Un projet de mise en place d’un cadre de concertation entre la Majorité et l’Opposition politiques maliennes avait été pompeusement médiatisé et dénommé « Sauvons le Mali d’abord ! ». Cette initiative de la Convention de la majorité présidentielle avait eu un début d’exécution avec une importante rencontre d’échanges qui a réuni, le 2 décembre 2015, les leaders et responsables des deux regroupements. Au sortir de ce premier tête-à-tête, qui s’est avéré tout de même houleux, les protagonistes se sont donné rendez-vous pour le second round dix jours plus tard. Nous en sommes au 70ème en ce 10 février.
Que se passe-t-il ? Le projet est-il mort-né ? Qui a peur qu’il voie le jour ? Le dialogue est-il impossible entre la Majorité et l’Opposition ? Autant de questions qui restent en suspens !
« Il n’y a pas de cadre de concertation Opposition-Majorité. Il y a eu, à l’initiative de la Majorité, l’idée d’une rencontre entre les deux composantes. Comme si elle avait regretté son initiative, la Majorité est allée de subterfuges aux pas en arrière, jusqu’à abandonner, dans les faits, le projet de rencontre. Récemment, le Chef de file de l’Opposition a tenté une timide relance de l’idée de la rencontre, sous une autre forme. On attend de voir… ». Telle que décrite par le secrétaire général du Parena, Djiguiba Kéïta dit PPR, voilà ce qu’advient de l’idée de création d’un cadre de concertation Majorité-Opposition.
Piqûre de rappel : le mercredi 02 décembre 2015, la vie politique au Mali avait connu un tournant décisif avec la toute première rencontre entre les leaders de la majorité présidentielle et ceux de l’opposition républicaine et démocratique. L’initiative est de la Convention pour la majorité présidentielle.
Pour un coup d’essai, ces retrouvailles historiques avaient suscité d’autant plus des espoirs chez les Maliens qu’il était censé instaurer désormais un dialogue de vérité entre les acteurs sur qui repose, en partie et en priorité, l’avenir du pays. Et pour cause : plusieurs scandales, beaucoup de dossiers brûlants et moult sujets d’intérêt national appelaient depuis fort longtemps la prise d’une telle initiative. Entre autres, la situation sécuritaire précaire au nord puis sur l’ensemble du territoire national, les scandales d’Etat liés à l’avion présidentiel, au contrat d’armement militaire, à l’affaire Tomi Michel, à la situation de Kidal, aux pourparlers inclusifs inter maliens, à l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali, au marasme économique, à la montée du terrorisme avec les attentats de la Terrasse (à Bamako) et du Byblos (à Sévaré).
Sur toutes ces graves questions, la majorité présidentielle avait toujours évité d’approcher l’opposition. Pourquoi ? A cause d’une mauvaise lecture de la scène politique, selon nous. Puisque les partis ou leaders de l’opposition montaient chaque fois au créneau pour dénoncer les dérives du moment. Les alliés du président IBK voyaient dans ces levées de bouclier une forme d’apatridie plutôt qu’une participation à l’animation de la scène politique. En réalité, ils ne pensaient qu’à leurs intérêts et se préoccupaient plus de nominations, de postes, de promotions, de marchés et de strapontins.
Pour sauver le Mali
Mais subitement, ils voient, enfin, la nécessité de « causer » avec leurs frères (ennemis ?) d’en face au lendemain de l’attentat du Radisson Blu (20 novembre 2015) qui a fait 22 morts. Les tenants du pouvoir avaient finalement décidé de faire fi de leur égo pour mettre en avant l’intérêt supérieur de la nation. Ils convoquent les opposants à leur table, sans préciser le menu du jour. La nouvelle propagée, les interrogations fusent des milieux intellectuels.
Le dialogue est-il réellement possible entre les deux tendances ? Le président IBK est-il dans les dispositions de tendre (véritablement) la main à l’opposition? Les politiques vont-ils accepter de mettre de côté leurs intérêts pour sauver le Mali ?
En attendant les réponses, c’était déjà un bon signe que la Convention pour la majorité présidentielle vienne à l’opposition républicaine et démocratique dans une sorte de collaboration placée sous le signe de « Sauvons le Mali d’abord ».
La rencontre pour poser les jalons est ainsi convoquée, le 02 décembre au Cicb. Boulkassoum Haïdara, 1er vice-président du Rpm conduisait la Cmp, tandis que Tiébilé Dramé, président du Parena, menait l’opposition. Ce fut un véritable tutoiement entre Boulkassoum et Tiébilé.
C’est le président de la Cmp qui plante le décor : « J’ai fortement sollicité cette rencontre avec beaucoup d’insistance auprès des présidents Soumaïla Cissé et Tiébilé Dramé, il y a au moins deux mois, parce que le pays traverse une crise assez grave et je souhaiterai que la classe politique place cette rencontre sous le signe de « Sauvons le Mali d’abord ». Cette rencontre est une prise de contact pour voir ensemble si on peut planter un arbre qui aura un tronc qui est le Mali, avec une racine qui est le peuple malien et des ramifications qui sont nos partis politiques. Il faut voir qu’est-ce que, de commun accord, la classe politique peut défendre. C’est le but essentiel de cette rencontre ».
Dans sa réponse, Tiébilé Dramé se montre déjà prêt à aller au débat : « Nous sommes venus à cette toute première rencontre dans les meilleures dispositions pour discuter du Mali. Nos critiques à l’Assemblée nationale et hors de l’Assemblée nationale visent à sauver le pays, en amenant la majorité et le gouvernement à rectifier le tir. Vous souhaitez que nous parlions de la situation sécuritaire et la consolidation de la paix, nous avons suggéré un troisième point qui concerne la gouvernance politique, sociale et économique du pays, parce que c’est la gouvernance qui détermine tout le reste. Nous nous sommes préparés pour diagnostiquer, afin de faire des propositions. Nous avons une conscience claire pour le bien de ce pays. L’opposition est prête pour discuter et faire en sorte que le pays puisse se stabiliser».
Mais, Boulkassoum Haïdara revient à la charge pour solliciter un peu de temps afin de mieux préparer les thèmes dégagés : « Vous êtes toujours prêts pour aborder ces problèmes, mais de mon côté, je souhaiterais avoir un peu de temps afin de développer ces trois points. Et puis de voir ensemble pour trouver des remèdes aux maux du pays ».
Dramé réplique et insiste sur sa proposition d’aller aussi vite que l’exige la gravité de la situation : « On n’a pas besoin de temps pour discuter des questions essentielles du pays. Si l’état du malade (le Mali) est préoccupant, je ne vois pas pourquoi on prendra du temps ? s’est-il interrogé. Au regard de la gravité de la situation où l’insécurité mine partout, il est nécessaire d’aller vite ».
D’autres intervenants prennent la parole pour meubler la rencontre. Au terme des échanges, les deux parties conviennent de la mise en place d’un cadre de concertation paritaire de 12 membres pour discuter périodiquement de thèmes bien précis ; à commencer la paix, la sécurité et la bonne gouvernance.
La première véritable rencontre de ce cadre de concertation fut fixée au 12 décembre 2015. Mais jusque-là, plus rien. A qui la faute ? Les deux parties s’accusent mutuellement et se rejettent la responsabilité si elles n’avancent un juste milieu pour rester fair-play.
Sékou Tamboura