Par son obstination légendaire, le PARENA est en passe de réussir l’exploit d’imposer un débat national sur la question du dialogue avec le chef d’Ansar Eddine, Iyad Ag Ghaly, dans le cadre du processus de paix enclenché ; créant déjà une onde de choc au-delà de nos frontières. Ce qui laisse planer de réels doutes sur les motivations profondes de ce parti.
Aucune parade n’est plus permise : le débat sur l’opportunité de dialoguer avec Iyad Ag Ghaly est bien là. Faut-il oui ou non négocier avec lui pour la paix et la réconciliation nationale ? Telle est l’épineuse question à laquelle il faut trouver une réponse, dans un contexte sécuritaire où l’équation Iyad persiste.
Le Parti pour la renaissance nationale (PARENA) avait longtemps annoncé les couleurs par la voix de son président, Tiébilé DRAME, qui préconise d’explorer les pistes de dialogue avec ce chef djihadiste. Cette position, apparue comme une constante, est défendue par le Comité directeur. C’est à cet exercice de défense que s’est livré le secrétaire général du PARENA, PPR, il y a quelques jours, lors d’une conférence de presse au siège de son parti.
Argument massue
Les arguments développés par le parti du Bélier blanc sont loin d’être farfelus du point de vue de la logique rationnelle. Il considère qu’Iyad étant un Malien, tout djihadiste qu’il est, il est normal de lui tendre la main. Ce qui, du reste, a été le cas avec les rebelles qui ont été isolés des non-Maliens, au moment des négociations de Ouagadougou.
Un autre argument développé par PPR, est que les Américains donnent de fortes sommes d’argent aux responsables des talibans ; le Nigeria a changé de fusil d’épaule par rapport à Boko-haram qui refuse la main tendue du pouvoir, pour obtenir la paix. Ce qui renforce le parti dans sa conviction que le dialogue avec les djihadistes est une option sérieuse à explorer.
Le pouvoir a-t-il été envoûté par ce discours du Bélier blanc ? L’on ne saurait le dire. Mais le constat est que les lignes bougent à son niveau. Ce qui était tabou devient envisageable ; peut-être même souhaitable : dialoguer avec Iyad Ag Ghaly pour une sortie de crise. À cet effet, à la faveur de la conférence-débat de la caravane culturelle pour la paix tenue la semaine dernière au CICB, le ministre de la Réconciliation nationale, Zahabi Ould Sidi Mohamed, déclarait : « À titre privé, j’ai reçu les parents de Iyad et ils n’ont pas été en mesure de me fournir la moindre preuve et le moindre signe, même un communiqué, venant de lui pour dire qu’il veut s’inscrire sur la voie de la paix. Et s’il veut s’inscrire dans cette dynamique, qu’il fasse un communiqué ». Ces propos témoignent qu’au-delà de la bonne disposition du Gouvernement à accepter tous ceux qui veulent de la main tendue, il a pris des initiatives qui n’ont pas reçu d’écho favorable. Mais le Gouvernement ne peut pas aller au-delà de ce qu’il a fait. Il ne peut pas obliger Iyad à s’inscrire dans le processus de paix et de réconciliation. Cela, le PARENA devrait pouvoir le comprendre et arrêter de s’agiter comme un beau diable.
Des objections de tailles
Nonobstant une convergence de vue apparente entre le Gouvernement et un parti politique d’opposition, le PARENA, sur la question de l’ouverture du dialogue à des « djihadistes maliens » ; il n’en demeure pas moins qu’il existe des objections majeures.
La première est que ce qui est vrai ailleurs ne l’est pas forcément chez nous. Si dans d’autres pays, on a décidé de dialoguer avec des talibans, cela ne devrait pas nous être imposé. Ce d’autant plus qu’en dépit des efforts déployés par les pouvoirs concernés, la paix n’est jamais revenue dans lesdits pays (Afghanistan, Nigeria). L’échec du dialogue là-bas n’en fait donc pas un modèle pour nous.
La seconde objection est qu’il faut compter avec la personnalité complexe d’Iyad. Cet individu qui doit tout à l’État laïc du Mali qu’il a servi officiellement et officieusement veut aujourd’hui le transformer en État islamique, avec une application rigoureuse de la Charia. Tantôt chef rebelle, tantôt médiateur dans la libération d’otages étrangers, une posture qui lui a toujours permis de casser le sucre sur le dos de ses commanditaires, un moment, Consul du Mali à Djeddah, Iyad est un personnage énigmatique qui n’a jamais donné un gage de fiabilité. L’on ne retiendra de lui qu’un facteur d’instabilité.
Outre cette complexité, il faut souligner que Iyad Ag Ghaly n’a jamais reconnu l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali qu’il s’est d’ailleurs promis de combattre. S’il ne reconnaît pas l’Accord, il n’y a aucune base de discussion qui puisse exister avec lui. Ce qui revient à dire qu’avec lui le dialogue est impossible.
Manœuvre suspecte
Par ailleurs, il existe un autre obstacle de taille sur la voie d’un hypothétique dialogue avec le chef d’Ansar Eddine. C’est la position de la France. Le Premier ministre français, Manuel VALLS, se prononçant sur la récurrente menace terroriste qui est en train de mettre à mal les efforts de notre pays et des partenaires pour le retour de la paix et la sécurité, faisait savoir, à l’issue de sa visite chez nous : « Iyad Ag Ghali est un ennemi de la paix, c’est la cible numéro 2 de l’opération Barkhane juste derrière Mokhtar Belmokhtar ». M. VALLS justifie sa position en soutenant qu’il ne serait pas possible de négocier avec Iyad, 9 mois après la signature de l’Accord pour la paix et la réconciliation qui connaît des avancées dans sa mise en œuvre, sans trahir les mouvements armés signataires et « rallonger la liste des frustrées ».
Mais cela, le PARENA le savait déjà. Son président qui était le négociateur en chef, côté gouvernemental, sait que depuis Ouaga la France était opposée à l’association des djihadistes, en l’occurrence Iyad Ag Ghaly, au processus de paix et de réconciliation. Les propos de VALLS démontrent que sa vision n’a pas évolué ; même si d’autre part on lui reproche de ne pas s’activer particulièrement pour mettre hors d’état de nuire Iyad qui lui a ouvertement déclaré la guerre et qui continue de plus belle à semer la terreur.
Il est vrai que le Mali est un État souverain, qu’il peut décider avec qui dialoguer ou pas. Mais il est aussi indéniable que Paris a son mot à dire. Peut-il plus, sa loi à appliquer ; elle qui a stoppé l’avancée djihadiste vers le sud en janvier 2013. Dès lors, en faisant la promotion d’un dialogue aventureux avec les djihadistes, en particulier les djihadistes maliens (encore qu’ils n’ont ni nationalité ni territoire dont ils se réclament), le PARENA ne cherche-t-il pas à pousser les autorités à la faute et à créer un grave incident entre deux pays (le Mali et la France) ? Le doute est permis quant à ses motivations empreintes de cynisme.
Quant au Gouvernement, qui semble disposer à pactiser avec le diable Iyad Ag Ghaly, sa position laisse pantois.
Par Bertin DAKOUO