L’attaque du site gazier algérien, In Amenas, assez stratégique, par le groupe terroriste de Belmoktar va-t-elle inciter l’Algérie et les Etats-Unis à sortir de leur réserve et à changer de stratégie dans le cadre de la Misma ? Quid de la Mauritanie, ce faux frère ?
Le nord du Mali, au sud de l’Algérie, est occupé depuis le 1er avril par des groupes islamistes et terroristes, en particulier le Mujao (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’ouest), Aqmi (Al Qaïda au Maghreb islamique) et Ansar Eddine soutenus par quelques éléments de Boko Haram. Autrement dit, des groupes foncièrement hostiles à l’Occident, notamment aux Etats-Unis d’Amérique mais aussi à l’Algérie. Pourtant, depuis le début de la crise malienne, l’Algérie s’est montrée réticente à toute intervention de forces étrangères dans le nord malien, tout en se gardant d’aider le Mali à se débarrasser des islamistes dont beaucoup, ceux d’Aqmi, sont d’origine algérienne. Les Algériens ne s’attendaient sans doute pas à être inquiétés par les émirs du désert avec lesquels, selon plusieurs spécialistes du Sahel, ils auraient des deals. Ils leur ouvriraient des couloirs de ravitaillement en armes, vivres et carburant, entre autres, à condition que les terroristes opèrent loin de leurs frontières, mais surtout qu’ils ne s’en prennent à certains intérêts stratégiques comme le pétrole et le gaz.
Il n’est un secret pour personne également que des officiers supérieurs algériens auraient des accointances avec des contrebandiers d’armes et de drogue qui ont fait du nord malien et du sud algérien un sanctuaire pour le terrorisme et le crime organisé. Les Algériens, qui disent qu’il ne faut jamais négocier avec des terroristes, étaient prêts à embarquer les autorités maliennes dans des négociations avec Ansar Eddine d’Iyad Ag Ghaly qu’ils recevaient chaque fois que ce dernier en avait besoin. Les liens du chef d’Ansar Eddine avec Aqmi et Mujao étant connus de tous, nul autre élément de preuve n’est nécessaire pour établir des liens entre l’Algérie et les groupes terroristes. Même lorsque des diplomates algériens ont été enlevés et retenus en otage par Mujao, Alger n’a pas changé de position.
Pourtant, en milieu de semaine dernière, cet accord tacite a été rompu par un nouveau groupe terroriste, les signataires du sang, conduit par Moktar Belmoktar dit le borgne. En effet, mercredi dernier, un groupe se réclamant de cet ancien chef d’Aqmi s’est attaqué à un site gazier algérien, In Amenas, faisant de nombreux otages étrangers et algériens. Les ravisseurs ont justifié leur action par le fait que l’Algérie a accordé à la France le droit de traverser son espace aérien pour intervenir au Mali contre des jihadistes. Même si, en donnant l’assaut final, l’Algérie a mis fin à l’occupation du site en tuant les ravisseurs et des otages, le cas d’In Amenas pourrait constituer un fâcheux précédent, le début d’une série d’attaque contre des sites stratégiques algériens. Or, ces sites ne sont pas stratégiques pour la seule Algérie et intéressent tout l’Occident, notamment les Etats-Unis. Cette menace et la mort d’au moins un Américain vont-elles inciter ces deux pays à changer de stratégie dans la Mission internationale de soutien au Mali ?
L’Algérie, en accordant à l’armée française le droit de traverser son espace aérien, voulait sans doute limiter à cela sa participation à l’intervention de forces internationales au Mali. Il est vrai, les autorités algériennes ont affirmé avoir mobilisé plus de trente mille soldats pour sécuriser leurs frontières avec le Mali afin d’éviter tout reflux de terroristes vers leur territoire, mais cela est jugé insuffisant par la plupart des spécialistes. Ces derniers jugent que l’Algérie doit s’impliquer davantage, étant la plus grande force armée sous-régionale, étant dotée du matériel et des finances nécessaires à un nettoyage du nord, ayant une grande expérience et une expertise certaine dans la lutte contre le terrorisme. Mais se cachant toujours derrière le principe selon lequel ses forces n’opèrent jamais hors de leur territoire, Alger n’a toujours pas changé de position de manière officielle.
Tout comme les Etats-Unis qui se bornent à n’assurer qu’une partie de la logistique nécessaire à la Misma, notamment par la fourniture de drones non armés. Pourtant, Washington aussi possède l’expérience et l’expertise de la lutte anti-terroriste, acquises en Afghanistan, au Pakistan, en Irak et sans doute ailleurs. Les Américains qui, ces dernières années, ont envoyé au Sahel des instructeurs et formateurs auprès des armées locales, connaissent aussi parfaitement cette zone. De surcroît, ils ont mis en place depuis des années un commandement militaire opérationnel pour l’Afrique.
Personne ne connait donc les raisons de leur refus de participer à une intervention militaire dans le nord malien. Surtout que la drogue qui circule librement dans cette zone est destinée en priorité à l’Occident, en particulier aux Etats-Unis. Surtout aussi que les terroristes qui se préparent ici le font pour s’attaquer à des intérêts occidentaux notamment américains.
Quant à la Mauritanie, qui aurait officialisé sa non participation à la force africaine d’intervention et la sécurisation de ses frontières avec le Mali par plusieurs centaines de soldats, elle est dans son vrai rôle depuis que récemment elle a accepté que son territoire serve de cache d’armes et de matériel de guerre au Mnla.
D’autres pays seraient-ils aussi dans l’ignorance que la crise du nord n’est plus la seule affaire du Mali mais une guerre internationale ?