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SEM Toumani Djimé Diallo, Ambassadeur de la République du Mali: «Le MNLA a servi de Cheval de Troie à Ansardine»
Publié le lundi 21 janvier 2013  |  Le 22 Septembre


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© Le 22 Septembre par DR
SEM Toumani Djimé Diallo, Ambassadeur de la République du Mali


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Le Mali vit une crise grave. La guerre au Nord contre les islamistes, initiée par la France sous l’aval des Nations-Unies, une classe politique déboutée et une armée convalescente, tandis que le déploiement des soldats africains se fait attendre et que les rebelles se sont retranchés à Diabali. M. Toumani Djimé Diallo, Ambassadeur plénipotentiaire de la République du Mali à Rabat, nous fait un cadrage de ce conflit, dans cet entretien qu’il a bien voulu accorder à La Voix du Centre, tout en faisant le bilan de la coopération entre les deux pays, mais aussi la lumière sur la contribution financière et matérielle du Royaume Chérifien pendant cette période très difficile.

La Voix du Centre: Actualité oblige, en tant que représentant officiel des Maliens au Maroc, quels sont vos sentiments face aux opérations qui se déroulent actuellement au nord de votre pays?

SEM. Toumani Djimé Diallo: Je voudrais d’abord vous remercier de l’intérêt que vous portez au Mali, à son peuple, raison pour laquelle vous avez voulu me rencontrer pour poser un certain nombre de questions auxquelles je me fais le plaisir de répondre.

Mes sentiments, avant tout, c’est de rendre hommage au soldat Boiteux, le pilote d’hélicoptère qui a trouvé la mort au Mali, pour notre pays. Il n’est pas mort pour le Mali seulement, il est mort aussi pour la liberté et la défense de la dignité de l’homme. Je saisis cette occasion ici pour dire toute ma tristesse et ma compassion à sa famille. Et l’hommage qui lui a été rendu mardi, Place des Invalides, est tout à fait mérité. En 1914-18 et 1939-45, beaucoup de soldats maliens sont tom­bés sur les champs de bataille pour la France. Ces militaires maliens ne sont pas morts pour la seule France, ils sont morts pour la liberté et la défense de la dignité humaine. Tous ces morts et Boiteux se retrouvent aujourd’hui dans la fraternité du sang. Je leur rends hommage à tous.

Ceci dit, j’éprouve, comme tout le peuple malien d’ailleurs, un sentiment de soulagement. La situation était très difficile au Mali. On avait à faire à des salafis­tes combattants et jihadistes qui utilisaient en fait la religion comme alibi. Mais, en réalité, ce sont des narcotrafiquants.

Pour protéger leurs réseaux de trafic, ils prirent pour prétexte l’islam – qui n’avait rien à avoir avec le vrai islam – pour terroriser les populations à coup de lapidations, d’amputations et de cravaches. Face à cela, nous avions une crise politique et une armée dans une situation lamentable, avec l’effondrement du commandement central suite au coup d’Etat.

La communauté internationale soutient unanimement l’initiative française d’intervenir avec l’aval du Conseil de sécurité, alors qu’au Mali, jusqu’à la veille de cette intervention, on trouvait une certaine classe politique qui dénonçait toute mobilisation de troupes étrangères, exigeant une négociation. Comment expliquez-vous ce paradoxe?

Encore une fois, il faut saluer l’initiative française, et pas seulement l’action militaire. Il faut saluer aussi son engagement au niveau du Conseil de sécurité, car c’est la France qui a proposé les deux résolutions 2071 et 2085, lesquelles ont abouti à la situation actuelle. Même à ce niveau, il faut dire qu’il y a la France de Sarkozy, la France de Hollande et la France de la compagnie pétrolière Total. Et ces trois France n’ont pas la même attitude face à la situation du Mali.

Car personne ne me fera croire que la France de Sarkozy ne savait pas, n’avait pas vu ces colonnes quitter le sud libyen, avant et après la chute de Kadhafi, ces colonnes et ces camions, lourdement armés, se diriger vers le Mali, et que la France n’a pas laissé faire. Mais c’était la France de Sarkozy, et peut-être la France de Total. La France de Hollande a posé cet acte, un acte salutaire, puisqu’il y a eu évolution au niveau de la France face à cette crise.

La même évolution, nous la trouvons au Mali. Il y a eu un putsch qui a été soutenu par certains, qui l’ont plutôt accompagné, et rejeté par d’autres. Il s’est trouvé que les premiers ne voulaient pas d’intervention militaire, parce que, pour eux, une présence de militaires étrangers aurait signifié une présence autre que celle de l’armée à l’origine du coup d’Etat. Mais il faut reconnaître aujourd’hui que cela relève du passé. C’est un consensus national qui se dégage autour de l’armée nationale, autour des troupes françaises. C’est cela le plus important. Autrement, le même paradoxe existe au niveau des pays qui nous ont soutenus. C’est le cas de l’Algérie, qui a tout fait pour qu’il n’y ait pas d’intervention militaire, alors qu’aujourd’hui, non seulement elle a ouvert son ciel aux avions français, mais elle a fermé ses frontières pour que les rebelles islamistes ne puissent pas avoir de base arrière, d’espace de retranchement.

C’est cette évolution qu’il faut considérer, et non les oppositions qui ont prévalu avant le déclenchement de la guerre contre les islamistes.

Dans ces conditions, comment vous avez vécu la souffrance des populations des villes du nord qui étaient occupées par les islamistes?

Ce fut terrible. C’était inhumain, inacceptable, surtout pour un musulman. Aucun bon musulman ne pouvait accepter qu’une population soit ainsi martyrisée au nom de l’islam. Personne ne pouvait plus fumer de cigarettes, prendre son thé devant sa maison. Aucune femme ne pouvait sortir sans être en tchador. Les voleurs présumés étaient amputés d’une main et, comme malus, c’était le pied qui était aussi amputé. C’était catastrophique.

C’est ce qui a desservi la cause de ces islamistes, parce que le monde entier s’est élevé contre ces pratiques inhumaines, sans compter la destruction des mausolées. Ces vestiges font partie de notre identité nationale.

C’est aussi le fait de l’histoire, le fait de la religion. On n’adore pas les mausolées, mais à l’intérieur il y a des Saints que nous vénérons, non pas en tant que Dieux mais en tant que modèles à suivre pour être proche de Dieu.

Que pensez-vous de l’attitude du MNLA, par qui tout est arrivé?

En fait, le Mouvement national de libération de l’Azawad est le bras politique d’Ansar dine, donc sa formation politique. Ils étaient plus fréquentables. La notion d’indépendance et d’autonomie touareg était plus porteuse et c’est celle-là que le groupe salafiste a mis en avant pour s’attirer les sympathies des uns et des autres, notamment en Occident. Mais la réalité est que le MNLA a servi de cheval de Troie.

Pour la première fois depuis la chute de Laurent Gbagbo, le FPI de l’ex- Président et le pouvoir en place en Côte d’Ivoire parlent le même langage. Est-ce que cette guerre peut constituer un facteur de réconciliation dans ce pays?

Je le souhaite de tout mon cœur. Le Mali servait de théâtre à un projet qui visait toute l’Afrique de l’Ouest et même le Maghreb. Je m’explique: on a beaucoup parlé d’Aqmi au Maghreb, mais, quand on fait le point, Aqmi n’existe pas pour l’instant. Ce qu’il y a, c’est le GSPC algérien.

Celui-ci, après son allégeance à Al-Qaïda, a voulu créer Aqmi. C’est-à-dire qu’il a voulu fédérer les salafistes combattants du Maroc, de la Tunisie et de la Libye. Mais il a échoué, puisque les régimes de ces trois pays ont su anticiper et bloquer les salafistes.

Donc il est resté GSPC de fait et s’est replié sur le Mali et dans le sud algérien. Si cela marchait, c’est maintenant qu’il y aurait Aqmi, avec l’axe Boko Haram et c’est toute l’Afrique de Ouest qui était menacée. Donc, si la riposte face à un danger qui menaçait le Mali, pour atteindre tout le continent et même l’Europe, permettait à toutes les forces patriotiques de Côte d’Ivoire, qui ont à cœur la défense de leur pays, de se réconcilier, je dirais bravo.

Après 4 jours de déclenchement des hostilités (mardi dernier), les troupes de la CEDEAO sont toujours attendues, alors que cette institution parlait de l’envoi d’une armée depuis l’occupation du nord du Mali. A quoi est dû le retard de cette force ouest africaine?

Soyons francs et sincères. La première des raisons, c’est que les Maliens eux-mêmes ne parlaient pas d’une même voix. Sur le plan politique, au Mali, il y avait aussi des divergences. La bataille contre les guérilleros, qui ont fait leurs armes en Afghanistan, en Libye, n’était pas facile.

Au départ, ce sont les Kel Tamasheq qui ont fait le MNA (Mouvement national pour l’Azawad). C’était d’ailleurs une association reconnue par le Mali. Elle se battait pour que l’on prenne en compte la spécificité de ses régions et de ses ethnies. Le terme libération ne s’est ajouté que quand le Colonel Najb, de l’armée libyenne, a lâché Kadhafi pour venir vivre au Mali. C’est son adhésion qui a transformé le MNA en MNLA. Ce sont des gens aguerris et, d’ailleurs, l’on se rend compte à Diabali.

Ce n’était pas du tout facile en termes d’expertises, de moyens financiers, logistiques, ni au plan international, car tout le monde ne parlait pas de la même voix. On peut comprendre aisément qu’il y ait du retard, mais à ce niveau là aussi l’intervention française a été salvatrice, parce qu’elle a libéré tout le monde. C’est en ce sens qu’il faut encore la saluer.

Historiquement, la Guinée et le Mali sont considérés comme les poumons du même corps. Pourtant, le «frère siamois» du Mali n’enverra que 125 soldats. Qu’en est-il aujourd’hui de cet adage, dans le contexte grave que vit votre pays?

La Guinée a aujourd’hui énormément de problèmes et le simple fait d’envoyer des soldats, malgré ses difficultés, prouve bien que nous sommes des «frères siamois». Mais il ne s’agit pas de se dégarnir totalement et de laisser la maison ouverte à tous les vents, surtout aux mauvais vents. Je suis persuadé qu’au fur et à mesure qu’elle va régler ses problèmes intérieurs, la Guinée enverra des militaires, en nombre et en qualité, pour aider son «frère siamois» malien, qui le demeure.

Le Maroc et le Mali entretiennent de bonnes relations diplomatiques. Le Maroc suit de près l’évolution de la situation malienne sur le terrain. Quelle est la position du Royaume face à cette opération?

Le Royaume chérifien a toujours été très préoccupé par la situation au Mali, bien avant le 17 janvier 2012. J’ai été témoin de plusieurs mises en garde, qui ont été adressées aux autorités maliennes par le Maroc. J’ai été le porte-parole de messages verbaux tirant la sonnette d’alarme sur le danger qui guettait notre pays.

Avant le coup d’Etat et avant l’attaque, j’ai été chargé d’exprimer toutes les préoccupations de l’autorité marocaine et, mieux, tout ce que le Maroc était prêt à faire pour aider à éviter la situation que nous avons connue. Mais, voyez-vous, nous n’avons pas d’accord de défense militaire. Lorsque j’ai été nommé Ambassadeur ici, ce fut ma première tâche. J’ai pu obtenir de mon gouvernement de mettre sur la table du Maroc une proposition de défense militaire. Malheureusement, elle n’a pas prospéré, à cause des raisons politiques.

C’est dommage, car s’il y a avait un accord de défense la contribution marocaine serait aujourd’hui plus visible, parce qu’elle est là. En effet, lors du coup d’Etat, le Maroc a fait partie des pays qui l’ont tout de suite condamné. Une forme d’aide politique donc. Le Maroc a aussi été au premier plan au moment où l’on s’attaquait aux mausolées, de par les voix les plus autorisées, pour dénoncer vigoureusement les destructions de ces lieux de culte. Il y a autre chose que je puis dire au plan militaire. Quand il s’est agit d’aider l’armée malienne à s’équiper, au moment où nos armes étaient bloquées dans certains ports, il y a eu une requête malienne d’aide financière auprès du Maroc.

Cette requête a été suivie d’effets immédiatement, par une réponse favorable. Sur le plan humanitaire, l’ancien Premier ministre l’a rappelé ici lors de son voyage, le Maroc a été le premier pays à réagir, en envoyant des cargos aussi bien à Bamako, à Nouakchott, au Burkina qu’au Niger, pour venir en aide aux réfugiés maliens.

Autre fait marquant, c’est sous la présidence du Maroc au Conseil de Sécurité que les deux fameuses résolutions ont été adoptées. Je sais tout ce que le Maroc a fait pour arriver à l’unanimité autour de ces deux résolutions. Ce qui est rare au sein de ce Conseil.

Qu’en est-il des échanges économiques entre les deux pays, quand on sait qu’ils sont très infimes par rapport à l’intensité des relations diplomatiques?

Non, ces échanges ne sont pas infimes, loin s’en faut. Je l’ai compris ici, le Maroc aime le travail de fond et il ne se lance pas dans le travail spectaculaire. Ce travail de fond a été d’investir massivement au Mali, car on n’investit dans un pays que quand on a confiance en ce pays et qu’on l’aime.

En effet, le Maroc a investi sur le plan bancaire. Bien avant, lorsque la BDM, première banque du Mali, était en difficulté et que personne ne voulait la reprendre ou participer à sa réhabilitation, au moment où les institutions de Bretton Woods avaient décidé de sa liquidation pure et simple, c’est la BMCE marocaine qui a pris des actions dans cette banque et en a fait l’établissement le plus fort du Mali et l’une des banques les plus performantes d’Afrique de l’Ouest.

Même chose pour la branche de la BIAO au Mali, la BIM, qui était en déconfiture. C’est Attijariwafa Bank qui l’a reprise. Elle est devenue aujourd’hui la deuxième banque du Mali et devance même Ecobank. Idem pour Sotelma, sur le plan des télécommunications. L’opérateur historique de la téléphonie au Mali battait de l’aile, c’est Maroc Télécom qui est devenu le repreneur. Sotelma ne s’est jamais mieux portée qu’aujourd’hui.

Sur le plan agricole, il y a l’OCP, qui a participé à l’élaboration de la carte de fertilité des sols au Mali. Partant de ces éléments, les échanges commerciaux entre le Maroc et le Mali peuvent s’améliorer, mais ils sont déjà plus que satisfaisants. Autrement dit, les deux pays peuvent encore mieux faire sur le plan économique.

Interview réalisée par Mamady Sidibé

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