TROP VITE EN BESOGNE, TROP COURT DANS L'ANALYSE : telles sont les faiblesses de l'éditorial signé mardi de ma plume sous le titre "De la nouvelle géopolitique de Kidal". Le tort rédhibitoire de l'article en question fut de prendre l'arrivée du Gatia dans la capitale de l'Adrar moins pour une manifestation de la crise du Nord malien que pour une conséquence de la réconciliation intervenue en septembre-octobre dernier entre la Cma et la Plateforme.
Une réconciliation d'autant plus surprenante que quelques semaines plus tôt, la guerre entre ces deux groupes faisait rage autour de Menaka, de laquelle le Gatia venait de chasser le Mnla sans ménagement. L'épisode a été, semble t-il sanglant, s'ajoutant aux bilans déjà assez lourds de Tabankort, Intellit, Tessit, Ansongo et d'autre localités du Cercle très disputé de Menaka.
Disputé pourquoi? Parce qu'il avait les contours de la Région administrative qu'il est devenu depuis quelques semaines avec la nomination de son premier gouverneur ? Parce qu'il est un "échangeur" stratégique sur les routes du crime organisé où le déterminant narco trafic est faiblement reflété dans les analyses et les réponses sécuritaires ? En tout cas, l'accalmie qui résulta des pourparlers inattendus entre la Cma et la Plateforme fut providentielle qui permit aux frères ennemis de s'asseoir et d'éloigner le spectre de la guerre civile. Car cette menace existait bel et bien.
LE PÉRIL EST-IL CONJURE ?
Il est improbable que les amortisseurs sociaux cèdent et que les ex frères ennemis Imghad et Ifoghas en arrivent à découdre par la violence. Mais hélas mardi, les faits ont gagné en clarté. L'arrivée du Gatia était attendue à Kidal pour animer un des instruments de suivi de l'Accord pour la paix et la réconciliation signé depuis juin 2015 par toutes les parties.
Aghabass Ag Intalla, leader influent de la Cma et membre de l’Amenokal, c'est à dire la famille Ifoghas qui dirige l'Adrar, relativise cependant: le Gatia était attendu à dose homéopathique, pas dans les proportions où il est venu. Celle-ci fait que le groupe Imghad est assimilé à une force d'occupation. D'où l'injonction qui lui a été adressée par la Cma de quitter la ville!
C'est un autre fait que mercredi soir encore, aucune violence n'était signalée même si la situation était décrite comme très tendue. Impossible de ne pas s'en réjouir si l'on se souvient que l'entrée d'une délégation du Premier ministre de tout le Mali dont Kidal est partie intégrante a donné lieu à un carnage.Toutefois, Kidal semble bien abriter une nouvelle crise. À tout le moins, nous assistons à une autre tournure de l'interminable crise du Nord.
Avec toutes ses complications et ses risques d'arbitrage périlleux. Car voila: si les hommes du Gatia sont de Kidal, ils ne céderont pas facilement devant l'exigence formulée par Alghabass. En même temps, s'ils restent dans la ville en l'état, c'est une nouvelle force armée qui se sera invitée. Si aucun compromis n'est trouvé, l'arbitrage se basera sur la lettre et l'esprit de l'accord qui fait de Kidal la chasse gardée de la Cma. Or depuis plusieurs années Gamou invoque le droit naturel des Imghad à vivre dans l'Adrar, leur Adrar à eux aussi. Ah Gamou, général de l'armée malienne mais porte voix également de la cause Imghad!
En quelle qualité agit-il ? Voici que l'Adrar repose dans toute sa cruauté la question de sa survie qui passe le respect de l'arithmétique démocratique, donc la tyrannie des majorités - Imghad et Idnan- et le droit de minorités dont les Ifoghas et que l'Histoire tout autant que l'impératif de stabilité interdisent de passer par pertes et profits. Conclusion: si un gentleman agreement n'intervient pas à Kidal dans les heures qui suivent et sur une dynamique exclusivement locale, le gouvernement peut très vite se retrouver dans le dilemme de cet été où il dut, contre de gros états d'âme au Sud demander le retrait de la Plateforme de Menaka.
Adam Thiam