Mahamat Saleh Annadif, le nouveau patron de la Minusma, est entré en fonction le 15 janvier. Au retour d'une tournée dans les régions du nord du Mali, le Tchadien nous a longuement reçu dans ses bureaux de Bamako pour faire le point sur la situation. Interview.
Jeune Afrique : Quel est votre principal chantier à la tête de la Minusma ?
Mahamat Saleh Annadif : La mise en œuvre intégrale de l’accord de paix. Le temps presse et le jour où nous mettrons en œuvre toutes ses dispositions, nous isolerons Ansar Eddine et Aqmi. Les terroristes ont pris en otage la population, donc libérons-la ! Elle vit dans la peur : si quelqu’un dénonce les terroristes, ceux-ci reviennent le tuer.
Quel était le but de votre tournée dans le nord du Mali, du 8 au 12 février ?
C’était pour comprendre de l’intérieur ce qu’est la Minusma, et j’en ai profité pour rencontrer les représentants des mouvements signataires de l’accord de paix. Je prépare en même temps la visite des membres du Conseil paix et sécurité de l’ONU, ici à Bamako, dans le courant de la première semaine du mois de mars. Il y aura une revue stratégique pour revoir le mandat de la Minusma.
Militez-vous pour une résolution plus robuste, c’est-à-dire offensive ?
La prochaine résolution s’inscrira dans la suite logique des mandats précédents, dans le cadre de la paix. La Minusma n’a pas besoin d’un mandat plus robuste pour faire son travail.
Un dispositif sera bientôt mis sur pied pour sécuriser Kidal
Lors de votre tournée, vous avez aussi rencontré les populations du Nord…
Ce qui m’a frappé, c’est le sous-développement de toutes les régions du nord. La population est dans une situation où elle attend tout. Et l’État n’étant pas tellement présent, les gens attendent beaucoup de la Minusma. J’ai vu qu’à travers nos projets à impact rapide, nous avons fait beaucoup de forages, construit beaucoup d’écoles, électrifié des centres de santé. Mais la population est prise entre deux feux et ne sait quoi faire. Les gens ne veulent pas quitter leurs terres et vivent dans des conditions assez difficiles.
Le lendemain de l’attaque du 12 février à Kidal, vous vous êtes rendu sur place…
Oui, j’ai profité de ma visite pour rencontrer les responsables des groupes armés de Kidal et leur faire comprendre qu’en l’absence d’administration malienne, il faudrait voir comment conjuguer nos efforts pour qu’une telle attaque ne se reproduise plus. Nous avons élaboré ensemble un dispositif qui sera bientôt mis sur pied pour sécuriser la ville.
La Minusma a lancé dans le ciel de Kidal un ballon pour surveiller les alentours de la ville, mais visiblement cela n’a pas empêché l’attaque du 12 février…
C’est un système d’observation qui envoie au sol des images en temps réel sur un rayon de cinq à six kilomètres. Le jour de l’attaque, les caméras ont bien détecté le camion qui a explosé dans le camp, mais sans en faire un cas particulier car c’était un camion comparable à tous ceux qui viennent chaque matin ramasser les ordures. Après l’explosion, le ballon a été touché et les caméras ont arrêté de fonctionner – elles n’ont été réparées que dans l’après-midi. Ce ballon nous a permis de déceler et de déjouer beaucoup de pièges, mais pas celui-là.
Où en est l’installation des autorités régionales de transition ?
On ne peut pas mettre en place les autorités intérimaires tant qu’on n’a pas modifié la Constitution malienne et le ministre des reformes de l’État, Mohamed Ag Arlaf, a déjà préparé le projet de réforme constitutionnelle pour permettre leur mise en place au niveau des régions et ce texte suit un processus législatif.
Quid des patrouilles mixtes (armée et ex-rebelles) censées ramener la sécurité dans les régions du nord ?
Aujourd’hui les régions sous occupation ou sous surveillance des mouvements armés sont plus en sécurité que les régions sous contrôle du gouvernement. Je viens de Tombouctou et même dans la ville, l’insécurité règne. Les mouvements armés doivent former des patrouilles mixtes. Elles nous permettront de savoir qui est pour la paix et qui ne l’est pas.