L’ancien président de l’Assemblée nationale du Mali, non moins ancien président du Parlement de la CEDEAO, le Pr Ali Nouhoum DIALLO, a prononcé, le 4 février dernier, à Abuja, un discours réquisitoire à l’ouverture de la session inaugurale de la 4ème législature du parlement de la CEDEAO.
Le professeur Ali Nouhoum DIALLO a tout d’abord salué l’esprit de dévouement, d’acharnement au travail, de dédicace au renforcement des pouvoirs du Parlement, des fonctionnaires statutaires, des employés et agents subalternes de ce parlement qu’il a eu à diriger par le passé.
Aussi, a-t-il salué, les efforts que le président sortant, Ike IKWEREMADU et son équipe ont déployés pour qu’aujourd’hui «le Parlement de la CEDEAO n’ait plus qu’un simple rôle consultatif, un rôle de figuration, un simple rôle d’ornement de la Démocratie, un rôle de faire-valoir ».
Par ailleurs, a-t-il critiqué, le fait que la codécision n’est toujours pas inscrite dans les faits. De même que l’interpellation du Président de la Commission et de ses ministres ne figure toujours pas dans les Protocoles et règlements de la Communauté.
« La réalisation du rêve de voir le Parlement de la CEDEAO voter le budget de la Communauté, en contrôler l’exécution, de voir le Parlement auditer les Commissaires avant leur nomination, semble encore lointaine. Tout comme semble encore lointaine, l’élection des députés de la CEDEAO au suffrage universel direct », a dénoncé le Pr DIALLO. Avant de rappeler qu’en janvier 2001 quand le Parlement a été porté sur les fonts baptismaux, il était question d’élire les membres au suffrage universel direct à la fin des 5 années du premier mandat ; de créer une 2ème zone monétaire en 2003 à côté de la zone CFA et de créer la monnaie unique de la CEDEAO, l’ECO, en 2005 », a rappelé l’ancien président du parlement.
Aussi a-t-il fustigé que l’espoir de voir Eco marine et une compagnie aérienne ouest africaine, prendre un réel essor et désenclaver l’espace ouest africain, s’estompe de jour en jour.
L’ancien président du parlement de la CEDEAO a noté des reculs dans beaucoup de domaines comme le fait par exemple que le Président n’est plus élu par ses pairs et le fait qu’il ne réside plus au Siège pour piloter réellement le Parlement et être l’interlocuteur direct de la Commission, du Conseil des ministres, de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement.
« La non-permanence du Président au siège avec les prérogatives d’ordonnateur du budget, de planificateur réel des activités, d’impulsion du Parlement dans la diplomatie parlementaire et la résolution des conflits, a constitué un réel recul dans l’évolution de la CEDEAO dans son ambition de passer de la CEDEAO des Etats à la CEDEAO des peuples. Il est à craindre que cette ambition de passage de la CEDEAO des Etats à la CEDEAO des peuples, ne soit qu’un slogan creux, plus d’un quart de siècle après sa création. Il faut éviter que les Institutions régionales et continentales d’Afrique soient de simples agences d’emploi, une agence de placement d’amis personnels, de clientèle politique, de cadres devenus gênants pour une raison ou pour une autre. Une agence réservée aux Chefs d’Etat et de Gouvernement », a mis en garde l’ancien député Ali Nouhoum DIALLO.
Il a formulé le vœu de voir les grands commis des différents pays membres, chevronnés, qui composent le parlement de la CEDEAO, se révolter contre le retard abyssal de leur grande patrie, l’Afrique, se mobiliser et se résoudre à sortir cette grande patrie africaine de l’éternelle répétition de slogans, d’incantations inopérantes.
Le Pr Ali Nouhoum DIALLO digère mal le fait que d’année en année, de conférence en conférence, le renforcement des pouvoirs du Parlement de la CEDEAO est renvoyé à une date ultérieure. « Pire, même les décisions prises et signées par le Président en exercice au nom de ses pairs ne sont tout simplement pas exécutées ; c’est le cas de la décision de hisser le Drapeau de la CEDEAO à côté des Drapeaux nationaux sur tous les édifices publics des Etats membres, signée par Mamadou TANDIA, alors Président en exercice », s’est-il révolté.
Le Pr Ali Nouhoum DIALLO prédit qu’il n’y aura pas de CEDEAO des peuples, tant que le Parlement, représentation de toutes les populations de l’Afrique de l’ouest, ne sera pas élu au suffrage universel direct ; n’aura pas les prérogatives de légiférer et de voter la Loi des Finances de la Communauté et d’en contrôler l’exécution ; n’aura pas le pouvoir de rejeter un commissaire nommé alors qu’il n’en a pas les compétences et les qualités morales, requises.
PAR MODIBO KONE