Le récent déploiement des éléments du GATIA à Kidal suivi de la signature d’un accord entre la plateforme et la CMA constituent indubitablement une éclatante victoire d’El Hadj Gamou sur Iyad Ag Ghali, deux hommes que sépare une femme: Anna Walet Bicha, ex-combattante de la rébellion des années 90. Une histoire d’amour et de guerre !
L’accord intervenu entre les deux parties à Kidal en fin de semaine dernière constitue non seulement une véritable avancée dans le cadre de l’application de l’accord d’Alger, mais aussi une retentissante défaite des groupes jihadistes dont Ançar-dine d’Iyad Ag Aghali lequel a d’ores et déjà mis en exécution sa menace de saboter le processus.
Il (l’accord) consacre en effet la défaite d’Iyad d’autant qu’il s’agit de Kidal, son fief présumé où il régna en maître absolu allant jusqu’à instaurer la charia, interdire l’accès à l’administration et l’armée malienne… Le document signé entre la CMA et la Plateforme ouvre désormais la voie au déploiement de ces entités sur place comme le suggère le point 5 du document : «Toutes les populations des deux parties auront libre circulation partout, tout en respectant les autorités sur place» – Lire communiqué).
El Hadj Gamou vient visiblement là, de mettre les pendules à l’heure et de prendre une revanche sur Iyad. Une revanche ? Certes, pour qui sait que c’est le chef d’Ançar-dine qui mena la première attaque de la rébellion des années 90 sur Ménaka, fief d’El Hadj Gamou. Et c’est ce dernier qui, aujourd’hui, apporte la paix dans le sien à Kidal. Belle leçon de vie !
Il n’y a pas que Ménaka et Kidal et la guerre dans la vie de Gamou et d’Iyad. Il y a aussi l’amour d’une femme. Elle s’appelle Anna Walet Bicha, ex-combattante de la rébellion des années 90 au compte de l’Armée révolutionnaire de libération de l’Azawad (ARLA), dirigée, tenez-vous bien, par El Hadj Gamou au moment des faits (voir photo). Ce dernier finit par l’épouser. Mais leur union fut brève suite à l’intrusion du chef du MNA ou Mouvement National de l’Azawad dirigé par Iyad Ag Ghali. Ce dernier divorça d’avec sa première femme de deux enfants et l’épousa. Le nouveau couple s’installa alors à Kidal avant d’élire domicile à Tinzawaten au sud de l’Algérie au milieu des années 90. C’est à la faveur d’une de ses visites à Kidal en 1998 qu’Iyad rencontra les membres de la secte pakistanaise Jamaat al-Tabligh à l’issue de laquelle rencontre, l’homme se métamorphosa et s’autoproclamant jihadiste et chef d’Ançar-dine (lire : «Et si Iyad était, lui aussi, une victime ?»).
Son opposition avec Gamou n’en fut que davantage accentuée. Et pour cause. Le colonel Gamou, avait entretemps regagné les rangs de l’Armée malienne et créa par la suite le Groupe d’Autodéfense surnommé GATIA, opposé à toute hégémonie «Iyadienne» ou jihadiste.
Selon toute évidence, l’histoire entre les deux hommes ne fait que commencer. C’est Gamou, en tout cas, qui remporte la première manche.
B.S. Diarra
Son père est mort le Mali … Et si Iyad était lui aussi une victime ?
Le saviez-vous ? Iyad Ag Ghali était un bon vivant, il y a moins d’une quinzaine d’années. Il ne dédaignait pas le vin et la bonne chair entre deux assauts à la kalachnikov. Mais quelle métamorphose !
Son père s’appelait Ghali Ag Babakar. Alors que le fils Iyad avait à peine quatre ans (il est né en 1958), éclata la première rébellion touarègue au Mali en 1962. Deux ans plus tard (1964), Ghali Ag Babakar fut tué non par l’Armée malienne, mais par les groupes rebelles l’accusant de collaborer avec Bamako. Dur, dur pour un adolescent de huit ans !
Signalons que les Ghali sont de la fraction Erayakane de la Tribu des Ifoghas de Kidal à l’origine de toutes les rebellions touarègues au Mali de 1962 à nos jours. Cependant, tout comme les Imghad (la tribu de Gamou) opposés à toutes velléités indépendantistes, le père Ghali opta lui aussi pour l’indivisibilité du Mali. Des anciens de l’armée malienne actifs sur le terrain au moment des faits confirment.
Devenu adulte et incontournable dans les négociations quelques décennies plus tard, Iyad fut celui qui, en 1991, tordit la main aux autres groupes rebelles en vue de la signature du fameux Accord de Tamanrasset et sans contrepartie, ou presque. Comme son père, il fut lui aussi accusé de traitrise par les siens.
C’est encore lui qui, disposant d’une ligne privilégiée le reliant au président ATT, s’impliquait activement dans la libération des otages.
C’est encore et toujours lui qui s’opposa aux séparatistes du MNLA, quand bien même il préconise aujourd’hui encore la création d’un Etat islamique. En somme, comme son défunt père Ghali Babakar, il n’a jamais renié son pays. Tout indique d’ailleurs qu’il suit consciencieusement ses traces, en tout cas, pour ce qui est de la pérennité du Mali.
C’est au contact avec des missionnaires salafistes pakistanais de la secte Jamaat al-Tabligh à la fin des années 90 que l’homme se radicalisa. Il effectua même plusieurs visites au Peshawar (Pakistan) au cœur de la secte DAWA. Il créa par la suite le groupe Ançar-dine ou «Défenseur de la Foi». Bien entendu, il arrêta de boire, s’habilla désormais de blanc pendant que son épouse Anna Walet Bicha ne quitte plus la burqa noire.
Que s’est-il donc passé au Pakistan et à l’issue de ses différentes rencontres d’avec le sommet du Dawaïsme ? De nombreux chercheurs et observateurs pensent, qu’il a été tout simplement «récupéré». Donc une victime de plus des groupes extrémistes.
B.S. Diarra