Les institutions de la République (les directions nationales et régionales, bref la plupart des services de l’administration) sont dirigées par les membres du parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM), les membres de la convention des partis politiques de la majorité présidentielle, voire les proches du pouvoir. Dernier cas illustratif: la nomination de Modibo Sidibé, le vendredi 29 janvier 2016, comme secrétaire général de l’Assemblée nationale. Ce dernier serait un proche du président de l’Hémicycle, l’honorable Issaka Sidibé qui a mis à la porte Dr Madou Diallo, ancien secrétaire général de l’Assemblée nationale dont le tort serait d’être militant d’un parti d’opposition.
La chasse aux sorcières ouverte depuis belle lurette n’entend pas s’arrêter en si bon chemin. L’éviction de Dr Madou Diallo, orfèvre de l’organisation de l’Assemblée nationale jusqu’à la fin de janvier dernier, est le président du mouvement des jeunes de l’Union pour la République et la démocratie (Urd).
Pourtant l’expérience, la compétence, l’intégrité, le professionnalisme et le sens élevé de responsabilité de ce jeune cadre de l’opposition ne souffre d’aucune ambigüité. D’ailleurs, le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé, président de l’Urd n’a pas tardé à réagir. «Le Docteur Madou Diallo, Président du Mouvement National des jeunes de l’Urd, vient de grossir le lot des nombreux cadres de l’Urd et de l’opposition de façon générale qui ont été relevés de leur fonction par le régime en place en raison de leur appartenance politique », souligne un communiqué de l’URD.
A quand la voix de l’opposition sera entendue ? C’est la question que l’on se pose, car elle n’a cessé de dénoncer la politisation de l’administration qui devient de plus en plus manifeste. «Cette attitude inadmissible dans une démocratie constitue une violation flagrante de l’article 20 de la loi n°007 du 4 mars 2015 portant statut de l’opposition politique », poursuit le même communiqué.
En effet, l’article 20 du statut de l’opposition stipule que « le chef de l’opposition politique et les dirigeants des partis politiques de l’opposition politique ne peuvent faire l’objet de discrimination, de sanction administrative ou d’emprisonnement en raison de leurs opinions ou appartenance politiques ». Seule consolation pour Dr Diallo : le Bureau exécutif national et l’ensemble des militants et militantes de l’Urd qui le félicitent pour les bons et loyaux services passés à l’Assemblée nationale du Mali. Ils lui assurent leur soutien indéfectible et l’encouragent à continuer à mettre au service du Mali ses qualités professionnelles et personnelles avérées.
Pour avoir sa part de gâteau, même étant carrent, il faut être proche du pouvoir, être membre du parti présidentiel, être membre de la Convention des partis politiques de la majorité présidentielle. La plupart de nos institutions sont dirigées par le parti présidentiel. On trouve ainsi à l’Assemblée nationale Issaka Sidibé( RPM), Boulkassoum Haïdara (RPM) au Conseil économique social et culturel, Adrahamane Niang (RPM) à la Haute cour de justice.
Tous les cadres de l’administration sont de la mouvance présidentielle comme si le citoyen malien se limitait à cette mouvance. D’autres n’hésitent pas à adhérer au parti présidentiel pour être bien servi. C’est le cas de l’ancien président du Haut conseil des collectivités territoriales, Oumarou Ag Ibrahim Haïdara, qui a quitté l’Adema Pasj pour le Rpm. A quelle fin ? Certains cadres du Rpm dénoncent d’ailleurs cet état de fait. Car ils estiment que le parti au pouvoir, le Rpm est « envahi » par des opportunistes.
Il y a aussi le très controversé Bakary Togola, patron de l’APCAM, qui est connu pour sa prestance au Mouvement citoyen. Cette association devenue un parti politique sous son mentor ATT et Bakary Togola en était un haut responsable.
Ainsi donc, l’opposition politique se retrouve avec la portion congrue ou rien. Pour preuve, le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé ne cesse de dénoncer le retard pris dans l’opérationnalisation effective du statut de l’opposition. « Le statut du chef de l’opposition politique doit être opérationnel : le retard risque d’être assimilé à une volonté de bâillonner de tous ceux qui ne pensent pas comme la majorité », disait l’honorable Soumaïla Cissé lors de la présentation de ses vœux au président de la République IBK le mois de janvier dernier.
Quelques exceptions sont quand même à signaler. Le parti présidentiel se déchire pour la primature conduit par le « sage » et l’ « apolitique » Modibo Keïta. Le Président IBK va-t-il cédé à la pression de son parti ? L’avenir nous le dira.
La Commission vérité justice et réconciliation (Cvjr) est dirigée par Ousmane Oumar Sidibé de l’Urd et Amadou Koïta du Ps Yéelen Coura (parti d’opposition) a pris tout récemment la tête de la Cellule d’appui à la déconcentration et à la décentralisation (CADD).
Vont-ils échapper au foudre du régime? L’avenir nous édifiera. Une certitude, le poste du secrétaire général de Dr Madou Diallo à l’Assemblée nationale et bien d’autres n’ont pas survécus à la politisation de l’administration malienne qui est devenue un phénomène très ancré sous le régime du président de la République Ibrahim Keïta (IBK). Cette politisation de l’administration à n’en point douter met à mal la bonne gestion des affaires publiques car ceux qui ont des expériences avérées sont souvent délaissés au profit des néophytes.
Aguibou Sogodogo