D’entrée, je fais amende honorable de devoir désobliger quelques-uns de nos lecteurs, non-initiés, qui seraient amenés à s’arracher des cheveux de leur crâne déjà assez dégarni pour appréhender ce sigle si jamais ils le découvraient. GAFA : est-ce si nouveau que ça ? Je réserve ma réponse tout en affirmant que, à l’échelle de la nouvelle économie, celle qui a fleuri à partir de la Silicon Valley, l’acronyme GAFA est presque en passe de tomber dans le domaine.
Bon, abrégeons le supplice pour simplement annoncer que GAFA désigne les quatre seigneurs du web que sont Google, Apple, Facebook et Amazon. Spécificité, ils règnent en maîtres incontestés sur la nouvelle économie et ne daignent laissent des miettes à la concurrence que contraints et forcés. Comme vous pouvez l’imaginer aussi aisément, les GAFA traduisent l’insolence de la domination de l’économie américaine sur le monde. Selon le site frenchweb.fr, dans sa livraison du 09 février 2016, « la valorisation des GAFA a dépassé en 2015 les 1 306 milliards de dollars, et les 1 728 milliards en 2016 ; et que la valorisation de Google est supérieure à celle de Disney, Comcast, CBS et WPP réunis ».
Pour comprendre l’importance de cette capitalisation, le site Channelnews.fr suggère de la comparer à celle du CAC40 qui regroupe 40 très grandes entreprises françaises. Leur capitalisation est seulement de l’ordre de 1170 milliards d’euros, soit 1275 milliards de dollars. La comparaison est insoutenable et donne la mesure de la toute-puissance des GAFA dont l’expansion ne semble pas connaître de limites. En outre, les Seigneurs américains du numérique sont des petits malins ; en effet, ils trouvent des parades commerciales qui leur permettent de presque échapper au fisc.
C’est ce qui s’appelle faire de l’optimisation fiscale. En face, cela passe très mal ! L’Europe sort le très gros arsenal judiciaire pour contrer l’omnipotence des GAFA qui, semble-t-il, ont profité de failles législatives de l’Union Européenne pour occuper le terrain à partir de pays comme le Luxembourg ou les Pays-Bas. Au chapitre des sanctions, Apple pourrait se voir réclamer 8 milliards d’arriérés d’impôts en Europe, révèle Bloomberg.
La Commission européenne l’accuse d’utiliser ses filiales en Irlande pour éviter de payer des taxes sur ses activités en dehors des Etats-Unis. Google est aussi dans le viseur de l’Europe pour abus de position dominante. Selon Channelnews.fr, le géant américain s’est vu adresser une «communication de griefs» et pourrait être sanctionné d’une amende record de 6 milliards d’euros. Google est soupçonné d’avoir favorisé son propre comparateur de prix, Google Shopping, au détriment de ses concurrents, et de lui donner une place prépondérante dans les résultats de son moteur de recherche.
« Cela peut artificiellement faire dévier les internautes de comparateurs de prix rivaux et entraver leur capacité à concurrencer Google Shopping sur le marché », peut-on lire dans le communiqué de la Commission. Me Baptiste Robelin, avocat au Barreau de Paris et co-fondateur de Adopte un CTO, est très pointu sur ces questions. Son avis : « Si le combat est loin d’être gagné, on doit encourager et féliciter les premières réactions européennes. Ce n’est qu’à cette échelle qu’un encadrement efficace des débordements d’Internet et de l’économie du numérique peut exister ».
De son côté, la Chine est, elle-aussi, engagée dans une « Guerre de Cent Ans » pour au mieux éloigner les méchants, au pire les contenir dans une proportion qui n’inquiète ni son moteur de recherche Baidu, ni sa plateforme de e-Commerce Ali Baba, ni ses autres fleurons du numérique. Et nous autres africains, qu’avons-nous à dire dans cette guerre de titans ? Un proverbe pour illustrer notre toute-impuissance : « Quand des pachydermes se battent, l’herbe de la savane en fait frais ».
Serge de MERIDIO