Les bouchers sont sur les dents. La grande famille des bouchers ne souffle plus dans le même cor. Certains, des frondeurs, crient au scandale. En cause, les 100 millions de Fcfa débloqués par le gouvernement pour subventionner la baisse du prix de la viande sur le marché malien. Une nouvelle augmentation du prix de la viande en vue.
«Rien, nous n’avons rien vu de l’argent donné aux bouchers par le gouvernement», disent les frondeurs. Les différents leaders syndicaux de bouchers ont fait main basse sur le magot, ajoutent-ils. A les croire, seulement 10 coopératives, celles de dix leaders, sur une centaine, ont vu la couleur de l’argent. Au sein de certaines de ces coopératives également, seul le président, parfois avec quelques proches, ont vu la couleur du fonds alloué par le gouvernement. C’est ce qui est arrivé en Commune II du District de Bamako, où, seul le président comme un lion tenant sa proie s’est refusé à tout partage. A cette frustration, les frondeurs montrent les muscles, aussi, à cause de certaines mesures jugées salvatrices pour les hommes de la viande mais jamais appliquées. En effet, pour éviter la hausse soudaine du prix de la viande comme jadis constatée, le gouvernement avait décidé d’appliquer des mesures, mais depuis, rien. Il s’agit de la baisse du prix de l’aliment bétail (graine de coton) à 120 000 FCFA la tonne; la limitation de la sortie du bétail hors du Mali; la pesée du bétail avant tout abattage. Non seulement, ils n’ont pas eu l’argent, mais aussi les mesures promises par les autorités n’ont jamais été appliquées.
Les bouchers, ceux d’en bas, environs 60% des bouchers du Mali, se sentent délaissés. Regroupés en association, les frustrés ont demandé à rencontrer leurs responsables syndicaux. En vain. Deux mois durant, disent les frondeurs à qui veut l’entendre, nos leaders ont refusé de nous rencontrer. Sans tomber dans la violence, les mécontents ont continué n’ont pas renoncé à leur lutte. Ils ont été entendus en haut lieu.
Le ministre du Commerce, Abdoul Karim Konaté, les a reçus et promet de trouver une solution dans les jours à venir. A leur tour, les frondeurs l’affirment, s’ils ne sont pas satisfaits, ils séviront. Le spectre d’une nouvelle augmentation du prix de la viande n’est pas loin.
Wait and see !
Mamadou TOGOLA
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De la viande malsaine dans nos assiettes
«Si vous rentrez dans un abattoir à Bamako, vous n’aurez plus, encore, envie de manger de la viande », disait un membre du REDECOMA (le regroupement pour la Défense des Consommateurs du Mali). On a souvent dit que ce regroupement, à l’image de notre société civile est malade et que toute leur sortie était intéressée. Mais, jamais, affirmation, n’a été, aussi, vraie. Que dis-je, coranique. Pour vous, fidèle lecteur, le Canard a fait un tour à l’Abattoir Frigorifique de Bamako sis à la Zone Industrielle, non loin de l’Usine Achcar. Lisez et sentez avec votre palmipède. Attention à votre estomac!
N’eut été l’insistance d’un passant, un fin connaisseur des lieux, je n’aurais pas osé franchir le portail ou, du moins, ce qu’il en reste. Ce que je croyais être une usine abandonnée était en fait, l’Abattoir Frigorifique de Bamako. Là où, sort quotidiennement, la plupart de la viande que nous consommons. Dans la zone industrielle de Bamako, il n’est pas difficile de trouver une usine abandonnée. On connait l’Usine Malienne des Produits Pharmaceutiques (UMPP) en abandon depuis un certain temps et dont le seul signe de vie, est celui du vigile en faction pour surveiller, certainement, les ruines d’une industrie qui fit jadis la fierté de Maliens.
En franchissant le portail, j’aperçois et m’aperçois, à la fois, que l’endroit n’est pas inhabité, comme des indices me l’avaient fait croire. Mieux, il est en service. Droit devant moi, jusqu’au fond, des motos et une foule dans une cour et sous un hangar. Je me dirige vers eux, lorsque mon attention est attirée par un long couloir en barres de fer. Une observation rapide me permet de me rendre compte que là, est le couloir emprunté par les quelques 500 bœufs qui rendent quotidiennement l’âme sous les couteaux à doubles tranchants des bouchers.
Je longe ce ‘’couloir de la mort’’ pour suivre le dernier parcours de ces animaux qui finissent dans nos assiettes. Une balance géante, servant sans doute, jadis, à peser les bœufs aptes à la consommation, coule ses vieux jours dans ce que lui sert, encore, d’abri. Depuis 40 ans. Inutile de préciser que cette bascule n’a pas servi depuis plus de 10 ans. Je m’avance et soudain un groupe d’oiseaux blancs à pattes longues s’envole dans un grand bruit. Un peu devant moi, je vois, tout près de l’ère de regroupement temporaire des animaux avant l’emprunt des couloirs finaux, un dépotoir. C’est là que les estomacs de tout le bétail quotidiennement égorgé sont vidés. L’espace devait être prévu à cette fin depuis, mais la bouse qui a largement débordé n’a pas été vidée. En tout cas, pas récemment. Avec les eaux usées et les déjections, le mélange a donné une pâte déplaisante à la vue et dégageant une odeur nauséabonde.
Le ton était donné. Je savais à quoi m’attendre, désormais. Je jette un coup d’œil dans l’ère d’abattage. Sans exagération aucune, nulle installation n’est épargnée par la rouille et ne fonctionne normalement. C’est le système D, ici. Le sol, impossible de savoir de quel marbre il est fait. Le sang au fil des années a fini par le recouvrir. L’odeur du sang séché me pousse à prendre de l’air. A peine ai-je le temps de souffler, qu’un brouhaha venant d’une grande pièce éveille un de mes sens. Je me dirige vers les lieux. Une grande salle environ 15 à 20 m2 grouille de monde. On y entre comme dans un moulin. C’est le lieu de dépeçage. Des gens bottés, en sueur et armés de couteaux s’attèlent à disséquer, à même le sol, les animaux abattus. L’atmosphère est telle que certains, ceux qui ont, peut-être, un petit souci de la qualité de la viande, exercent dans la cour que j’a tantôt aperçue.
En sortant de ce lieu, loin de ce que je m’imaginais d’un abattoir au XXIe siècle dans notre capitale, le temps de reprendre mes esprits et j’ai compris pourquoi premier producteur de bétail, le Mali n’a toujours pas d’autorisation pour exporter sa viande. Mon Dieu !
Mamadou TOGOLA