La visite cette semaine du président de la République en France n’a pas dissipé les doutes sur la présence de la France aux côtés du Mali.
Le président de la République était en visite cette semaine en France. Ce séjour d’Ibrahim Boubacar Kéita dans l’Hexagone n’avait vraisemblablement pas la même allure que sa dernière "visite d’Etat", mais il avait le mérite d’offrir au chef de l’Etat l’opportunité d’éclairer sur certains dossiers. IBK a-t-il saisi la chance à lui offerte ?
Pour l’heure, il serait difficile de répondre par l’affirmative en ce sens que presque toutes les interrogations liées aux relations entre les deux pays, particulièrement à la présence de la France au Mali demeurent sans réponses concrètes. IBK qui, lors d’un de ses passages parisiens, avait fustigé chez des confrères locaux les incohérences de la politique française au Mali, aurait dû jouer cartes sur table, avec l’objectif d’obtenir de la France la révision de certaines de ses positions sur le Mali.
Son homologue François Hollande ne lui aurait pas jeté la pierre pour cela et tous les observateurs de bonne foi auraient compris qu’il voulait seulement explorer les voies et moyens de sortir son pays du précipice. A la place d’un diagnostic franc, ce sont les expressions habituelles qui ont sanctionné les échanges entre les deux présidents, comme en témoigne le communiqué de l’Elysée. On est reparti donc pour d’autres aventures sans issue.
La position de la France sur l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation reste floue. Dans les discours, l’ancienne puissance coloniale dit soutenir ledit deal, mais dans les faits, c’est tout autre chose. Au moment où le blocage est perceptible dans l’application de l’accord, la France ne semble pas pressée de faire pression sur les mouvements sécessionnistes qui prennent le processus en otage. Or, ces derniers sont acquis à la cause de Paris et se plieraient à toutes les injonctions des autorités françaises. Ce qui confère à l’Elysée un rôle essentiel dans la résolution de la crise du septentrion.
Dans le communiqué ayant sanctionné l’entretien entre les présidents IBK et Hollande, les deux chefs d’Etat réitèrent "leur soutien à l’accord d’Alger" et expriment leur "souhait d’une accélération de sa mise en œuvre afin que le gouvernement malien puisse assurer sa présence sur l’ensemble de son territoire et que le désarmement et la réintégration de certains combattants des groupes armés soient effectifs".
Duplicité
Malgré l’expression de ses vœux français, IBK aurait dû rappeler à son hôte qu’il aiderait bien le Mali a résoudre cette crise s’il refusait de faire la part belle à certains groupes armés. Surtout qu’avec la bénédiction de la France et de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma), les ex-rebelles se sentent en terrain conquis à Kidal et sont prêts à s’attaquer à tous les symboles de l’Etat du Mali dans la zone.
Le laxisme de la France vis-à-vis de certains mouvements armés ne contribue pas à lutter efficacement contre le terrorisme. IBK et Hollande ont réitéré leur "détermination à lutter ensemble contre les groupes terroristes qui continuent à chercher à mener des actions au Mali". La lutte contre le terrorisme nécessite une coopération transfrontalière au cœur de laquelle se trouvent l’identification des terroristes et les actions d’envergure à mener contre leurs propagandes.
Toutefois, des leaders de mouvements armés dont le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui jouissent de la sympathie de la France, sont indissociables de certains groupes armés. A travers le narcotrafic, ces leaders participent indirectement au financement du terrorisme. Peut-être que ces chefs rebelles auraient changé de comportement si la France leur avait infligé le traitement que méritent les terroristes et leurs complices.
L’accord de défense entre le Mali et la France peut être utile dans la lutte contre le terrorisme. Signé le 16 juillet 2014 entre le Mali et la France, le traité de coopération en matière de défense contient plusieurs volets dont les tenants et les aboutissants sont méconnus du grand public. Le communiqué issu de l’audience qu’Hollande a accordée à IBK lors de sa visite ne fait aucune allusion à cet accord de défense alors qu’une évaluation de la mise en œuvre du traité est primordiale.
Une analyse des premiers mois de l’accord permettrait non seulement de se faire une idée sur le chemin parcouru, mais aussi de mieux faire face aux défis. Aussi aura-t-elle le mérite de rassurer l’opinion qui voyait dans ce deal un "cadeau empoisonné". Il aurait donc été utile qu’IBK en parle avec Hollande et que les deux présidents le mentionnent dans leur communiqué. En cette période où le terrorisme n’épargne personne, l’application et le suivi d’un accord de défense demandent plus d’attention et de communication.
Ogopémo Ouologuem
(correspondant aux USA)