Bamako (AFP) - Il a accompagné le rapatriement des corps de Casques bleus tués, une semaine après sa première tournée dans le nord du pays: le nouveau représentant de l’ONU au Mali tente d’accélérer un processus de paix poussif face à des jihadistes qui ont pris plusieurs longueurs d’avance.
De retour de l’acheminement à Conakry, mercredi, des corps de sept Casques bleus guinéens tués le 12 février à Kidal, dans le nord-est du Mali, le Tchadien Mahamat Saleh Annadif, nouveau représentant spécial du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, a rencontré vendredi à Bamako le chef du gouvernement français Manuel Valls et son ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian.
M. Annadif est déjà allé à Alger pour une réunion entre protagonistes de la crise malienne quelques jours après sa prise de fonctions, le 15 janvier. Il doit se rendre dans les prochains jours au Burkina Faso et au Tchad, deux des principaux contributeurs de troupes à la Mission de l’ONU au Mali (Minusma).
La Minusma, déployée depuis juillet 2013, est la mission de maintien de la paix de l’ONU la plus coûteuse en vies humaines depuis la Somalie en 1993-1995.
Selon une source diplomatique française, "le représentant spécial est aussi volontariste que lucide" sur la difficulté d’appliquer l’accord de paix signé en mai 2015 par le gouvernement et les groupes armés qui le soutiennent (formant la "Plateforme"), puis en juin par la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rébellion à dominante touareg).
"Son style tranche avec celui de ses prédécesseurs. Il est diplomate, mais il est aussi très direct quand il le faut", affirme Moussa Cissé, consultant pour le gouvernement malien sur les questions du Nord. Une impression partagée par plusieurs acteurs de la crise malienne interrogés par l’AFP.
Interrogé sur le meilleur moyen de lutter contre les jihadistes qui s’enhardissent, M. Annadif répond inlassablement qu’il faut "aller vite dans l’application de l’accord".
Car les retards s’accumulent dans la mise en oeuvre de cet accord obtenu au forceps par la communauté internationale, destiné à isoler les jihadistes et les priver de sanctuaire dans cette partie du Sahel.
Actuellement, seuls trois des 24 sites de cantonnement destinés à accueillir les combattants des groupes armés dans le cadre de la refonte de l’armée malienne sont prêts et ils sont toujours vides.
- 200 hommes pour les patrouilles mixtes -
La Commission technique de sécurité (CTS, mise en place par l’accord de paix) a approuvé de nouveaux sites lors de sa 8e réunion, jeudi et vendredi à Bamako, ayant notamment discuté du cantonnement, de "la détérioration de la sécurité au cours des dernières semaines" et des patrouilles mixtes entre autres sujets, selon un communiqué transmis à l’AFP par l’ONU samedi soir.
Ces patrouilles combinant forces de sécurité maliennes, Plateforme et CMA étaient censées intervenir dans les deux mois suivant l’accord mais une seule a eu lieu, en novembre 2015.
A la réunion de la CTS, il a été décidé d’établir une liste de près 200 personnes devant effectuer les prochaines patrouilles, à raison de 66 noms pour chaque partie. La liste doit être fournie "avant le 29 février", précise le communiqué.
Des retards encore plus importants ont été enregistrés dans les mesures de décentralisation prévues, le retour des réfugiés ou le redéploiement de l’administration malienne sur tout le territoire national.
Malgré la difficulté de la tâche, M. Annadif affirme vouloir rendre irréversible le processus de paix au Mali.
Il compte pour y parvenir "encourager" des rencontres "intercommunautaires" sur le terrain pour que "les populations se parlent", a-t-il indiqué, mettant ainsi le doigt sur une autre réalité d’un nord du Mali profondément fragmenté : la question tribale.
A cet égard, la crainte commune qu’inspirent les jihadistes à la CMA comme à la Plateforme pourrait favoriser une dissociation définitive entre groupes signataires de l’accord de paix et islamistes, en supprimant les passerelles existant entre les uns et les autres.
Le Touareg Iyad Ag Ghaly, chef du groupe jihadiste Ansar Dine et ses alliés d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) ont publiquement menacé les signataires de l’accord, avant de passer à l’acte.
Fin décembre, une attaque contre la CMA dans la région de Kidal a fait au moins six morts. Ansar Dine l’avait revendiquée, disant avoir frappé "des traîtres à la solde de la France".
sd-sst/cs/jr