Après la libération de Konna et de Diabali, la France, qui continue de renforcer ses effectifs et ses positions au Mali, a demandé aux chefs d’Etat de la sous-région réunis à Abidjan d’accélerer la mise en place de la force africaine. Mais celle-ci sera-t-elle prête avant longtemps ? Pourra-t-elle intervenir sans la France ?
’attaque de Konna par Ansar Eddine a forcé la France à procéder à des frappes aériennes sur les positions des islamistes dans cette localité puis, le lendemain, dans les régions du nord. L’occupation de Diabali par Aqmi a forcé la même France à intervenir au sol, ce qui n’était pas envisagé au lancement de l’opération Serval. Même si les interventions de la France se sont déroulées, en ce qui concerne les opérations au sol, aux côtés des forces armées et de sécurité du Mali, les Français sont pour le moment les seuls soldats étrangers à aller au charbon. Une fois qu’ils ont contribué à libérer les localités de Konna et de Diabali et à sécuriser le barrage de Markala, installant ainsi de nouveau des verrous protecteurs du sud, la France demande aux chefs d’Etats de la sous-région de constituer la force d’intervention africaine conformément à la Mission internationale de soutien au Mali (Misma).
Réunis à Abidjan en présence du président tchadien appelé en renfort, les chefs d’Etat de la Cédéao ont sans doute compris le message de Laurent Fabius, le chef de la diplomatie française. Mais ces armées peuvent-elles à elles seules faire face au danger que représentent les groupes terroristes qui occupent le nord du Mali? Rien n’est moins sûr, et la France l’a sans doute compris car elle continue de renforcer ses effectifs et ses positions au Mali. Ainsi, pendant que deux mille soldats français seraient déjà présents ici, les effectifs pourraient dépasser les deux mille cinq cents précédemment annoncés par la France. Ce pays, qui a eu le feu vert et la caution du Conseil de sécurité des nations unies, ne sera pas le seul Etat occidental à aider le Mali. En effet, selon nos confrères de Rfi, les Etats-Unis et l’Angleterre pourraient apporter l’assistance logistique nécessaire pour des opérations d’envergure dans le vaste Sahara, où des drones, ces fameux avions sans pilote, sont indispensables, notamment pour les renseignements sur les déplacements de troupes. A cet effet, une partie de cette logistique pourrait être opérationnelle à partir du Niger où le colonel-major Aladji Gamou est positionné depuis la chute de la région de Gao et pourrait bénéficier de l’appui des Nigériens et des Tchadiens.
Mais pour l’instant, les Français sont les seuls sur le terrain même si des contingents sont arrivés du Togo, du Nigeria et du Bénin, et que dans le même temps le Tchad a envoyé des hommes au Niger. Et tout cela se fait au compte-goutte, ces soldats venant par juste quelques dizaines. Le plus inquiétant, c’est qu’ils débarquent avec pour seul matériel leur paquetage. Preuve que pour l’heure, malgré leur bonne volonté et leur engagement, ils n’ont pas les moyens financiers, pas plus que la Cédéao et l’Union africaine, de mener la grande offensive libératrice du nord. Ils n’ont pas également, malgré les annonces, les moyens humains. La force africaine d’intervention requiert la constitution d’une armée de trois mille trois cents hommes. Ceux promis par le Niger, le Nigéria, le Togo, le Burkina Faso, le Sénégal, la Guinée ou encore le Tchad sont loin d’atteindre l’effectif requis. Mais là n’est pas le seul problème.
En effet, si c’est la volonté d’Aqmi, du Mujao et d’Ansar Eddine de prendre les devants en sautant la ligne de démarcation qu’est Konna qui a précipité les choses, il faut reconnaitre que des opérations d’envergure ne peuvent avoir lieu en l’Etat actuel des choses, beaucoup d’efforts doivent encore être consentis. A commencer par la formation et l’instruction militaires. La mission technique européenne en charge d’instruire et de former les forces de défense et de sécurité du Mali vient à peine d’avoir le feu vert de l’Union européenne qui avait longtemps trainé les pattes pour délivrer les cordons de la bourse.
Une armée impréparée, même épaulée par l’Occident et trois mille trois cents hommes, ne peut pas se lancer dans une grande offensive contre des terroristes qui ont eu tout le temps de s’implanter et de se préparer. De même, ces trois mille trois cents hommes ne sont toujours pas eux-mêmes mobilisés et préparés.
De plus, il faut acquérir le matériel, l’armement et la logistique nécessaires. Notamment, équiper certains aéroports comme ceux de Bamako, Sévaré et Niamey qui doivent recevoir des avions gros porteurs. De même, certains hôpitaux doivent être encore plus opérationnels. L’épisode tragique du pilote français d’hélicoptère, décédé à Mopti des suites de ses blessures, montre que les centres de santé doivent impérativement être équipés et dotés. On ne peut pas oublier non plus les dépôts de carburant à proximité des théâtres d’opérations même si des avions ravitailleurs sont prévus.
Ici même à Bamako, des préparatifs doivent être faits. Il faut notamment protéger les ressortissants des pays qui participent aux opérations et sécuriser leurs représentations. La France aurait déjà pris des initiatives dans ce sens, en envoyant à Bamako un fort contingent des forces spéciales. Le président malien en a pris également. Depuis quelques jours, en effet, Dioncounda Traoré a décrété l’état d’urgence grâce auquel des investigations (interrogatoire, fouille, perquisition) peuvent avoir lieu à n’importe quel moment. Cela est d’autant plus nécessaire qu’une descente, vendredi dernier, a permis de découvrir un important lot d’armes de guerre dans les locaux d’une compagnie de transport. Preuve que la ville est infiltrée.
En conclusion, si la guerre du nord aura bel et bien lieu, ce ne serait certainement pas pour aujourd’hui. Elle doit intervenir quand toutes les conditions seront réunies. Ce qui est loin d’être le cas.