NIONO (Mali) - Trois blindés français franchissent le pont métallique sur le fleuve Niger, croisent un véhicule de l'armée malienne, monté d'une mitrailleuse. Passé le pont, la route pénètre en zone de guerre, vers Diabali, ville prise puis abandonnée par les islamistes armés du Mali.
Soixante-dix km de savane plus loin, Niono, dernière ville accessible en
direction de Diabali, située à quelques 350 km au nord-est de Bamako. La ville
avait été prise lundi par les islamistes, qui l'ont abandonnée jeudi, selon
l'armée malienne, après d'intenses bombardements de l'aviation française.
Dans Niono, seule l'armée malienne est là, pas de présence française
visible. De petits groupes de soldats patrouillent dans le marché de la ville
aux rues de latérite. D'autres veillent à l'ombre de manguiers. L'atmosphère
est à la vigilance.
Le Colonel Keba Sangaré, coordinateur de la région militaire de Tombouctou,
dont font partie Diabali et Niolo, est confiant.
"L'ennemi a fui, nous nous apprêtons à y entrer. Mais nous ne voulons pas y
aller en solitaire, c'est une opération multinationale", explique-t-il, debout
devant le petit camp militaire. Il poursuit: "L'ennemi se cherche, il n'est
plus regroupé comme avant avec des centaines de Toyota".
A cent mètres, le préfet de la région, Seydou Traoré, a un problème
immédiat: impossible de retrouver la clé du pont mobile qui enjambe le canal
vers Diabali. Il explique à l'AFP: "Tous les soirs, à 18 heures, je fais lever
le pont mobile pour empêcher les assaillants de pénétrer dans la ville".
Il craint les infiltrations des islamistes car, même défaits, "ce sont des
guerriers". "Dans leur fuite précipitée, ils ont laissé, volontairement ou
non, des hommes qui sont restés éparpillés. Certains reviennent sous divers
déguisements".
Un émissaire pour Diabali
Monsieur le préfet, saharienne beige, "très sollicité ces jours-ci depuis
la déflagration", va envoyer un émissaire à Diabali. "Dites aux gens de sortir
de chez eux, que l'atmosphère se détende un peu", lui demande-t-il.
L'émissaire, en civil, semble un peu hésitant, et, à la question du
journaliste de savoir s'il va réussir à franchir sans encombre cette zone de
60 km non sécurisée par l'armée malienne, il murmure qu'il "va faire tout son
possible pour réussir".
Selon le préfet, les islamistes "ont laissé des tas de munitions et de
grenades" dans Diabali. Il a conseillé à la population de ne "pas s'en
approcher".
Lorsqu'un bus arrive de Diabali, tous les passagers doivent descendre,
ouvrir leurs nombreux bagages qui sont fouillés par les militaires à la
recherche d'éventuelles armes et d'islamistes tentant de fuir.
A Segou, ville située plus au sud en direction de Bamako, "un islamiste a
été attrapé hier soir avec un pistolet caché sous sa djellaba", affirmait
samedi un habitant.
A la sortie nord de Niono, l'armée malienne bloque impitoyablement le
passage vers Diabali, seules les charrettes tirées par de petits ânes et
quelques habitants en vélo franchissent le barrage.
Dans l'autre sens, une jeune femme arrive à pied à Niono, épuisée. Deux
enfants aux pieds nus, regards fixes, marchent à ses côtés sous le soleil.
Elle porte un troisième caché dans son dos, dont on n'aperçoit que la plante
des pieds.
Aminata Founda a fui Diabali, elle a marché car elle n'avait pas d'argent
pour se payer un transport. Combien de jours a-t-elle marché avec ses trois
enfants? Elle compte sur ses doigts: six jours.
Elle a quitté Diabali car "elle a eu peur des islamistes". Son but est
maintenant de rejoindre Alatonda, le village de son père, loin dans la
brousse, loin de la guerre.
jpc/stb/sba