Après le représentant permanent du Mali à l’Onu, l’ambassadeur Sékou Kassé, dans le feu de l’action, c’est le tour, avant-hier, en conseil de ministres, du très désormais ancien directeur général du Budget, Sambou Wagué, d’être relevé de ses fonctions. La vague du scandale de l’interdiction du droit de vote de l’Onu continue, non sans écorcher quelque peu l’opinion publique qui estime qu’une enquête sérieuse doit être menée pour ne pas laisser impunies les fautes politiques qui en découlent.
Les sanctions, promises par le chef du gouvernement, Modibo Keïta, lorsqu’il a évoqué, pour la première fois, sur les antennes de la télévision nationale, ce scandale sur l’interdiction du droit de vote de l’Onu, se poursuivent. Après le représentant permanent du Mali à l’Onu, l’ambassadeur Sékou Kassé, qui a été limogé dans le feu de l’action, c’est le tour du directeur général du Budget, Sambou Wagué, d’être relevé de ses fonctions. C’est le conseil de ministre d’avant-hier, présidé par le Président IBK, qui en a décidé ainsi. Même si c’est l’accalmie, car le pays a bien retrouvé son droit de vote, après avoir payé sa cotisation, n’empêche que le dossier ne fasse des vagues. Le scandale de l’interdiction du droit de vote de l’Onu, en lui-même, est gros dévastateur pour l’image de respectabilité du pays qu’il soit enfin laissé aux oubliettes. C’est d’ailleurs, pour cela, dès qu’il a été révélé au grand jour, le Premier ministre, Modibo Keïta, est monté au créneau pour dénoncer un certain laxisme dans le règlement de la cotisation malienne, au titre du budget de financement de certaines organisations internationales, dont l’Onu, et qui a connu, en l’espace de quelques mois, de nombreuses péripéties.
Et pour cause ? Le Premier ministre, en dénonçant ce qu’il a qualifié de laxisme dans le traitement de ce dossier, a pointé « l’attitude peu soucieuse de certains fonctionnaires », par lesquels le scandale est arrivé. En ciblant des supposés agents du Trésor public, comme étant à l’origine de ce camouflet diplomatique, le Premier ministre, dans cette récrimination ciblée, était loin d’imaginer qu’il courait le risque d’être formellement démenti par le syndicat de ladite administration publique. Celui-ci est resté tranchant sur le fait qu’il a transmis, dès le 10 juin dernier, une correspondance en bonne et due forme au Budget, en vue des dispositions idoines à prendre pour éventuellement corriger les erreurs sur les comptes. Ce qui a valu à la BCEAO de faire retourner, dès le 3 juin courant, les ordres de transfert de fonds au Trésor public.
A l’évidence, aucune sentence ne peut être prononcée à l’encontre du Trésor public, dans le cas d’espèce, sauf à récompenser le mérite de ses agents. Mais, dès lors que l’enchaînement des événements autour d’un dossier, aussi épineux et sensible, est ainsi truffé de suspicions et de fausses accusations, relayées au plus haut de l’appareil d’Etat, il est donc impératif que des enquêtes, sérieuses et indépendantes, soient diligentées pour faire éclater la vérité, au grand jour, dans cette affaire qui n’est facile à démêler qu’apparemment. En tout cas, dans ce dossier, c’est le sentiment dominant qui ressort de l’opinion publique, estimant que le coup, extrêmement grave, porté à l’image de marque du pays, suite à ce retrait, même provisoire, du droit de vote de l’Onu, ne peut être valablement soldé qu’avec la désignation des boucs émissaires.
Dans ce dossier, bon nombre de Maliens pensent qu’il importe donc, pour le gouvernement, d’ouvrir sans délai des enquêtes indépendantes en vue d’élucider les circonstances troubles de ce scandale de l’interdiction du droit de vote de l’Onu qui a brutalement frappé notre pays sans que depuis deux ans que ça dure, aucune alerte n’a été faite, dans la sphère de compétence de la diplomatie malienne, pour justement prévoir le risque et en limiter les dégâts. De ce point de vue, dans les faits, ni le représentant spécial du Mali à l’Onu, ni des agents quelconques des structures du Trésor ou du Budget ne sont en fait impliqués dans le règlement des frais liés à la cotisation malienne au titre du budget de financement des organisations internationales dont il est membre.
Selon de nombreuses sources, il s’agit avant tout de responsabilités politiques à assumer, dès qu’un tel séisme diplomatique est éclaté, et qui a pour effet fâcheux d’entrainer tout le pays dans la boue.
Au cœur de ce scandale, on a clairement pointé le doigt sur des anomalies aussi grotesques que terrifiantes, comme par exemple le numéro de comptes erroné, sur lequel les fonds ont été acheminés avant d’être retournés au Trésor par la BCEAO. Dans ce cas d’espèce, il y a quiproquo d’autant qu’il s’agit là d’une opération de paiement à laquelle le pays est coutumier et qui s’effectue normalement, depuis des années, avec la même procédure, suivant le même mécanisme.
Des interrogations persistent. Au-delà de l’aspect diplomatique, nous sommes en matière financière : le ministère des Affaires étrangères, à qui incombe la responsabilité de veiller à l’image diplomatique du pays, et qui effectue ce genre d’opérations financières, peut-il se tromper de numéros de comptes bancaires ? En pareille circonstance, peut-on se contenter d’une simple erreur sur les numéros bancaires sans aucune malveillance derrière ce fait insolite ? Qui a intérêt à une telle machination financière sur une opération diplomatique dont, on l’a vu, le champ d’exercice porte sur deux ans d’arriérés de cotisation (sans que cela n’entraine aucune réaction du département de tutelle), et dont l’effet néfaste est d’écorner la respectabilité de notre pays, au plan international ?
Face à ces zones d’ombre, qui pullulent ce scandale sur l’interdiction du droit de vote de l’Onu, ayant frappé notre pays, le conseil de ministres, comme il le fait, depuis deux semaines déjà, a beau sanctionner des fonctionnaires, fussent-ils représentant spécial du Mali à l’Onu ou directeur général du Budget, si des enquêtes sérieuses ne sont pas diligentées, à temps, pour élucider le mystère, on en sortira pas de la désignation des boucs émissaires.
Sékouba Samaké