Le Pakistanais fait partie cette race de vendeurs durs au Mali et qui lâchent difficilement un client. L’essor des technologies et l’évolution des comportements ont peu à peu fait des télécommunications un secteur économique essentiel, en expansion rapide et source de création de nouveaux emplois.
Locomotive de cette révolution : la téléphonie mobile. Aujourd’hui, le « portable » s’est démocratisé, banalisé même, et si bien imposé dans nos vies que nous ne concevons plus de fonctionner sans. Pourtant, en des temps pas très lointains, le cellulaire était réservé, du fait de son coût exorbitant, à un cercle étroit de privilégiés.
De nos jours, l ‘engouement qu’il suscite et l’expansion qu’il a réussie le placent au coeur d’un marché mondial colossal, théâtre de l’affrontement permanent entre les grandes marques. L’usager serait le dernier à se plaindre de cette compétition commerciale puisqu’il en récolte les fruits. Du simple téléphone qui ne servait qu’à passer ou à recevoir des appels, on est passé au smartphone multitâche qui nous simplifie la vie en offrant une large palette de fonctions. Palette qui va de la lampe de poche au support de paiement.
Comme de nombreux objets usuels en vente dans notre pays, le smartphone fait le grand écart en matière de prix. Aujourd’hui sur le marché malien, son coût va de 5000 francs pour certains téléphones chinois à 650.000 Fcfa pour les Iphone 6 S +. Et comme les produits de grand usage, les appareils ont quitté les vitrines des magasins spécialisés pour se trouver proposés par les vendeurs à la sauvette. Ces derniers ont même quitté les trottoirs des grandes artères pour prospecter les bureaux des administrations publiques et des sociétés privées.
AUCUN PROBLÈME. Ces derniers temps, certains expatriés au Mali en occurrence des Pakistanais ont investi le créneau. Où se procurent-ils ces téléphones ? Proposent-ils des marques originales ou des appareils « contrefaits » ? Qui sont réellement ces vendeurs de téléphones ambulants ? Sont-ils autorisés à écouler ces téléphones dans les rues, aux abords des artères ? Nous avons essayé de trouver réponse à ces différentes questions en allant faire un tour le vendredi dernier dans les lieux que ces vendeurs d’un type particulier occupent généralement.
Nous nous sommes d’abord rendus au niveau de la Bibliothèque nationale qui il y a quelques mois encore abritait la plus forte concentration de vendeurs asiatiques. Mais la situation a bien changé entretemps. A notre passage, pas un seul Pakistanais n’est visible. Nous nous sommes rabattus sur un fleuriste installé à côté de la Bibliothèque. Celui-ci nous explique que cela fait trois mois que ses voisins se sont éclipsés de la zone. « Après l’attentat contre l’hôtel Radisson le 20 nombre dernier, ils ont déserté les lieux », nous indique notre interlocuteur, qui s’est procuré un appareil avec l’un de ces vendeurs. « J’ai acheté un téléphone que j’ai donné à ma femme. Je l’ai eu à 17.500 Fcfa, alors que le vendeur m’en demandait 45.000 Fcfa », se souvient-il.
Le jeune fleuriste nous assure que le téléphone en question fonctionne très bien et n’a jusque là posé aucun problème. Seul souci, la durée d’autonomie assez limitée de sa batterie. Un jeune Malien, vendeur de téléphones portables, que nous avons croisé en cours de chemin, n’est guère clément envers ses concurrents. « Ces Pakistanais, fulmine-t-il, se ravitaillent en téléphones chinois à moindre de prix chez les grossistes et les revendent à des prix exorbitants».
Aux alentours de Sogoniko, nous avons croisé Abdoul Sattar vers 11heures. Cet expatrié pakistanais qui affiche la trentaine vit dans notre pays depuis trois ans et gagne sa vie comme vendeur ambulant de téléphones portables. Positionné devant une bretelle qui passe devant le siège de Africable télévision et mène à la Cité Unicef où loge notre interlocuteur, Abdoul Sattar ne paie pas de mine. Drapé dans un mini-boubou blanc sale, ses yeux marron dissimulés derrière une paire de verres fumés, protégé du soleil par une casquette bleue, il a fait simple en matière de chaussures avec des sandales « nu-pied ». Une sacoche de couleur chocolat en bandoulière, l’homme tient dans sa main droite tendue en direction des usagers de la circulation et des passants, un téléphone Samsung tandis que dans sa main gauche se trouvent quatre portables de marque Samsung, Lg et HTC.
LE DOIGT POINTÉ AU CIEL. S’exprimant de façon approximative en trois langues (français, anglais et déjà bambara), Abdoul Sattar explique qu’il ne vend uniquement que des téléphones des marques précitées avec leurs accessoires (batteries, écouteurs et chargeurs). Les appareils lui sont confiés par son patron qui ravitaille aussi six autres de ses collègues. Un motocycliste interrompt brusquement notre conversation. Il choisit un Samsung S4 de couleur noire. Le vendeur pakistanais lui fait savoir que celui-ci coûte 140.000 Fcfa. Car, dit-il, l’appareil dispose d’une capacité de stockage de 8 Gb, d’une double caméra, d’une fonction radio. L’acheteur potentiel ne se laisse pas impressionner par l ‘énumération des fonctions. « C’est un téléphone chinois et tu veux me le vendre à 140. 000 Fcfa », s’étonne le jeune qui propose 30.000 Fcfa.
Notre marchand lui retire le téléphone, enlève le couvercle abritant la batterie et lui demande de déchiffrer l’inscription portée sur cet accessoire. « Made In Vietnam by Samsung » est-il écrit, c’est-à-dire en français « Fabriqué au Vietnam par Samsung ».
Le motocycliste veut aussi s’assurer que le vendeur est honorablement installé et ne propose pas de façon anarchique ses téléphones portables. En réponse, Abdoul Sattar ouvre son sac et en sort une autorisation de vendeur sur lequel figure son identité. Il explique qu’il s’est s’est procuré cette pièce en payant 60.000 Fcfa au tribunal de commerce de la Commune VI.
Interrogé sur le délai de garantie pour ses appareils, Abdoul Sattar ne se trouble pas. « Moi, je suis musulman, assure-t-il en regardant son interlocuteur droit dans les yeux, je ne mange pas « haram ». Si je te vends un téléphone et qu’arrive une panne technique deux jours après, tu peux venir avec l’appareil, je le change sans aucun problème ». Le ton du vendeur se veut rassurant au possible et pour rendre son engagement encore plus solennel, le Pakistanais pointe son doigt au ciel.
Notre vendeur finit par dire au jeune de lui donner les 30.000 Fcfa pour le téléphone. Mais le motocycliste démarre sans répondre. Il voulait juste marchander pour savoir à combien il pouvait avoir le smartphone. Le procédé n’émeut guère Abdoul Sattar. Il nous fait savoir qu’il peut vendre entre trois et quatre portables par jour. Il n’hésite pas à donner son numéro de téléphone à ses clients au besoin. Son optimisme paraît insubmersible dans un créneau où la vie ‘est pas facile tous les jours.
S. TANGARA
Source: Essor