Trois mois après l'attentat contre le Radisson Blu Hotel, la tenue récente du Forum de Bamako est « une grande victoire sur le terrorisme ». Un homme est à la manœuvre : Abdoullah Coulibaly, chargé désormais par le président malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK) d'organiser le Sommet Afrique-France de... Bamako, en janvier 2017.
C'est un homme discret, fuyant en général le devant de la scène, mais terriblement efficace en coulisses lors des grands rendez-vous, grâce à ses relations et à son carnet d'adresses. Fondateur du Forum de Bamako, qui vient de tenir dans la capitale malienne sa XVIe édition sur le thème « L'Afrique entre chaos et émergence », Abdoullah Coulibaly fait partie de ces grands commis de l'Etat dont l'unique passion semble être de servir leur pays en recherchant des solutions innovantes afin d'accélérer les étapes de son développement, et à améliorer ainsi la vie quotidienne de ses compatriotes. Un homme influent et pragmatique.
Nommé coordinateur national du Comité d'organisation du prochain Sommet Afrique-France, qui se tiendra en janvier 2017 à Bamako, Abdoullah Coulibaly a l'oreille et la confiance du président malien Ibrahim Boubacar Keita (IBK), qui lui a confié à l'automne dernier cette lourde mission. Avec une obligation de résultat : que le Sommet - qui réunira à Bamako autour de François Hollande tous les chefs d'Etat du Continent noir, quatre ans près le début de l'opération Serval, le 11 janvier 2013 - se déroule le mieux possible. Et soit ainsi la preuve tangible que le Mali a définitivement tourné la page du terrorisme djihadiste et s'est engagé résolument sur la voie de la stabilité politique et du développement économique. Un véritable challenge qui est encore loin d'être gagné, tant les défis financiers, logistiques et sécuritaires à relever sont impressionnants.
« C'est comme une répétition générale »
« J'ai accepté cette charge car je n'ai aucune ambition politique, mais toujours l'envie de faire le maximum pour mon pays », confie Abdoullah, heureux de cette nouvelle tâche où il peut se rendre utile. Et comme l'homme - qui rêvait secrètement de prendre une retraite bien méritée et de s'occuper enfin de ses petits-enfants - ne manque pas de ressources, d'entregent et d'imagination, il a fait cette année de son Forum (devenu le rendez-vous incontournable de tous ceux qui veulent voir l'Afrique se prendre en main et s'en sortir), la « répétition générale » du prochain Sommet Afrique-France, dont on lui a confié l'organisation.
Abdoullah Coulibaly, comme Coumba Traoré, la Secrétaire générale du Forum, leurs adjoints et toute leur équipe, ont donc profité du XVIe Forum de Bamako (ouvert le 18 février par le Premier ministre malien Modibo Keita) pour recenser tous les dysfonctionnements et lister tout ce qui ne va pas ou peut être amélioré d'ici à janvier prochain. Et cela dans les moindres détails : de l'accueil des délégations officielles à l'aéroport jusqu'à l'enregistrement électronique des accréditations et à la confection de badges à puce sécurisés, en passant par l'hébergement dans les hôtels à la signalétique de la salle de conférence, de l'organisation du dîner de gala à la sécurité de l'ensemble du Sommet, avec la mise en place de nombreux portiques de sécurité.
Le pari gagné de la sécurité
Et ce mot de « sécurité » n'est pas un vain mot puisque ce Forum se déroulait trois mois jour pour jour après le sanglant attentat de Bamako, qui fit le 20 novembre dernier plus d'une vingtaine de morts et des dizaines de blessés au sein de l'Hôtel Radisson Blu !
Pari gagné, puisque le Forum s'est déroulé en parfaite sécurité et que les débats y ont été fructueux et animés. Cadre privilégié, où se rencontrent ministres, diplomates, généraux, hommes d'affaires et décideurs du monde économique, chercheurs, experts et journalistes, cette XVIe édition a réuni cette année plus de 450 participants, dont un certain nombre de personnalités de premier plan donnant un intérêt d'autant plus grand aux différents panels consacrés aux migrations, au développement et à l'intégration africaine.
Citons notamment l'ancien Premier ministre de Guinée, Kabiné Komara, soulignant dans une intervention aussi brillante qu'étayée que « l'eau est devenue une arme de guerre », l'actuel chef de la diplomatie malienne Abdoulaye Diop, les anciens ministres espagnol et sénégalais des Affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos et Cheikh Tidiane Gadio, aujourd'hui président de l'IPS (Institut panafricain de stratégie), ou Mahamane Baby, le ministre malien de l'Emploi, de la Formation professionnelle et de la Jeunesse.
Citons encore Alain Holleville, ambassadeur de l'Union européenne au Mali après l'avoir été au Burkina Faso, qui a assisté à tous les travaux du Forum, le Professeur Alioune Sall, directeur de l'Institut des futurs africains, auquel on doit en grande partie la richesse du programme de cette XVIe édition, et Jean-Louis Guigou, président-fondateur de l'IPEMED (Institut de Prospective Economique du Monde Méditerranéen, à Paris), qui a longuement été reçu par le président IBK, auquel il a présenté le concept de sa nouvelle fondation en gestation, l'AME : pour Afrique-Méditerrannée-Europe. Un nouveau cercle de réflexion pour redonner une vision de long terme à l'Afrique, accroître le dialogue et développer des projets communs entre les deux rives de la Méditerranée.
« Il n'y a rien de pire qu'une jeunesse désoeuvrée »
« La bonne tenue de ce Forum, dans le contexte actuel, constitue déjà une grande victoire sur le terrorisme qui voulait nous faire plier l'échine et déserter le combat », observe Abdoullah Coulibaly, en se félicitant que tous les amis du Mali aient été au rendez-vous de Bamako. Avant d'ajouter : « Refaire du Mali, qui est un pays magnifique, une destination touristique, c'est aussi le message de ce Forum ». Tant il est vrai qu'« il n'y a pas de développement sans sécurité et pas de sécurité sans développement ». Tous les Maliens en ont désormais bien conscience.
D'où l'idée originale et novatrice d'impliquer la population dans la préparation du prochain Sommet, en y associant au maximum les jeunes Maliens, afin qu'ils s'approprient l'événement. « Il n'y a rien de pire qu'une jeunesse désoeuvrée », souligne Abdoullah Coulibaly en nous annonçant que 3 000 jeunes vont être recrutés et mis à contribution (contre rémunération) pendant six mois pour nettoyer en brigades la capitale et la débarrasser de tous ses déchets (carcasses de vieilles voitures, chantiers abandonnés, sacs plastiques, etc.) et donner ainsi un nouveau visage de Bamako.
« En organisant également un grand concours des villes et communes les plus propres, nous ferons baisser la tension sociale et transformerons ces jeunes et ces femmes en acteurs du développement et de la paix, pour qu'ils soient fiers de leur pays », affirme-t-il. Un beau programme pour leur donner une chance de réussite supplémentaire et que le Sommet de Bamako ne soit pas sans lendemain, mais commence au contraire à transformer le pays et leur vie au quotidien.