L’ancien Ambassadeur de France au Mali, Nicolas Normand, est pessimiste sur les retombées de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation qui donne une forme de prime à la violence au profit des rebelles qui ont pris les armes.
Dans un article intitulé « L’Afrique tente de s’organiser pour faire face au fléau djihadiste », l’envoyé spécial de “L’express”, Vincent Hugeux, rend compte de la 7ème édition du Marrakech Security Forum, organisée les 12 et 13 février 2016 par le Centre Marocain des Etudes Stratégiques (CMES). Parmi les experts civils et militaires qui étaient venus aborder le thème « L’Afrique dans la guerre contre le djihadisme international », il y avait Nicolas Normand. Cet ancien diplomate français qui fut ambassadeur à Bamako, Brazzaville puis Dakar est actuellement le Directeur Adjoint de l’Institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN). Nicolas Normand a fait une intervention à ce forum dont des extraits ont été rapportés par l’Express.
Selon Monsieur Normand, « Il faut se garder de négliger le facteur démographique. Avec sept enfants par femme en moyenne, le Niger et le Tchad détiennent le record du monde. Le Mali est à six, le Sénégal à cinq. Autre donnée, la dualité du système éducatif », a-t-il souligné. « En zone rurale, l’enseignement public est mal adapté.
D’où l’émergence dans l’espace nigérien par exemple, d’un dense réseau de medersas – écoles coraniques – peu ou pas contrôlées. Au rayon des moyens, le budget de la Défense du Niger est de 72 millions d’Euros, à comparer aux 30 milliards de la France et aux 600 milliards des Etats-Unis », a avancé l’ancien ambassadeur de la France au Mali.
Un gros caillou dans le jardin des signataires de l’Accord
Sur la situation au Mali, le Directeur Adjoint de L’institut des Hautes Etudes de la Défense Nationale (IHEDN) lance des propos qui pourraient embarrasser la diplomatie française surtout au moment où le Premier ministre, Manuel Valls, effectue une visite au Mali. « Au Mali, la MINUSMA – mission onusienne – n’a pas mandat pour lutter contre le jihadisme, tâche dévolue au dispositif français Barkhane, censé couvrir cinq pays avec 3000 hommes, ni contre le narcotrafic », a déclaré Nicolas Normand.
« L’Accord de paix d’Alger [conclu au forceps en juin 2015 entre les autorités de Bamako et une nébuleuse de groupes armés touareg] va-t-il apporter la quiétude ? Je suis plutôt pessimiste », a-t-il enfoncé. Pour lui, « ce pacte accorde une forme de prime à la violence, au profit des rebelles qui ont pris les armes, ce qui engendre des frustrations chez les autres ».
L’option de la décentralisation poussée pour résoudre la crise au nord du Mali ne convainc pas l’ancien diplomate français. « En outre, n’oublions pas que les factions jihadistes évoluent en dehors du périmètre de cet Accord. De même, il me semble illusoire de miser sur une décentralisation soutenue pour apaiser les tensions au Nord Mali. Il s’agit d’y mettre plus d’Etat et non moins d’Etat », a-t-il souligné.
Un gros caillou dans le jardin des signataires de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation au Mali qui peine à prendre son envol, plus de sept mois après sa signature.
Chiaka DOUMBIA