La colle du jour : Que devient le Mnla ? Réponse : l’éléphant de la rébellion de janvier 2012 n’a d’égal aujourd’hui qu’un géant au pied d’argile. Le Mouvement rebelle, qui avait réussi l’exploit rarissime de faire adhérer à sa cause une partie de la communauté internationale, notamment l’Europe, a fondu comme peau de chagrin, avec une aile politique cassée et clouée au sol et une branche militaire aux poudres mouillées. Résultat : le Mouvement national de libération de l’Azawad se résume actuellement à sa plus simple expression. Fini, alors, les illusions sécessionnistes et indépendantistes !
Le Mouvement national de libération de l’Azawad est né de la fusion du Mouvement national de l’Azawad (MNA, connu pour son pacifisme) et du Mouvement touareg du Nord Mali (Mtnm, un groupe armé). La réunion entre les deux groupes du 5 au 15 octobre 2011 a donné officiellement naissance au Mnla le 16 octobre 2011. Les fondateurs du nouveau mouvement entendaient jeter les bases d’une nouvelle organisation politique touarègue soucieuse de porter les revendications de tous les Touaregs de l’Azawad, avec au finish l’indépendance du territoire de l’Azawad.
Ibrahima Ag Bahanga, bras armé des deux dernières rébellions, intégré de l’armée malienne dont il a été un lieutenant avant de retourner l’arme contre elle, est considéré comme le fondateur du Mnla. Et pour cause, son cousin Mohamed Ag Najim (le chef d’état-major du Mnla) aurait créé le Mnla à sa mémoire quand Bahanga fut tué dans un accident de la route en juillet 2011 de retour de la Libye.
Etant à l’origine de la dernière rébellion, le Mnla en a récolté, au début et ce jusqu’à une date récente, toutes les primes, de popularité, d’écoute, d’adhésion à sa cause et de dividendes. Aujourd’hui, le Mouvement n’est que l’ombre de lui-même, au double plan politique et militaire.
L’apogée !
Le 17 janvier 2012, le Mnla prend l’initiative de l’insurrection touarègue au Nord du Mali, en frappant ce jour-là au cœur de Ménaka. Le 24 janvier 2012, le Mouvement revendique la boucherie d’Aguelhoc où un nombre jusque-là indéfini de soldats maliens furent égorgés, sans pitié.
En février 2012, le Mnla annonce, la formation d’un Conseil exécutif. Cette branche politique est dirigée par Bilal Ag Achérif (secrétaire général) et comprend : Mohamed Ag Tahado (président du conseil consultatif), Mahmoud Ag Ghali (président du bureau politique), Hamma Ag Sid’Ahmed (porte-parole chargé des relations extérieures), Mohamed Ag Najim (chef d’Etat-major), Moussa Ag Achar Touman (responsable des droits de l’homme), Bekay Ag Hamed (chargé de communication), Nina Wallet Intalou (chargée de l’éducation et de la formation). Plus tard, l’écrivain et acteur Moussa Ag Assarid adhère comme porte-parole.
Côté militaire, les principaux officiers du Mnla sont les colonels Bouna Ag Attiyoub, Machkanani Ag Balla, Assalat Ag Habi, Iba Ag Moussa, Mbarek Ag Akly, Al Ghabass Ag Hamed’Ahmed, Adghaymar Ag Alhousseynile, Intallah Ag Assayid.
Ainsi organisés, les insurgés prennent rapidement le contrôle de la région de Kidal ; puis certaines zones des régions de Gao et de Tombouctou. Quand le coup d’Etat intervient le 22 mars, la cadence s’accélère.
Le 31 mars 2012, ils entrent dans la ville de Gao, abandonnée par l’Etat. Le lendemain, 1er avril, Tombouctou tombe sous leur escarcelle.
Le 2 avril 2012, le bureau politique tente de rassurer les pays voisins du Mali en ces termes : « Nous rassurons les États voisins, les populations de la sous-région et la Communauté internationale que la libération de l’Azawad contribuera à renforcer la sécurité, le développement et la paix pour une meilleure intégration des peuples, des cultures et une meilleure stabilité dans la zone saharo-sahélienne ».
Après la prise des trois villes principales du Nord, le Mnla déclare un cessez-le-feu le 5 avril 2012, soit un jour avant la déclaration d’indépendance de l’Azawad, le 6 avril 2012. Dans l’euphorie, il se partage les trois régions avec le Mujao (basé à Tombouctou) et Aqmi et Ansardine (à Kidal). Mais, mal lui en prit de cette connexion avec les terroristes et djihadistes. Car, fin juin 2012, il n’est plus en position de force, et est chassé de ses territoires conquis par ces mouvements salafistes.
Cependant, le Mnla ne baisse pas les bras au plan international et gagne la guerre des médias contre l’Etat malien. Les responsables du Mouvement occupent tous les plateaux de télévisions occidentales et participent à toutes les grandes rencontres internationales pour faire entendre leur voix. Ils sont invités par des pays ou organismes européens. La sous-région ouest africaine, notamment la Mauritanie et le Burkina, est investie et infestée. Bénéficiant d’un lobby qualifié, les rebelles prennent le dessus à tous les niveaux sur l’Etat malien. En témoigne la manière dont ils ont trimballé le gouvernement malien durant tous les pourparlers inclusifs inter maliens jusqu’à la signature, par la CMA, de l’Accord de paix le 20 juin 2015. Ce jour-là, on a vu le président de la République, IBK, tout heureux de faire l’accolade à Mahamadou Djéri Maïga, vice-président du Mnla, et de partager le repas avec lui.
La chute !
Tels furent les beaux jours d’un Mnla qui aura fait plier l’Etat jusqu’à obtenir un Accord, de prime à bord, favorable. Mais, le Mouvement n’a nullement atteint son objectif : l’indépendance ou l’autodétermination de l’Azawad. Pire, le groupe rebelle semble quasiment en voie d’extinction, au fur et à mesure que ses alliés de la CMA (Hcua, Maa) prennent des ailes. Les preuves.
Aujourd’hui, la solide branche politique du Mnla, jadis soudée et active, est carrément disloquée et dispersée. Le conseil exécutif du Mnla est partagé entre mille et un lieux.
A Bamako, Mahamadou Djéri Maïga veille sur l’application de l’Accord. Avec lui, certains membres du Mouvement tentent de sauver ce qui reste des meubles.
Nina Wallet Intalou a trouvé refuge au sein de la Commission Justice, vérité et réconciliation.
Hamma Ag Mahmoud est « logé » en Mauritanie où il semble trouver l’eldorado, loin du vacarme de ses amis rebelles. A Nouakchott, l’ancien ministre de Moussa Traoré côtoie une autre ancienne ministre, en l’occurrence Zakiyatou Oualett Halatine, réfugiée depuis 2012.
Quant au secrétaire général, Bilal Ag Achérif, il est sans domicile fixe. Quasiment porté disparu, il ne participe à aucune activité de rang du Mnla. On ne l’aperçoit nulle part. Pourtant, il est vivant.
D’autres responsables du Mnla prendraient du bon air au Burkina, en Algérie et au Maroc.
Enfin, les derniers membres influents ( ?) du Mouvement sont basés en France, à l’image du propagandiste Moussa Ag Attaher. Mais là, il y a problème. Un groupuscule à l’intérieur du Mnla serait en rébellion. Ces va-t’en guerre rejettent la signature de l’Accord. Donc, brouillard à Paris. Ainsi, se résume l’existence politique du Grand Mnla.
Que dire de la branche militaire ? Elle est en lambeau. Si le mouvement revendiquait 1000 combattants en janvier 2012 dont 400 venus de la Libye, puis 10 000 six mois plus tard et 3000 il y a quelques mois, à la date d’aujourd’hui on compterait juste une poignée de combattants qui se réclament du Mnla. Et même ceux-ci sont confinés dans une zone de la ville de Kidal. C’est dire que militairement, le Mnla a disparu au profit des pointures comme le Gatia et le Hcua.
Sékou Tamboura