PAGNY-SUR-MOSELLE (France / Meurthe-et-Moselle) - "Je croyais que j'en prendrai plein la tête": le visage fermé et les traits tirés, l'ex-otage français Alexandre Berceaux a raconté le cauchemar vécu pendant près de 40 heures sur le site gazier d'In Amenas, avant sa libération par les militaires algériens, d'abord confondus avec les assaillants.
D'ordinaire "expansif", selon le mot de son père, l'ancien captif donne l'image d'un homme brisé ce dimanche devant la presse, venue écouter son récit à Pagny-sur-Moselle, le village de ses parents en Meurthe-et-Moselle.
Emmitouflé dans une épaisse parka noire et le visage caché sous une capuche, il brise le silence qui a accompagné son entrée dans la salle de presse en avouant que "c'est encore dur" et que "tout est difficile", car "c'était horrible".
Mais au fil des questions, il se lance dans un récit parcellaire de deux jours d'angoisse intenses, avec des "hauts et des bas". Dans un camp jouxtant la base de vie, où a eu lieu la prise d'otage, il a traversé une longue attente, caché sous son lit dans une chambre en préfabriqué.
"J'ai entendu des tirs à quelques mètres", raconte l'homme pour qui "tout a été difficile: se cacher, entendre les bruits"... Il se souvient de tirs toute la journée, de nuits plus calmes "mais c'était long, très long et froid".
Le calvaire a commencé par les "alarmes qui ont retenti" très tôt mercredi matin. Personne ne comprend alors ce qu'il se passe. "On n'en avait aucune idée", se souvient le Français, qui ne s'était jamais senti menacé depuis son arrivée sur le site gazier du Sahara algérien, un an plus tôt.
Il aura pourtant l'intuition de se cacher, et de dissimuler son passeport.
"Pour cacher qui j'étais", explique-t-il.
D'abord convaincu que "tout le monde était en danger" car "ça tirait
partout", il réalise que les assaillants ciblent les expatriés.
Le premier jour, il communique par SMS avec sa famille et d'autres otages,
jusqu'à ce que la batterie de l'antenne ne se vide, coupant les liaisons
téléphoniques.
Des Algériens lui apprennent alors que la situation part "en vrille".
Certains prennent même "des risques énormes pour me ravitailler". Mais
Alexandre Berceaux mange peu, ne sachant pas combien de temps il devra rester
caché.
"Si j'étais sorti plus tôt, j'en aurais peut-être pris une (balle, ndrl)
dans la tête", lance-t-il.
Et quand les soldats algériens arrivent pour le libérer jeudi soir, il a
pensé que "c'était fini". "Je ne savais pas que c'était eux", déclare-t-il, en
évoquant les forces spéciales algériennes venues lui porter secours.
A l'aéroport d'In Amenas, il sera ensuite pris en charge par des soldats
américains, qui "ont été extraordinaires. A partir de là, on sentait que ça
allait être mieux", se rappelle-t-il. Ce sont eux qui l'ont transporté par
avion jusqu'à une base militaire près de Catane, en Sicile.
Après ce récit d'une quinzaine de minutes, le jeune homme est reparti,
supporté par son père qui souhaite désormais que son fils se reconstruise. "On
n'en parle plus maintenant", a-t-il lâché aux journalistes.