Depuis des décennies, nos autorités politiques, de la majorité comme de l’opposition, ne cessent de nous tympaniser avec un slogan désormais connu de tous mais bien creux, focalisé sur la lutte contre la pauvreté. Pourtant tout au long de cette lutte effrénée, le fossé ne fait que s’élargir entre riches et pauvres, disons entre ceux illicitement enrichis et ceux abusivement appauvris. Comme quoi le riche s’enrichit et le pauvre s’appauvrit davantage. Car chez nous, c’est tout comme le riche doit procréer le riche et du pauvre doit naître le pauvre.
En effet, au Mali tu ne peux être douanier si ton père n’est pas de la Douane, tu ne peux être banquier si ton père n’est pas de la banque, tu ne peux être infirmier si ton père n’est pas médecin, tu ne peux être soldat si ton père n’est haut gradé, tu ne peux être cheminot si ton père ne l’est pas, tu ne peux finalement même pas être bon politicien si ton père n’est pas un homme politique de renom, car il est comme écrit quelque part que tu ne seras jamais quelqu’un si ton père n’est pas quelqu’un. La compétence ne compte pas, et tant pis pauvre type si ta valise est pleine de diplômes.
Fils à papa, bras longs, ce sont là des termes qui ont fait et continuent de faire leur petit chemin dans la cité. Il faut être du cercle pour avoir un point de chute. Le civisme, l’intégrité, le patriotisme, la piété n’ont plus de sens ni de valeur dans notre société. Entre l’être et l’avoir, nous avons choisi l’avoir. En lieu et place de notre volonté ardente et notre esprit sain à bâtir le Mali de nos vœux, nous avons choisi la voie qui nous mène à remplir illicitement nos poches au détriment de l’Etat qui s’appauvrit. Oui, le Mali est pauvre mais le Malien est riche de ses richesses frauduleuses sur fond de népotisme. Même l’école est bipolarisée, comme du temps de l’apartheid, il y a celle des riches et celle des pauvres. Celle des riches, c’est à Bamako pour disposer à la fois d’un diplôme dans une filière de l’université publique et d’un autre diplôme dans une autre filière de l’université privée ;c’est aussi au Maroc ou en France ou aux Etats-Unis…
Le hic, c’est l’effectif pléthorique de l’université publique, avec cette farce qui consiste pour un étudiant à suivre les cours de tel ou tel professeur dans une matière, de sorte que l’enseignant ignore totalement l’assiduité des étudiants. La seule référence, à l’université de Bamako, c’est l’effectif des étudiants ayant acheté les brochures du professeur ou payé la rançon de l’admission. La rançon ? Allez savoir auprès des fils à papa, des membres du bureau de l’AEEM, ou des jeunes filles !
Alors à quand l’éveil des consciences ?
Il est temps de revoir notre copie, d’enterrer la lutte contre la pauvreté pour déclencher la lutte pour enrichir le Mali en créant de la richesse à travers la multiplication et la diversification d’entreprises et d’emplois, le développement de l’agriculture, la pisciculture et l’élevage, pour enfin enrichir les pauvres plutôt que les riches, offrir au plus méritant le choix qui lui revient, placer l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, renouer avec les enquêtes de moralité, contrôler les agents dans l’accomplissement de leurs missions, sanctionner les fautifs et récompenser les nobles et laborieux serviteurs de la Nation. Ce sont de telles promesses que nous attendons de nos hommes politiques. Et c’est au bilan des efforts fournis sur ce terrain que nous devons les apprécier en vue des élections. Baara ka kè, fasso ka djô. Tout le monde y gagnera.
Mamadou DABO