MOPTI (Mali) - Après le vent de panique qui a soufflé sur la ville le 10 janvier, quand les jihadistes ont approché à une ciquantaine de kilomètres, Mopti (centre du Mali), respire et remercie la
France pour son intervention.
Dans ce haut-lieu du tourisme malien - environ 120.000 habitants à 630 km au nord-est de Bamako - les banques, qui craignaient d`être comme de coutume les premières cibles des islamistes armés, restent fermées, mais les administrations sont ouvertes et le trafic dans les rues et sur le fleuve Niger est intense.
Quand Konna, à environ 50 km au nord-est de Mopti, est tombée aux mains des islamistes le 10 janvier, déclenchant le lendemain l`intervention de l`armée française au Mali, "c`était la panique ici", confie à l`AFP un hôtelier chrétien qui ne tient pas à révéler son identité. "Tous ceux qui avaient une voiture, de l`argent sont partis. Il n`y avait plus une goutte d`essence dans les stations-service, des embouteillages sur la route de Bamako".
L`hôtel dont il est le gérant, sur la rive du fleuve, employait 40
personnes. Il est désert depuis un an, toutes les clefs au tableau, 30
employés licenciés.
"Moi j`avais très peur, car ces barbus n`aiment pas les chrétiens", dit-il. "Mais je suis resté. J`ai couru la ville pour enlever tous les panneaux indiquant la direction de l`hôtel. Je ne les ai pas encore replacés. On sait que quand ils arrivent ils attaquent les bars, les restaurants, les hôtels. Ils sont très méchants".
Idrissa Diakité, 32 ans, était trop pauvre pour fuir. Il a simplement fermé son petit kiosque-épicerie et s`est enfermé chez lui, "pour prier Dieu".
"Les gens de Konna nous appelaient, parlaient de grandes batailles, c`était effrayant" dit-il. "Tous les fonctionnaires étaient partis, car les islamistes sont cruels avec eux. Alors quand (François) Hollande (président français) a envoyé ses militaires, cela a été un grand soulagement".
"Nous nous préparions à être les esclaves"
Les deux Mamadou, Idraogo et Guindo, font du feu et du thé dans une rue de sable rouge, près de leur petit tas de fripes. "Nous nous préparions à être les esclaves de ces gens. Ce ne sont pas des religieux, ce sont des bandits, ils ne cherchent que l`argent", dit l`un d`eux.
"Nous avons entendu les avions français, puis le lendemain nous les avons vus passer très bas pour aller les attaquer", dit l`autre en caressant les tresses serrées sur la tête de sa petite fille couchée sur son genou. "C`était un grand soulagement, on est très content".
Dans son bureau, le maire de la ville, Omar Bathily, assure que le vent de panique avait surtout touché la ville voisine de Sévaré, où se trouve l`aéroport utilisé par les premières forces spéciales françaises sur la route de Konna, mais qu`effectivement "beaucoup de gens avaient fui".
"J`avais donné instruction à mes fonctionnaires de rester chez eux, de ne pas collaborer avec ces extrémistes s`ils parvenaient jusqu`ici. Il fallait garder son calme, mais ce n`était pas facile. Ces bandits s`attaquent toujours aux banques, puis aux édifices de l`Etat".
"Nous avons contracté une dette éternelle envers la France" sourit-il.
"Moi, avant tout cela j`étais plutôt anti-français: vous savez, le discours de Dakar de (l`ancien président Nicolas)Sarkozy, la politique des visas, les humiliations infligées aux Maliens de France. Mais là, c`est fini. Pour toute ma vie, je dis: +Merci et vive la France !+"
Les seuls à ne pas se réjouir de l`intervention française sont les
islamistes locaux qui, s`ils ne sont pas armés et se rattachent plutôt à la tendance wahhabiste de l`islam sunnite, "attendaient avec de grands sourires l`arrivée de leurs homologues", assure l`hôtelier chrétien.
"Maintenant, ils rasent les murs", rigole-t-il. "Et plus de longues barbes: on les a forcés à les couper. A leur tour d`avoir peur!"
