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CPI: l’accusation en quête d’un procès pour la destruction de Tombouctou
Publié le dimanche 28 fevrier 2016  |  AFP
Ahmad
© AFP par ROBIN VAN LONKHUIJSEN
Ahmad Al Faqi Al Mahdi
Ahmad Al Faqi Al Mahdi, transféré dans la nuit de vendredi à samedi au centre de détention de la CPI à La Haye




La Haye, 28 fév 2016, L’accusation tentera dès mardi, dans une affaire inédite, de convaincre la Cour pénale internationale de mener un procès contre un chef touareg malien présumé lié à Al-Qaïda soupçonné d’avoir orchestré la destruction de mausolées à Tombouctou en 2012.

Ahmad Al Faqi Al Mahdi est de fait le premier jihadiste écroué par la CPI, le premier suspect arrêté dans l’enquête de la Cour sur les violences de 2012-2013 au Mali et le premier poursuivi par la CPI pour destructions d’édifices religieux et monuments historiques.

Lors de l’audience dite de confirmation des charges, prévue mardi et mercredi, le procureur arguera que son dossier contre M. Al Faqi, âgé d’environ 40 ans, est assez solide pour justifier un procès.

Fondée entre le XIe et le XIIe siècles par des tribus touareg et inscrite au patrimoine mondial de l’humanité, Tombouctou a été un grand centre intellectuel de l’islam et une ancienne cité marchande prospère des caravanes. La "cité des 333 saints" a connu son apogée au XVe siècle.

La destruction en 2012 de quatorze mausolées de saints musulmans par le groupe jihadiste malien Ansar Dine au nom de la lutte contre "l’idolâtrie" avait dès lors provoqué l’indignation à travers le monde.

Selon le mandat d’arrêt émis contre M. Al Faqi, ce dernier est responsable de crimes de guerre.

En tant que chef présumé de la "Hesbah", la brigade des moeurs, que M. Al Faqi aurait dirigé et participé personnellement aux attaques contre neuf mausolées et une des plus importantes mosquées de la ville, Sidi Yahia, entre le 30 juin et le 10 juillet 2012 selon la même source.

- ’Détruire une civilisation’ -

"C’est une affaire extrêmement forte", assure à l’AFP Stephen Rapp, ancien diplomate américain spécialiste des questions de crimes de guerre.

"La destruction d’objets religieux, culturels ou historiques, ainsi que du patrimoine, est une autre manière de détruire une civilisation, une religion, le genre de choses sur lesquelles une société est basée", ajoute-t-il.

Tombouctou était "un centre de la civilisation alors que l’Europe, au même moment, était au beau milieu d’un âge sombre", selon M. Rapp, qui travaille désormais pour l’Institut de La Haye pour la Justice à travers le monde.

Des ONG craignent toutefois que justice ne soit jamais rendue pour de nombreuses victimes des crimes commis en 2012 et 2013 au Mali et appellent la CPI à élargir les charges contre M. Al Faqi pour inclure des viols et mariages forcés, notamment.

"Nous pensons bien sûr que la destruction d’objets culturels et de patrimoine est un crime de guerre", souligne Carrie Comer, représentante de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH) auprès de la CPI.

"Mais c’est difficile pour nous qui travaillons avec des victimes au Mali, parce que la destruction de biens culturels n’est pas la seule chose dont cet homme a été accusé", ajoute-t-elle, évoquant des "allégations crédibles" portées contre 15 personnes, dont M. Al Faqi, devant des tribunaux maliens.

Selon l’accusation, M. Al Mahdi était un des chefs d’Ansar Dine, un groupe islamiste radical associé à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Contre toute attente, il avait été transféré à la CPI en septembre par le Niger, voisin du Mali.

- Servir d’exemple -

La CPI avait ouvert en 2013 une enquête sur les exactions commises au Mali par les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda. Ils avaient pris le contrôle du nord du Mali en mars-avril 2012, après la déroute de l’armée face à une rébellion à dominante touareg.

Ces jihadistes ont été en grande partie chassés suite au lancement en janvier 2013, à l’initiative de la France, d’une intervention militaire internationale. Mais des zones entières du pays échappent encore au contrôle des forces maliennes et étrangères.

L’Unesco a depuis restauré les 14 mausolées détruits à Tombouctou, qui se trouve à quelque 1.000 kilomètres au nord-est de la capitale Bamako.

Selon Stephen Rapp, l’affaire menée par la CPI contre M. Al Faqi pourrait servir d’exemple, notamment auprès des juridictions nationales, au moment ou le monde constate avec indignation la destruction de trésors culturels par le groupe Etat islamique en Syrie et en Irak.

jkb/ndy/mf
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