LE FORUM DE BAMAKO ÉDITION 2016 EST CLOS. La prochaine édition passera elle ausso comme la dizaine d’autres éditions avant elle. Faudrait- il alors s’en plaindre? Le Forum est désormais partie intégrante de l’identité du Mali. Bamako sur les agendas à un moment précis de l’année relève d’un bon marketing d’image. Qui plus est en ces moments poussifs, maintenir et réaliser l’événement avec une forte participation extérieure n’est pas un mince exploit. Ceci dit, le forum a encore du chemin à faire pour être le Davos africain que certains de ses habitués souhaitent qu’il soit. Son caractère annuel semble suffire au bonheur de ses organisateurs. Avoir de la visibilité reste un objectif pour tout le monde y compris pour des ministres qui peuvent même se satisfaire du statut de simples modérateurs, avec plus ou moins de fortune et avec force commentaires extra muros sur la brillance ou la pâleur de ceux qui nous gouvernent. A notre avis un pays ne doit pas se livrer aussi facilement. Mais tant pis, le monopole de la raison nous ne l’avons pas, pas plus que celui du patriotisme. Pour revenir à l’avantage relatif inexploité du Forum, il pourrait hélas mais ne le devrait pas, rester un rendez vous de plus. Il glisserait alors sur un continent qui a deux grands problèmes. L’ un est qu’il ne prend pas suffisamment de recul pour faire son introspection véritable, sincère, profonde et réparatrice. L’autre est qu’il ne se donne plus beaucoup de peine et laisse son développement être réfléchi par d’autres, tenu, comme nous le voyons symposium après forums, sous la dictée de l’extérieur, le plus souvent représenté par une « lumpen intelligentsia » que seul valide notre complexe natal vis à vis de l’occident en général.
LE FORUM PEUT POURTANT ÊTRE L’ALLIE DE L’AFRIQUE RÉELLE.
Est ce à dire qu’il existe une Afrique qui ne soit représentative des peuples de ce continent? Bien sûr. C’est cette Afrique cruelle, méprisante du martyr de nos nations humiliées que de plus en plus, la précarité et le désarroi privent de vertèbres. Une coterie qui écarte le plus souvent les rares intellectuels lucides comme Souleymane Bechir Diagne, Anthony Appiah et autres Achille Mbembe pour enrôler des technocrates obnubilés par la perdiemite quand ce ne sont pas des fonctionnaires ou dirigeants obsédés par leur seul confort. Un illuminé volubile peut fêter ses quatre vingt dix ans dans un pays ramené par sa faute à l’âge préindustriel et cela sur les hécatombes de la lutte de libération: il est applaudi. Un chef ubuesque sans conscience de la mission historique de son pays dans un continent en quête de leadership construit piscine et poulailler avec l’argent public: c’est un complot blanc. Des élections sont annoncées: tout le monde a gagné, personne n’a perdu et le sang coule. Le mandat constitutionnel est arrivé à terme: il faut déverrouiller et tenter de rester au pouvoir. Avions particuliers, voitures tout terrain hyper luxueuses contre des hôpitaux locaux décents ? Tant pis l’élite sera soignée à l’extérieur. Obama l’a dit: le Ghana et le Kenya avaient un Pib supérieur à celui de la Malaisie à leur indépendance. Les forums africains dont celui de Bamako ont leur place: celle d’être la bouche de l’Afrique volée, violée, riche mais sans horizon, jeune mais mourante.
Adam Thiam