Rien ne va plus dans les rangs d’AQMI en Algérie. Entre les frappes militaires et les désertions au profit de l’organisation de l’Etat islamique — et de l’Etat, puisque certains terroristes se rendent toujours — l’organisation voit d’abord son nombre de ses éléments diminuer. Entre 2014 et 2015, elle a perdu 268 djihadistes algériens sur les 300 abattus. Le profil de ses hommes est aussi en train de changer. Concrètement, AQMI est de moins en moins «algérienne». Des 30 émirs fondateurs du GSPC dans les années 1990, il n’en reste plus que 11.
Certains ont été tués (Abdelhamid Abou Zeid ou Nabil Sahraoui), d’autres ont été arrêtés ou se sont rendus (Abderrezak El Para, Hassan Hattab). Au point que 70% de ses effectifs sont de nationalités malienne (en première position), mauritanienne (en troisième position), et nigérienne (en quatrième position). Sur les plus de 700 djihadistes qui évolueraient au nord du Mali, 35% seulement seraient Algériens. Par ailleurs, sur ces quelque 400 Algériens, 30 ont été classés «disparus» par les services de renseignement.
Ces derniers classent les terroristes dans trois catégories : «mort», «recherché vivant» ou «disparu». Dans ce cas, cela signifie qu’ils n’ont aucune preuve physique du décès, ni aucun témoignage du cercle proche. Parmi eux : Yahia Djouadi et Mokhtar Belmokhtar, toutefois supposé vivant. Et les chiffres sont encore amenés à changer, car si le nord de l’Algérie peine à recruter —l’organisation semble paralysée dans sa daâwa (prédication) — le nord du Mali connaît des ralliements importants dans les tribus arabes mais aussi touareg.
Face à ces désertions, Aqmi a développé trois réponses. La première, prononcer régulièrement des mouhadarat (conférences religieuses). La seconde, interdire les portables, responsables de nombreuses fuites. Si un terroriste souhaite parler par téléphone, il doit d’abord demander l’autorisation à l’émir.
khawaridj
Enfin, l’émir et les imams essaient de sensibiliser les jeunes recrues en leur expliquant que les hommes de Daech sont des khawaridj et en essayant d’apporter des preuves, via les textes, que ce qu’ils font n’est pas en conformité avec l’islam. Aujourd’hui reclus dans des zones montagneuses très difficiles d’accès, Droukdel ne bouge quasiment plus.
A 45 ans, cet ingénieur de formation sait qu’il doit respecter certaines règles : tous les émirs abattus l’ont été soit parce qu’ils se déplaçaient dans les villes, soit parce qu’ils rendaient visite à de la famille, en particulier leur femme. Personne n’est en mesure de dire aujourd’hui s’il est marié avec une femme cachée avec lui dans le maquis ou s’il est toujours célibataire. Il prend en tout cas de nombreuses précautions dans ses déplacements et ses communications, et attend que la crise que traverse Aqmi passe. Dans ce contexte, il sait que survivre est déjà une victoire.
Aziz M.