“Il me semble illusoire de miser sur une décentralisation soutenue pour apaiser les tensions au nord du Mali”. C’est ce que croit savoir S. E. M. Nicolas Normand, ancien ambassadeur de France au Mali.
Organisée par le Centre marocain des études stratégiques (CMES), la 7e édition du Marrakech Security Forum a réuni les 12 et 13 février dans un hôtel de la Ville rouge une cohorte d’experts civils et militaires, invités à plancher sur “L’Afrique dans la guerre contre le jihadisme international”.
Des dizaines d’experts ont exploré le paysage touffu et angoissant du terrorisme islamiste. Nicolas Normand, directeur adjoint de l’Institut des hautes études de la défense nationale (IHEDN), ancien ambassadeur de France à Bamako, Brazzaville puis Dakar, n’a pas manqué de dénoncer l’accord d’Alger.
“Il faut se garder de négliger le facteur démographique. Avec sept enfants par femme en moyenne, le Niger et le Tchad détiennent le record du monde. Le Mali est à six, le Sénégal à cinq. Autre donnée, la dualité du système éducatif. En zone rurale, l’enseignement public est mal adapté. D’où l’émergence, dans l’espace nigérien par exemple, d’un dense réseau de madrasa – écoles coraniques -, peu ou pas contrôlées. Au rayon des moyens, le budget de la défense du Niger est de 72 millions d’euros, à comparer aux 30 milliards de la France et aux 600 milliards des Etats-Unis”.
Et de poursuivre : “Au Mali, la Minusma – mission onusienne – n’a pas mandat pour lutter contre le jihadisme, tâche dévolue au dispositif français Barkhane, censé couvrir cinq pays avec 3000 hommes, ni contre le narcotrafic. L’accord de paix d’Alger [conclu au forceps en juin 2015 entre les autorités de Bamako et une nébuleuse de groupes armés touareg] va-t-il apporter la quiétude ? Je suis plutôt pessimiste. Ce pacte accorde une forme de prime à la violence, au profit des rebelles qui ont pris les armes, ce qui engendre des frustrations chez les autres. En outre, n’oublions pas que les factions jihadistes évoluent en-dehors du périmètre de cet accord. De même, il me semble illusoire de miser sur une décentralisation soutenue pour apaiser les tensions au Nord-Mali. Il s’agit d’y mettre plus d’Etat, et non moins d’Etat”.
M Diallo avec l’Express