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Entretien avec le leader de la communauté bellah du Mali : « L’état malien ne respecte que ceux qui ont pris les armes »
Publié le mardi 1 mars 2016  |  Le Procès Verbal
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© aBamako.com par Momo
Marche de la Comode
Bamako, le 03 octobre 2015 la Comade a marché pour dénoncer la partialité de la Minusma et Barkhane




Dans l’interview qu’il nous accorde, Sbeyti Ag Akado, président de l’Association Malienne pour la Sauvegarde de la Culture Bellah retrace l’histoire des Bellah et décrit leur statut sociologique au nord. Il met en garde contre le traitement inégalitaire que l’Etat réserve aux différents acteurs de la crise.

Pourriez-vous vous présentez à nos lecteurs ?

Je suis Sbeyti Ag Akado, président de l’Association Malienne pour la Sauvegarde de la Culture Bellah et des mouvements d’autodéfense »Bouctou-Protection ».

Que signifie vraiment le terme « Bellah » ?

Le terme « Bellah » est une appellation que les Arabes ont donnée à tous les peuples noirs de la bande sahélo-saharienne. Ces Noirs étaient pour la plupart des paysans. L’Arabe a appelé le paysan »Fellah » dont le mot « Bellah » est une déformation. Ces peuples noirs ont peu à peu reflué au sud avec l’assèchement du Sahara. Une partie d’entre eux se sont retrouvés en contact avec des peuples blancs venus du Yémen, d’Israël et d’Europe, et qu’on a appelés les Arabo-berbères. Des relations de coexistence, on est passé à des relations de domination. Ainsi, tous ceux qui sont entrés en contact direct avec les Arabo-berbères ont gardé la dénomination de « Fellah » ou »Bellah ». Historiquement, les « Bellah » constituent des communautés de Noirs qui ont une langue commune: le Tamashek, une langue appelée au Niger « la langue des Bellah ». Au Niger, on ne connaît pas le Tamashek, mais le « Bellah ». Si vous êtes de peau blanche, on vous y appelle « Bellah blanc » (en songhoi: « BellaTjirèye ») alors que si vous êtes noir, vous êtes appelé « Bellah » tout court. C’est au Mali que le terme de « langue tamashek » est utilisé, parce que les peuples noirs du Mali connaissent moins bien que les Nigériens l’histoire des sociétés de la bande située entre le Niger, le Mali, le Tchad. Au Mali, on croit que le terme « Bellah » vise les esclaves des Touaregs. C’est vrai que le Touareg a esclavagisé les Bellah, les Songhaïs, les Mossis, les Bambaras, les Senoufos, les Dogons, etc. Tous ces peuples noirs ont connu une certaine forme d’esclavage, tantôt à travers des raps effectués par les Touaregs, tantôt à travers des caravanes des vendeurs d’esclaves qui s’organisaient au sud du Sahara pour aller au Nord. Finalement, tous ceux qui sont devenus esclaves des Touaregs ont été appelés « Bellah ». Mais dans le sens le plus correct du terme, les « Bellah » sont une communauté qui a sa langue (le tamasheq, un mélange d’arabe et d’autres langues). Un Tunisien (j’oublie son nom) a écrit il y a 400 ans un ouvrage qui retrace l’histoire des Bellah. L’auteur pense qu’ils sont originaires de la bande située autour de la Mer Rouge (la Nubie, entre l’Egypte et le Soudan) et ont constitué des tribus puissantes. Ces tribus auraient été envahies par les Arabo-berbères qui finiront par les disloquer et leur ôter leur langue pour en faire la langue des autres.

Que représente numériquement la communauté Bellah au Nord?

Si vous prenez les régions de Gao, de Tombouctou et de Kidal, les Songhoïs y sont majoritaires, suivis par les Bellah. La communauté Bellah est la deuxième communauté en nombre dans les 3 régions du nord, dévançant de loin les autres communautés. Aujourd’hui, comme les Bellah sont stigmatisés par les autres communautés qui voient en eux des esclaves des Touaregs, beaucoup de Bellah, pour fuir les méfaits de ces clichés, prennent les patronymes de Touré, Maïga, Cissé, etc. Donc, si l’on faisait la part réelle des choses, en y incluant ceux qui ont changé de patronymes, la communauté Bellah pourrait se retrouver majoritaire par rapport à la communauté Songhoï.

La communauté Bellah est-elle impliquée dans la recherche de la paix au Nord?

La communauté Bellah constitue le socle social du Nord. Il n’y a pas un hameau ni un village où vous ne retrouverez pas de Bellah. Notre communauté subit plus que les autres les affres de la crise; elle prend part à différents mouvements armés (MNLA, HCHUA, Plateforme). Parmi les groupes d’autodéfense, 4 sont animés par des Bellal: le mouvement »Bouctou » que je préside; le mouvement »MBGM » présidé par Moussa Inta Zoumey; le mouvement »FACO » de l’ex-député Mohamed El-Mouloud Ag Ahamada, et le »MPFR 2 » animé par l’ex-gendarme Efad Akola. Tous ces mouvements armés ont du monde derrière eux, mais malheureusement ils ne se sentent pas suffisamment impliqués dans le processus de paix en termes de représentativité, de responsabilisation et de centre d’intérêt pour les autorités. Les autorités maliennes sont les mieux à même de comprendre qu’au nord, il y a des communautés avant qu’il n’y ait des groupes armés et que tous les groupes armés sont animés, d’une manière ou d’une autre, par des responsables des communautés. Tout le monde sait que le MNLA est animé par des Touaregs, le MAA par des Arabes, et le Ganda Koï par des Sonrhaïs. En conséquence, pour jeter les jalons d’une vraie réconciliation, il faut absolument que tous ces mouvements soient pris en compte et que dans la mise en œuvre et le suivi des accords, tous les actes posés associent toutes les communautés. J’ai le regret de vous dire que dans le Comité de Suivi censé être l’organe principal des accords, il n’y a pas de Bellah. Sur les 22 membres qui y représentent les groupes armés, il n’y a qu’un Bellah: Mohamed El-Mouloud. Et encore, il fait office de suppléant; il n’est même pas membre titulaire ! Il n’y a aucun Bellah dans les commissions ni dans les autres organes du Comité ! Or, de nos jours, la force de frappe du GATIA et d’autres groupes armés est à majorité constituée par de Bellah alors qu’au moment des discussions sur la paix, ils sont exclus pour la bonne raison que dans ce pays, on a pris l’habitude de ne regarder que du côté de trois communautés au nord: les Songhoïs, les Arabes et les Touaregs. Nos autorités agissent ainsi car elles savent que les Touaregs ont une grande capacité de nuisance. Les Songhoï, quant à eux, s’imposent par leur nombre. Les autorités oublient sur cette grande communauté laborieuse qu’est la communauté Bellah qui, pourtant, est au début, au milieu et à la fin de tout processus de développement au nord.

Vous semblez très amer au sujet du sort des Bellah…

Cette communauté est marginalisée à la fois par les communautés avec lesquelles elle vit et par les autorités qui sont censées diriger pourtant un Etat de droit et d’égalité.

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