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Bakary Diawara dit Yankee, armurier import-export : « Le pays est sous embargo de l’Union européenne pour les importations d’armes depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012 »
Publié le lundi 8 fevrier 2016  |  Infosept
Remise
© aBamako.com par A.S
Remise de matériels à la Douane
Bamako, le 21 aout 2015 le Ministre des Finances Mamadou Igor Diarra a remis des matériels à la Douane




Il est armurier depuis 1968 et vend des armes de chasse, de pêche et de défense. Bakary Diawara, dit YANKEE est de ceux qui ont choisi le difficile métier la vente, l’entretien et la réparation des fusils. Dans cet entretien, qu’il a bien voulu nous accorder dans son atelier sis à Bamako-Coura, en face de la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako, M. Diawara nous édifie entre autres sur la procédure officielle d’acquisition, de détention et de port d’armes en République du Mali. Les difficultés auxquelles il reste aujourd’hui confronté, surtout celles liées à l’embargo de l’UE, qui interdit toute importation d’armes à destination du Mali, sont nombreuses. Il a aussi bien voulu nous donner son point de vue sur la sensible question de savoir si oui ou non il ne faudrait pas, former, armer et autoriser les cadres fonctionnaires de l’Administration travaillant au nord à disposer de leur arme personnelle de défense.
Infosept : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Bakary Diawara : Oui, je suis Bakary Diawara, dit Yankee, armurier à Bamako-coura. Mon atelier est situé juste en face de la Maison Centrale d’Arrêt de Bamako.
Infosept : Depuis combien de temps exercez-vous ce métier et quels sont les types d’armes que vous vendez ?
Bakary Diawara : Cela fait exactement 48 ans aujourd’hui que je suis dans ce métier. J’ai commencé en 1968, tout jeune avec des blancs dans l’armurerie Dupé, la seule qui existait à l’époque à Bamako. En 1992, M. Dupé m’a cédé l’armurerie et dès lors je suis devenu le patron de l’atelier. Je m’occupe seulement de la vente des armes de chasse, de pêche et des armes de défense, appelées aussi armes de point. Je vous signale que je ne vends pas des armes de guerre.
Infosept : Est-ce que le métier d’armurier nourrit son homme au Mali ? En d’autres termes les maliens achètent-ils des armes ?
Bakary Diawara : Oui, je dirais que ce métier nourrit son homme. C’est un métier comme tous les autres et le Mali est un pays de chasse et de chasseurs de coutume. En temps normal, on est aussi réparateur, formateur, vendeur de munitions, bref, on fait tout ce qui va avec la chasse et la défense. Tout simplement, je dirais qu’en temps normal, ce métier peut bien nourrir son homme.
InfoSept : Est-ce que vous pouvez nous donner la procédure officielle de demande de port d’armes au Mali ? Qui peut ou ne peut pas avoir et porter une arme au Mali ?
Bakary Diawara : Pour acquérir l’autorisation d’achat, il faut d’abord, adresser une demande au directeur national de la Police. Il y a là-bas, un service qui s’occupe uniquement des permis de port d’armes, qui donne l’autorisation pour tout ce qui est des armes de chasse ou de défense. Ensuite, les autorités compétentes mènent une enquête de moralité sur la personne du demandeur pour voir qui elle est, ce qu’elle veut en faire, si elle est une personne normale ou pas et s’il est justifié qu’il ait une arme ou pas. C’est après cela que la personne est déclarée par la Police, autorisée ou non à porter une arme. En principe, il y a aussi les Gouverneurs et les sous-préfets qui donnent les autorisations pour les canons-lisses et rayés, c’est-à-dire les autorisations pour les fusils de chasse mais pas d’autres. Pour l’autre volet de ta question, je dirais que, si la Police juge nécessaire que la personne peut se procurer une arme, c’est en ce moment qu’elle peut l’acheter sur le marché officiel, c’est-à-dire dans une armurerie comme la notre munie de son autorisation. Et c’est seulement en ce moment, que nous on peut lui vendre l’arme. Je précise que nous ne sommes pas autorisés à vendre et ne vendons pas d’armes à quelqu’un qui n’a pas cette autorisation de la Police ou du Gouvernorat. En d’autres termes, nous sommes, là comme le pharmacien et le médecin, attendant l’ordonnance donnée par les autorités compétentes.
InfoSept : Quand on achète des armes il faut s’exercer, est-ce que le Mali dispose de véritables champs de tir pour des particuliers ?
Bakary Diawara : Je dirais non, car pour le moment, je fais mes tirs à l’école nationale de la Police où je suis autorisé à le faire avec mes clients. J’avais pensé acquérir mon propre champ de tir, mais mes démarches ont coïncidé avec les tristes événements du 22 mars 2012. Je souligne que mon dossier est toujours à la police pour l’acquisition d’un champ de tir pour mon atelier et ma clientèle. C’est l’occasion d’attirer l’attention des autorités sur cette nécessité, dès lors que nous sommes autorisés officiellement à vendre des armes.
InfoSept : Alors pouvez-vous en dire un peu sur les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans l’exercice de votre métier ?
Bakary Diawara : Mon gros problème aujourd’hui réside au fait que le pays est sous embargo de l’Union européenne et de la Communauté internationale pour toute importation d’armes. Je me retrouve dans cette difficulté si bien qu’aujourd’hui je ne suis plus en possibilité d’importer des fusils ni même des cartouches. Et cet embargo dont on n’en parle pas beaucoup est consécutif au coup d’Etat du 22 mars 2012. Cet embargo a complément arrêté mes affaires. Cela m’a même amené à licencier certains de mes employés. On était un peu nombreux à travailler ici dans l’atelier, mais beaucoup sont partis, parce que présentement on n’a plus de boulot. Si tu dis à un armurier qu’il ne peut pas vendre des cartouches ni des fusils, c’est qu’il ne peut plus rien faire. Aujourd’hui, on ne fait que des réparations et cela reste très timide car, les clients n’ont plus de munitions et de fusils. Ils ne sont plus satisfaits de nos services. Nos fournisseurs en Europe et d’ailleurs, n’ont plus le droit de nous vendre des armes à cause de ce blocage de l’Union Européenne. Cela nous a mis en chômage technique.
Infosept : Vous confirmez donc cette question d’embargo sur les armes à destination du Mali dont tout le monde en parle sans s’y attarder vraiment? L’Union Européenne laisserait-elle donc les « rebelles » s’armer et refuserait que les autres maliens et le pays puissent importer des armes pour se défendre ?
Bakary Diawara : Bien sûr, pour l’embargo de l’Union Européenne je pourrais le confirmer car c’est là-bas que je travaille, d’où je m’approvisionnais. Je suis en Allemagne, en Angleterre, en France et en Italie. Et mes fournisseurs de tous ces pays me disent : «On ne peut plus te servir. Le Mali, non, jusqu’à une date ultérieure». Ils me disent tous qu’on est sous blocage par rapport au problème qui existe chez vous au Mali. Donc, c’est un embargo, en tout cas moi je le sais parce que je viens de là-bas. Et je vous dis que j’ai mes affaires qui son bloquées là-bas à cause de cela et qui ne peuvent plus venir au Mali.
InfoSept : Dans le contexte actuel d’insécurité que vit le Mali, selon vous, faut-il ou non autoriser et doter en armes de défense, tous les cadres fonctionnaires, gouverneurs, préfets et sous-préfets de l’Administration travaillant au nord en ce moment ?
Bakary Diawara : A mon avis oui, ils devraient être armés et cela ne veut pas dire que l’insécurité augmentera. Cela peut rassurer nos cadres et nos fonctionnaires surtout s’ils sont formés à leur maniement et s’ils disposeraient de champ de tir dans leurs lieux d’affectation. Une arme est toujours un bon complément et on se sent un peu plus fort et sécurisé en ayant une à sa portée. Dans le cas contraire, nu comme un ver, on est exposé en insécurité totale et sans défense. C’est d’ailleurs cela qui encourage les bandits armés et tous les grands agresseurs. On ne peut pas combattre l’insécurité en désarmant tout le monde, parce que les bandits ne se désarmeront pas. Pour moi, ces différentes personnes devraient être armées pour leur sécurité.
InfoSept : Votre mot de la fin ?
Bakary Diawara : Encore une fois, je dis que je suis au chômage technique depuis 4 ans. Et ce n’est pas mon pays qui me bloque pour cela, je remercie les autorités maliennes. J’ai toutes mes autorisations pour commander et vendre des armes et des munitions, mais je ne peux pas le faire et vivre de mon travail à cause de ce blocage que l’Union européenne a mis sur le Mali. Aujourd’hui, si cet embargo était levé, je pourrais au moins récupérer les chefs de famille qui travaillaient avec moi et qui se nourrissaient de ce métier, que j’ai été obligé de me séparer. Il y avait de nombreuses familles qui étaient liées à ce métier. Ils sont tous aujourd’hui au chômage à cause de l’Union européenne. Je demanderais donc à toutes les bonnes volontés de nous aider à lever cet embargo, que je trouve injuste, pour un pays en proie à une insécurité de plus en plus grandissante.
Propos recueillis
Par Dieudonné Tembely
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