Africable Télévision a reçu en début de cette année 2016, le président du parti SADI, Dr. Oumar Mariko, sur le plateau de l’émission «Politik», animée par le journaliste Sékou Tangara. Les échanges ont porté sur le parti SADI, la mise en œuvre de l’accord pour la paix et la réconciliation nationale et le récent réaménagement gouvernemental. Bref, sur la situation politique nationale. Nous vous proposons la transcription de l’intégralité de l’émission.
Comment se porte le parti SADI ?
Le parti SADI se porte très bien. Il continue d’ailleurs d’enregistrer des adhésions massives. Des élus communaux continuent d’adhérer au parti, de Tombouctou à Kénièba. Nos prises de position, rejetées, commencent à gagner dans l’opinion. Contrairement aux autres partis, l’adhésion se fait au SADI par la prise de la carte de militant qui coûte 500 Fcfa.
Expliquer la santé du parti par les adhésions ne me paraît pas très juste. Car, pendant que vous enregistrez des adhésions, d’autres ont claqué la porte à l’issue du 4ème Congrès ordinaire tenu à Sikasso. Ceux qui ont démissionné du parti vous accusent de ne pas aimer le débat contradictoire au sein du parti. En tant que grand contradicteur. Qu’en dites-vous ?
À Sikasso, nous avons exclu des gens du parti. Au total, une dizaine de personnes ont démissionné à partir de Sikasso, contre l’adhésion de plus de 4000 personnes. Ces chiffres sont vérifiables sur le fichier au niveau du parti. Je suis ouvert à la contradiction au sein du parti et au moment où ces gens démissionnaient, je n’étais pas encore président, mais plutôt le Secrétaire général. Pour ma part, je pense que les démissions constituent un phénomène normal dans l’évolution d’un parti. L’arbre, dans sa croissance, se débarrasse de certaines feuilles qu’un vent léger ou fort balayera.
Lors des assises de Sikasso, vous avez été porté à la tête du parti, en lieu et place de Cheick Oumar Sissoko. Quelle explication donnez-vous à cela ?
Effectivement, à Sikasso, j’ai été élu président du parti. Cela n’est point un désaveu pour Cheick Oumar Sissoko qui reste responsable du parti SADI. Il dirige l’équipe qui est chargée de l’élaboration du Projet de société et du programme politique du parti. Cheick Oumar avait demandé à partir de la tête du parti depuis longtemps, mais on l’avait retenu. Quand il a été élu comme Secrétaire général de la Fédération panafricaine des cinéastes, il est alors parti assumer cette charge. Cheick Oumar et moi, nous nous connaissons depuis 1972. Une grande complicité a marqué nos relations. Lorsque je me battais pour qu’il soit le Président du Mouvement SADI à la création, il se battait pour que je sois le Président. En République du Mali, le parti SADI est le seul parti dont le Président n’était pas le candidat du parti à l’élection présidentielle, mais le secrétaire général.
Quelle a été la position du parti SADI sur la tenue des élections communales, régionales et du District de Bamako plusieurs fois annoncées et reportées ?
Nous avons dit à l’époque qu’il faut travailler à créer les conditions pour la tenue de ces élections. Pour nous, le processus électoral doit s’inscrire dans la dynamique de paix, du retour des déplacés et des réfugiés qui doivent participer à l’élection des élus qui auront la destinée de leur localité.
Six mois après la signature de l’accord pour la paix, comment évaluez-vous sa mise en œuvre ?
Je pense qu’il faut instaurer le dialogue, le vrai entre les Maliens pour la résolution de la crise. C’est cet esprit de dialogue qui nous a poussés à faire le voyage de Niafunké et Kidal pour amener les autorités à enclencher le dialogue.
Parlons de ce fameux voyage sur Niafounké, était-il séant de faire cette mission sans l’aval des autorités ?
Avant mon départ pour cette mission, j’ai expliqué le projet à l’époque au Capitaine Amadou Aya Sanogo. Bombardé Général ! Cela est une expression de Serge Daniel. Diouncounda Traoré a été bombardé Président de la Transition, Cheick Modibo Diarra a été bombardé aussi Premier ministre avec pleins pouvoirs. Le Capitaine Amadou Aya Sanogo m’a donné un ordre de mission officiel. Dans cet ordre d’idée, à mon retour, j’ai rendu compte et au Capitaine Sanogo et au Premier ministre Cheick Modibo Diarra. En partance, j’ai aussi échangé avec le chef du commandement opérationnel à Mopti. Si j’avais des intentions malveillantes, les militaires m’auraient éliminé en cours de chemin.
SADI a habitué les Maliens aux interpellations à l’Assemblée nationale du Mali. À l’issue du récent remaniement ministériel, certains ministres interpellés dont Dr Bocary Tréta et le Général Sada Samaké ont été éjectés du gouvernement. Est-ce une victoire politique pour le parti SADI ?
Je pense qu’il n’y a pas lieu de se réjouir sur la question. Nous ne sommes pas contre des individus mais des politiques. Sada Samaké est parti, mais le problème de carte d’identité est encore d’actualité. À Sikasso, l’autre jour, je me suis rendu compte que des citoyens continuent de passer toute la nuit dans le commissariat pour avoir la carte d’identité. Je me demande si les ministres sortants sont partis à cause de nos interpellations, car si c’était cela, l’actuel ministre de la Défense serait aussi parti, car sa société ASAM Mali SA crée de la misère, de la désolation pour le peuple et de la richesse pour lui et ses acolytes. Concernant le passeport, le président de la République a annoncé publiquement que plus 101. 000 passeports ont été confectionnés en l’espace d’un temps réduit, ce qui fait cinq milliards de FCFA pour l’Etat malien. Mais au-delà, nous voulons que l’opérateur canadien continue de confectionner ces passeports en attendant que notre pays lui-même se prépare à confectionner nos passeports par nous-mêmes. Car, c’est une question de souveraineté nationale.
En tant que membre de la majorité présidentielle, nous sommes étonnés de ne pas voir un militant du parti SADI dans le gouvernement. Qu’avez-vous à dire sur le sujet ?
C’est le troisième remaniement et nous n’avons jamais été consultés. Si on avait été consulté, on serait parti avec notre ton, nos idées et notre style de travail. Ceci étant, vous comprendrez que le président de la République défie le peuple malien sur deux points. Premièrement : les Maliens l’ont investi de leur confiance pour qu’il puisse opérer la rupture avec l’ordre qu’il a contribué à établir depuis 1992. Mais de par ses nominations, et ses actions, il défie les Maliens en s’entourant de ministres, de conseillers qui ont été sanctionnés par les Maliens à l’élection législative de 2013. Je fais allusion à ses présidents de partis qui inondent son gouvernement. À l’exception notoire du RPM, de l’ADEMA, et de l’URD, aucun de ces partis ne devance SADI à l’Assemblée Nationale par le nombre de siège. Deuxièmement : il défie son peuple en s’aplatissant devant la communauté internationale qui ne lui était pas favorable au moment des campagnes.
Êtes-vous de la majorité présidentielle ?
Au second tour de l’élection présidentielle, nous avons appelé à voter pour le candidat Ibrahim Boubacar Keita contre les forces qui ont appelé à l’embargo contre notre pays. Après son élection, le RPM nous a écrit pour nous demander de signer un document intitulé Convention de la Majorité Présidentielle (CMP) qui vise à mobiliser tous les partis de la majorité derrière le Président IBK. Nous avons proposé une plateforme politique, car nous avons un programme politique diffèrent de celui du RPM. On ne nous a pas écoutés et nous n’avons pas signé la convention pour la majorité présidentielle. Si être de la majorité, c’est être signataire de la Convention de la Majorité Présidentielle, alors, nous ne sommes pas membre. Bref, nous sommes un soutien au pouvoir.
Le 26 mars prochain, le Mali célèbrera les 25 ans de sa démocratie. Quel regard avez-vous sur les 25 ans de notre expérience démocratique ?
Mon regard comme toujours est tourné vers les martyrs de la répression sauvage du 26 mars 1991. Par notre combat, plus de 221 personnes ont payé de leur vie pour l’avènement de la démocratie dans notre pays. À part le multipartisme et la liberté d’expression, le tableau est sombre. C’est la raison pour laquelle, nous nous continuons d’être des éternels insatisfaits, et à nous battre pour un ordre nouveau, une quatrième République fondée sur les valeurs de justice, d’intégrité et en rupture totale avec la mauvaise gouvernance, la mauvaise distribution de la justice, le déni de droit en cours dans le pays.
Vous êtes un grand défenseur de la liberté d’expression. Et quand il y a eu une entrave à cette liberté d’expression contre celui que IBK a taxé de «Petit Monsieur», un de vos camarades de longue date, comment se fait-il que vous n’avez pas soufflé un mot ?
Les radios Kayira ont été brûlées et incendiées et personne n’en a dit mot. Le petit monsieur trouve que c’est bien fait. Le seul crédit qu’il reconnaît à Ibrahim Boubacar KEITA c’est l’arrestation des anciens du CNRDRE. J’ai dénoncé par principe partout où je suis passé, que ce n’est pas l’expression «petit monsieur» qui est déplorable, mais la tentative de l’empêcher de s’exprimer sur la gestion des affaires publiques. Je n’en ai pas fait un évènement particulier.
Quel est votre mot de la fin pour conclure ?
Je lance un vibrant appel à tous les Maliens, aux militants et sympathisants du parti SADI, à s’organiser et à poursuivre leur dynamique d’adhésion pour qu’on puisse offrir une alternative crédible aux Maliens.
Assane KONE