Le pouvoir IBK est pris entre deux feux : la crise au nord et la tension sociale qui gagne, tous les jours, en intensité à Bamako. Déjà empêtré dans le dossier du nord, IBK réussira-t-il à atténuer les ardeurs sur le front social ? Il faudra (cette fois-ci) bien plus que de petites excuses du genre « le pays est en crise » ou autres politiques de saupoudrage toujours mis en avant par le régime pour calmer le jeu. Les syndicats semblent découvert (enfin) la réalité : l’insouciance d’IBK face à leurs préoccupations. Ainsi, le malaise se propage à grande vitesse et gagne quasiment tous les secteurs socio-économiques du pays. Centres hospitaliers, Ortm, transporteurs, les enseignants…. À croire qu’en cette année 2016, les grèves raviront la vedette aux scandales.
Le pouvoir du vieux a fini d’étaler ses limites. Une des multiples manifestations de cette triste réalité : l’ébullition du front social, depuis maintenant trois mois. En effet, de décembre 2015 à nos jours, les fronts syndicaux s’ouvrent à un rythme vertigineux, sans que les autorités n’aient réussi aucune action susceptible d’atténuer les ardeurs. Ainsi, les grèves se suivent, causant au passage d’énormes préjudices aux citoyens et surtout au trésor public déjà fragilisé par des faits de délinquance financière. Les travailleurs de l’hôpital Gabriel Touré, ceux de l’ORTM tout comme la Coordination syndicale de l’enseignement secondaire(COSES) et le Comité syndical des services du travail du Mali (CSST) sont sur le pied de guerre pour exiger la satisfaction de différentes revendications.
En effet, les travailleurs de Bozola (l’Ortm) ont observé deux jours de grève en décembre et 3 jours (du 27 au 29 janvier 2016) de grève en janvier suite à une rupture des négociations entre le syndicat et le gouvernement. Selon les syndicalistes, sur les huit points de revendication, aujourd’hui seulement 5 points ont été satisfaits. Aux trois points non satisfaits, le syndicat y tient et il est prêt à aller au bout pour leur satisfaction. Il s’agit de l’abrogation des lois portant sur la restructuration de l’Ortm en deux entités différentes (Ortm comme un établissement public à caractère administratif et la société malienne de transmission et de diffusion) ; l’harmonisation des statuts des entités à créer dans le cadre de la restructuration et enfin le maintien de la Communication dans les priorités du Gouvernement. En clair, Bozola n’est pas contre la restructuration de l’Ortm, seulement les travailleurs exigent qu’elle se fasse dans les règles de l’art. Mais, le gouvernement voit les choses sous un autre angle. D’où la furie du syndicat qui menace d’observer un autre mot d’ordre qui consistera à éteindre carrément la télévision nationale et tous les réseaux de l’Ortm transmettant les chaînes étrangères dans notre pays.
Quasiment au même moment, les ouvriers de la Comatex S.A (Ségou) avait observé (du 28 au 29 janvier dernier) un arrêt de travail faisait suite au retard de payement des salaires de 2 mois et les allocations familiales. A Ségou également, l’on annonce un débrayage illimité si les revendications des travailleurs ne sont pas satisfaites. C’est dire que la grogne sociale a gagné l’intérieur du pays.
Autre secteur où la tension couve: les transports. Les chauffeurs de camions-citernes et autres gros porteurs sont allés en grève dans la nuit du dimanche 24 janvier 2016 jusqu’au mercredi 27 janvier 2016. Cette grève a été observée même dans les ports de chargement à l’extérieur du pays par les chauffeurs de camions-citernes et les gros porteurs. La raison de leur colère ? Sous-rémunération des chauffeurs et leur non-inscription à l’INPS. « À cela se sont ajoutés des problèmes que nous rencontrons avec les citernes que nous chargeons en carburant et autres produits liquides », avait confié Mouctar Drabo, trésorier général du Syndicat, à un journal de la place.
En février, les Services du travail (Directions régionales du travail, Inspection du travail et Cellule nationale de lutte contre le travail des enfants) ouvrèrent le bal des contestations, en décrétant 72 heures (lundi 08 au mercredi 10 février dernier) de grève. Le Comité syndical desdits services (Csst) veut une meilleure condition de travail pour les Inspecteurs de travail, marginalisés dans le traitement salarial, ainsi que pour les Directions régionales qui manquent de moyens matériels. Au nombre des revendications, le syndicat énumère (dans son préavis de grève, daté du 19 janvier) l’application immédiate de tous les points d’accord du Protocole de 2011; l’application effective de la Convention n°81 de l’O.I.T sur l’Inspection du travail et l’octroi des primes et indemnités; l’adoption et la mise en œuvre d’un nouveau plan d’actions pour le renforcement des Services du Travail …. En attendant le bilan de cette grève, il se dit déjà que le syndicat entend entreprendre des actions plus vigoureuses en cas de non satisfaction. ««Nous sommes le seul Syndicat qui n’a jamais observé de grève, de l’indépendance à nos jours. Mais, nous estimons que trop c’est trop, car on a compris que le 1er responsable de notre Département n’accorde aucune valeur à notre service», indique-t-on au sein du CSST.
La dernière organisation syndicale à plonger dans la contestation est celle des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales. Le Syndicat des professeurs de l’enseignement secondaire des collectivités (Sypesco), soutenu par les autres syndicats des établissements secondaires, a décidé d’arrêter de travailler pour non-paiement de salaires de ses militants. Pourtant, le syndicat avait prévenu qu’il serait intraitable par rapport à tout retard dans le paiement des salaires. Cette grève, observée au début de la semaine, des enseignants du secondaire des collectivités territoriales vient s’ajouter à celle des enseignants de base des collectivités qui réclament des rappels.
Aussi à Gao, le syndicat national des enseignants fonctionnaires des collectivités territoriales et le syndicat national de l’éducation et de la culture ont déposé, le 4 février dernier, un préavis de grève. Les deux syndicats reprochent à l’état malien de délaisser les enseignants du nord. Selon les responsables des deux syndicats, une grève sera lancée du 17 au 19 février prochain si les 16 points (énumérés dans le préavis) ne sont pas satisfaits.
Des services sur la poudrière
Un débrayage, prévu du 8 au 10 février courant, a été évité de justesse à l’hôpital Gabriel Touré. Cette suspension fait suite au limogeage du directeur Kassoum Sanogo, par le ministre en charge de la santé et de l’hygiène publique.
Cependant, la structure demeure sur des braises ardentes qui pourront, à tout moment, engendré une paralysie au sein de cet hôpital de référence. Pour rappel, l’indignation du syndicat est due à un manque de dialogue social. Cette situation avait poussé le syndicat tenir des sit-in, avant de déposer un préavis de grève. Lequel préavis fait état de l’absence, l’insuffisance et la dégradation croissante des outils de production et de prestation pour une meilleure prise en charge des patients. S’y ajoutent le retard criard dans le paiement des ristournes et des primes de garde ; la non-exécution des différents protocoles d’accords signés entre le Département de la Santé et le Comité Syndical du CHU-Gabriel Touré. Par ailleurs, le syndicat réclame la nomination des représentants du personnel au Conseil d’Administration de l’hôpital; la nomination d’un Régisseur de recettes au bureau des entrées ; l’assainissement de la gestion financière de l’hôpital ; le recrutement ou le redéploiement du personnel qualifié pour les soins intensifs au niveau des Services de pédiatrie, de réanimation adultes et le service d’accueil des urgences.
Tout comme au CHU Gabriel Touré, la tension est aujourd’hui palpable à la direction nationale du commerce et de la concurrence (DNCC) où les travailleurs se plaignent du comportement de la hiérarchie. L’on raconte que le fonctionnement de cette structure a été entaché par l’adoption de mesures abusives, injustifiées sur fond de règlements de comptes. En effet, le directeur régional aurait pris, le 18 mai 2015, des notes dont l’analyse aurait révélé certaines incohérences. Le syndicat aurait signifié ces incohérences au directeur régional, à la direction nationale et du ministère du Commerce et de l’Industrie aux fins de rectification. Mais la demande est restée sans suite. En 2016 encore, le ministre Abdel Karim Konaté et le directeur, à travers une note aurait reproduit les mêmes incohérences. Dans lesdites notes, « le chef de division se trouve sous l’autorité d’un agent de sa division. Dans une équipe relevant de la même division, l’inspecteur des services économiques se trouve élément d’une équipe dirigée par un contrôleur des services économiques. Un agent issu d’un corps non prévu par le cadre organique du service se trouve à la tête d’une équipe composée d’agents issus du corps prévu par le cadre organique du service », indique-t-on. Ces pratiques ont motivé le comité syndical à saisir le Premier ministre pour une solution définitive à cette injustice afin d’éviter de crises inutiles entre administrateurs.
Aussi à N’Sukala (Dougabougou) également, la tension monte. Là, l’essentiel des travailleurs nationaux aurait de la peine à s’offrir le SMIG. Ainsi, les travailleurs revendiquent l’application du SMIG, les allocations familiales…. Puisque l’on dit que le département du Commerce est resté insensible à la situation, on pourrait s’attendre à un débrayage à N’Sukala où des chinois se sucreraient sur le dos de pauvres des travailleurs nationaux. L’Union nationale des travailleurs du Mali (Untm), toujours prompt à voler au secours des travailleurs lésés dans leurs droits, se serait saisie du dossier. Et le mercredi 3 février dernier, le secrétaire général de la centrale aurait rencontré (à Dougabougou) les travailleurs. Selon lui, toutes les dispositions sont prises afin que les travailleurs puissent rentrer en possession de leurs droits, conformément aux lois en vigueur en République du Mali.
Le Secrétaire général de l’Untm n’a pas caché sa colère et exige que les responsables chinois respectent strictement l’ensemble des accords et conventions signés entre la Centrale syndicale et l’Etat malien. C’est dire qu’autrement, les chinois et au-delà les autorités maliennes, s’exposeront (une nouvelle fois) à la colère de la plus grande centrale syndicale du Mali. Selon des observateurs, cet épisode pourrait précipiter le réveil des vieux démons au sein de la brouse du travail où ces différentes grèves qui agitent le pays sont suivies avec attention. Il semble que l’Untm s’apprête à se réunir pour faire une analyse de la situation actuelle du pays et des travailleurs maliens.
I B Dembélé