la mission politique de stabilisation du pays, pouvaient être directement dénoncées par la Minusma dont le silence sur ces faits gravissimes contre le processus de paix a laissé pantois plus d’un, parmi les observateurs attentifs sur la crise malienne, lesquels ne comprennent pas soudainement cet « oubli » de la mission onusienne à mettre la pression sur les fauteurs de l’ordre public et du processus de paix.
La dernière fois, le président IBK l’a bien mentionné : si les forces armées maliennes, bien présentes dans la localité, n’ont pas agi, lorsqu’il y a eu trouble sur le processus de vote, c’était bien pour ne pas fragiliser le processus de paix. Peut-être d’ailleurs que si elles avaient intervenu, en usant la force pour permettre au processus de vote de se dérouler convenablement, dans cette localité, on n’en serait aujourd’hui à dénoncer un usage disproportionné, voire inopportun, de la force militaire sur le terrain. Avec tout le baratin qu’une telle situation entraîne, dans certains milieux que l’on connait pour leurs excès de propagande et de provocation. D’où, ce silence de la Minusma qui dérange aujourd’hui face à ces scènes d’une violence inouïe, éclatées à Tallataye, et qui constituent une menace grave contre le processus de paix, forcément imputables à des groupes hostiles, parfaitement identifiables par leurs comportements de tous jours.
Sékouba Samaké