Fortement critiqués pour la lenteur observée dans la mise en œuvre de l’Accord, gouvernement et groupes armés veulent à présent donner un coup de fouet au processus.
Un pas supplémentaire vient d’être franchi vers le retour de la paix au Mali. Du moins à en juger par les conclusions qui ont sanctionné la rencontre quadripartite de la semaine dernière – gouvernement, plateforme, CMA, médiation. Signe que l’on est en en passe de rompre avec l’immobilisme de ces derniers mois, le Premier ministre, à d’une importante délégation, est attendu le 15 mars prochain à Kidal.
Où Modibo Keïta prendra part à un important forum. Avec l’espoir que le drapeau malien va claquer au vent de Kidal à nouveau, en remplacement de l’obscur étendard du Mouvement national de libération de l’Awazad (MNLA). Doublé du vœu ardent de voir le retour l’administration malienne, notamment du gouverneur qui retourne son pouce à Gao et piaffe d’impatience de retrouver ses administrés.
La visite du Premier ministre sera une grande première certes. D’autant plus jusque-là les membres du gouvernement malien y sont déclarés persona grata. On se rappelle de la rentrée scolaire, décidée à la six-quatre-deux et qui visait à taper dans l’œil les partenaires réunis à Paris afin de déclencher leur adhésion au programme sensé hâter le développement du Septentrion malien. Peine perdue. Kidal n’avait pas le même agenda que Bamako.
La duperie battait son plein : duperie de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA) qui laissait croire qu’elle est dupée, duperie du gouvernement qui veut duper l’opinion publique. «Je te mens, tu me mens, nous nous mentons, parfait !». En route pour des lendemains qui chantent via le pipe-dé. Mieux vaut se mirer dans les yeux de la CMA que dans les couperets des guillotines de la rencontre avec les partenaires au développement réunis dans la capitale française aux fins de lever des fonds dédiés à une panoplie de projets en faveur des régions Nord du Mali. On rivalise déjà les « je ne suis pas coupable », les « je n’ai pas voulu cela », bref, les protestations d’innocence.
La duperie avait trop duré
En vérité, les groupes armés ont la terreur d’avoir les pieds et les mains sales. Plus singulièrement la CMA qui ne va pas jusqu’au bout d’elle-même, de sa pensée, de sa volonté. Elle reste en chemin. Elle laisse transpirer de son propos que l’important est de ne pas attirer sur soi le mauvais œil des populations de la région de Kidal. Or, ce serait une lapalissade de dire qu’au Mali n’importe qui peut mobiliser pour n’importe qu’elle cause, pourvu d’avoir une surface financière acceptable.
En fait, les Kidalois sont travaillés en permanence au corps à l’idée que le gouvernement est la réincarnation du diable : un être malfaisant qui guette la moindre occasion pour administrer des coups d’épingle à répétition.
En face, aucun responsable de la CMA pour mettre fin à ce bourrage de crâne, à une flagrante contradiction. On ne peut disposer du beurre et l’argent du beurre. Kidal guigne la remise en service de la centrale thermique, la réouverture des classes fermées depuis quatre ans mais rejette la présence du ministre de l’Education Barthélemy Togo. En somme, Kidal a un paquet de services sociaux de base à réactiver, notamment l’adduction en eau potable qui constitue un des principaux freins au retour des réfugiés.
Cependant, la satisfaction de l’ensemble des doléances citées ci-haut nécessite le concours de l’Etat. Une équipe technique dépêchée sur les lieux avait recensé les besoins en vue d’y apporter des solutions idoines. Sans coup férir, puisque de l’accueil réservé à la délégation nationale dépendait une normalisation quoique progressive. Mais les espoirs sont rapidement douchés avec l’opposition à la visite du ministre Togo. Avec lui s’effondre momentanément le cachet particulier que les autorités ont voulu donner à l’événement.
La communauté internationale presse Bamako
Gouvernement et groupes armés du Septentrion malien ont réussi à rouler dans la farine la communauté internationale. Qui a retenu la bonne foi des parties prenantes de l’Accord d’Alger en dépit du blocage actuel constaté et la recrudescence des attaques imputées aux islamistes armés. Cependant, en ce monde blasé trop de vérités essentielles passent sous silence. L’étrange situation de ni guerre ni paix semblait arranger les parties.
Faute d’équipement adéquat et de ressources financières, les Forces armées maliennes ne sont nullement en mesure de se redéployer sur un territoire plus vaste que la France. Et faire perdre beaucoup de plumes aux jihadistes. Lancer de nos jours des opérations de ratissage et détruire les infrastructures terroristes, notamment les dépôts de carburant, de munitions et les camps d’entraînement font appel à des interventions aériennes avec des appuis au sol, or nos Forces armées ne disposent point d’aéronef.
En vérité, le Septentrion malien continue d’éternuer assorti du risque majeur d’enrhumer toute l’Afrique de l’Ouest. En témoignent la double attaque de l’hôtel Splendide et du restaurant Cappuccino à Ouagadougou dont les auteurs sont venus du nord-Mali, d’après les résultats d’enquête rendus publics.
Les groupes armés traînent également des pieds. Puisque la mise en œuvre de l’Accord sonne plutôt la fin des rançons du trafic de drogue, d’armes et de marchandises diverses, notamment la cigarette, dans les zones qu’ils contrôlent. Ou bien la fin des intermédiations contre rétribution dans la libération des otages occidentaux qu’ils ont d’ailleurs venus pour l’essentiel à AQMI. En définitive, à moins de poser un pistolet sur leur tempe, ils ne vont pas d’eux-mêmes au programme désarmement, démobilisation et réinsertion(DDR).
Le statut quo n’était plus acceptable. La communauté internationale est enfin sortie de son lourd silence, en demandant aux parties d’avancer dans le processus de paix. Pierre Buyoya, le représentant l’Union Africaine, la Mission de l’ONU au Mali ont évoqué le sujet avec le président Ibrahim Boubacar Keïta. Tous ont hâte d’en finir avec la crise et de commencer à plier bagage après la tenue des élections communales, régionales et du District. N’a-t-on pas dit que la Mission de l’ONU au Mali est la plus couteuse en vies humaines ?
Georges François Traoré