Sur toutes les questions essentielles qui alimentent le débat, en ce moment, en l’occurrence l’organisation de concertations nationales ; le dialogue avec les « djihadistes maliens », à la stupéfaction générale, c’est l’Opposition qui mène la barque en lieu et place d’une Majorité, dont la véritable représentation serait celle de wagons tirés par ceux qui ne sont pas au pouvoir. Triste spectacle dénoncé par le Président IBK à Sikasso. Aujourd’hui, plus que jamais, il avait raison de secouer le cocotier. La Preuve !
La Convention de la Majorité présidentielle (CMP), c’est un regroupement de plus de 60 partis politiques, de tout acabit. Elle a pour principal objectif d’accompagner les actions du Président de la République. Théoriquement c’est une véritable machine politique.
Dans la pratique, les fruits ne tiennent pas la promesse des fleurs. Loin s’en faut ! La CMP est battue à plate couture sur l’ensemble des fronts par une Opposition plus entreprenante qui s’impose au jour le jour comme un laboratoire d’idées et d’initiatives. Les réponses qu’elle apporte aux sujets d’actualité qu’elle se donne même le luxe de créer, en sont la plus parfaite illustration. Tout se passe comme si la CMP s’occupait uniquement à mener les poules, pisser, effectuer des travaux insignifiants, fictifs.
Le chant de sirène
L’une des questions qui se posent avec acuité est l’opportunité de dialoguer avec les islamistes, en particulier dans un contexte de recrudescence des attaques terroristes. À Ouagadougou, comme plus tard, cette option avait été balayée d’un revers de la main. La France, notre mère patrie, campe sur la position d’ostracisassions de ces mouvements. Au Mali, des voix se lèvent pour exiger de composer avec eux, précisément avec Iyad Ag Ghaly, le leader de Ansar Eddine. Le ministre de la Réconciliation nationale, Zahaby Ould Sidi Mohamed, le reconnaissait, il y a peu : « Ce débat est en train d’être alimenté : Il faut qu’Iyad revienne, il faut dialoguer avec Iyad, etc. En tant que ministre de la Réconciliation nationale, des frères sont venus dans mon bureau de Kidal pour me dire : Nous n’aurons pas de paix si Iyad n’est pas dans le processus ».
Au-delà de ces « frères » qui doivent savoir de quoi retourne leur sollicitation, il y a un parti qui s’est illustré par sa constance sur cette piste, à savoir le Parti pour la renaissance nationale (PARENA). Pour son président, Tiébilé DRAME « … il convient de dialoguer de bonne foi avec les groupes armés, d’explorer la possibilité de parler avec les djihadistes maliens (avant qu’il ne soit trop tard) ». Dans le même sillage que lui, lors de la conférence de presse organisée en prélude à la rentrée politique du PARENA « Réitérant la position de son parti, le conférencier (PPR, secrétaire général du PARENA) soutient que si on est parvenu à négocier avec le Hcua, le Mnla et autres qui sont pourtant responsables du massacre d’Aguel hoc, il n’y a pas de raison de ne pas faire de même avec Iyad si la paix et la sécurité du pays doivent passer par là ».
Retournement de veste
À force d’opiniâtreté, le PARENA est parvenu à faire avaler la pilule au Gouvernement. C’est en tout cas, ce qu’attestent les dernières sorties du ministre de la Réconciliation nationale. Ainsi, à la faveur de la conférence-débat de la Caravane culturelle pour la paix, au CICB, il faisait savoir : « Pour la paix et la réconciliation nationale, le Mali est disposé à dialoguer avec tous ses fils, y compris Iyad Ag Ghali ». Le ministre a même donné un gage de cette disponibilité puisqu’il ajoute : « À titre privé, j’ai reçu les parents d’Iyad, mais ils n’ont pas été en mesure de me fournir la moindre preuve et le moindre signe, pas même un communiqué, venant de lui pour dire qu’il veut s’inscrire dans la paix. Et s’il veut s’inscrire dans cette dynamique, qu’il fasse un communiqué ».
Il ne tient plus que de la volonté de Iyad d’ouvrir un dialogue, le Gouvernement y étant entièrement acquis. C’est en tout cas, ce que laisse croire le ministre Zahaby : « Je leur ai dit : écoutez ! Je n’ai rien contre le fait qu’Iyad rentre dans le processus de paix, qu’il soit quelqu’un de positif pour la paix. Le gouvernement, comme disent les Arabes, c’est le mur le plus court, c’est-à-dire celui que tout le monde veut sauter. Donc, on met tous les pots sur le dos du gouvernement et on oublie ce qu’on doit faire soi-même. Je dis d’accord ! Vous dites qu’il est de bonne foi, qu’on ne peut pas faire la paix sans lui, je vous défie, emmenez-moi un communiqué, une lettre de lui, qui déclare qu’il veut entrer dans le processus, qu’il veut faire la paix avec les Maliens ».
À l’évidence, le Gouvernement s’est laissé convaincre par cette proposition du PARENA, soutenu par d’autres ressortissants du Nord, parce que les réponses militaires à l’insécurité sont en deçà des attentes, mais également et surtout parce que les 70 partis politiques au sein de la majorité présidentielle n’ont montré aucune autre alternative crédible. Sur ce plan du dialogue avec les « djihadistes maliens », l’Opposition a damé le pion à la CMP et remporte ainsi un précieux point.
Le panache
L’autre sujet sur lequel, la Majorité est en train de céder du terrain concerne les « concertations nationales » que l’Opposition est en passe « d’imposer ». Soumaïla CISSE, chef de file de l’Opposition, lors de la conférence régionale de l’URD, à Ségou, sollicitait : « (…) il faut le dialogue pour une paix durable. (…) Il faut une grande conférence nationale ». Mais le chantre de ces concertations est indubitablement Tiébilé DRAME, qui, lors de la rentrée politique du PARENA, exhortait : « Nous devons imposer les indispensables concertations nationales sans lesquelles le pays va dans le mur ».
Il est vrai, il n’a pas encore obtenu les concertations nationales, tel que prévu dans son schéma ; mais il a obtenu autre chose d’aussi important et qui finit de convaincre qu’il a de la suite dans les idées. Il s’agit de la rencontre Majorité, Opposition, Société civile, Mouvements armés. Pour rappel, c’est dans une tribune, en date du 12 décembre 2015, qu’une telle idée avait été émise par le PARENA. Dans ladite tribune intitulée ‘’PARENA, introduction au débat sur : Le Nord, le processus de paix, la dégradation de la situation sécuritaire, six mois après la signature de l’Accord d’Alger’’, présentée par Tibilé DRAME, le parti préconisait : « Toujours, pour donner un souffle nouveau au processus de paix, nous recommandons la tenue, dans les meilleurs délais, d’une rencontre Majorité-Opposition-Société civile-Mouvements signataires de l’Accord d’Alger pour préparer la CEN et dire notre détermination commune à sauver notre pays, à soulager les souffrances de notre peuple à l’intérieur comme à l’extérieur ».
L’effort du PARENA a été récompensé, dimanche dernier, quand classe politique, la société civile et les groupes armés signataires de l’Accord pour la paix au Mali se sont rencontrés au CICB. L’objectif de cette rencontre, selon ses initiateurs, consistait à baliser le chemin de la paix tant souhaitée par la création et la pérennisation d’un tel cadre de concertation entre les différents acteurs.
La dérision
Le PARENA peut se gargariser de cette nouvelle victoire obtenue avec panache et en profiter même pour tourner en dérision la Majorité à qui elle offre de diriger un Secrétariat permanent à travers la personne de son chef, Boulkassoum HAIDARA. Il est permis de parler de dérision, parce que, selon certaines sources bien informées, c’est à la demande du Président IBK, profitant de la présence de toutes les parties dans la capitale et du climat qui y était propice, que la rencontre a été organisée. La Majorité, à défaut d’avoir une telle initiative, la laisse simplement au PARENA. Et comble ! Le chef de la Majorité va jouer les laudateurs, vantant la perspicacité de l’Opposition.
Pourtant, le Président IBK, lors de sa rencontre avec la Majorité, à Sikasso, avait tiré la sonnette d’alarme. Dans une diatribe sans précédent, il a déploré « Je ne vous sens pas dans le débat politique. Vous êtes frileux face à une opposition tonitruante ». Aujourd’hui, plus qu’hier, ces propos sont une réalité implacable. Aujourd’hui, plus qu’hier, il a de légitimes raisons d’être déçu. « Vous m’avez déçu, car vous travaillez pour vous-mêmes et non pour le Mali. J’ai toujours honoré mes engagements politiques, pourquoi vous ne me suivez pas ? Vous avez toujours un handicap dans la mise en œuvre de mon projet présidentiel », avait fulminé le chef de l’État.
Facture salée
La facture de l’incurie de la CMP se paie cash. Un parti comme le PARENA qui vivotait, qui a renoncé à prendre part à l’élection présidentielle, qui n’a qu’un seul député à l’Assemblée nationale, est en train de s’imposer comme une bête de scène que les spectateurs applaudissent à tout rompre. Selon un cousin peulh, à ce rythme le PARENA s’emparera de la gouverne du pays.
Cette situation pose pourtant des questions de fond. Comment se fait-il qu’un regroupement de 70 partis politiques se laisse coiffer au poteau par un seul ? Leur soutien est-il sincère ? Si c’est le cas, ont-ils les compétences et les capacités nécessaires à transformer leurs vœux pieux en actions salvatrices pour le pays qui est incontestablement dans le creux de la vague ? Autant de questions qui taraudent l’esprit et dont les réponses justes devraient inviter à un sursaut pour une reprise en main d’une situation qui échappe progressivement, mais pas encore irrémédiablement à la Majorité présidentielle boitillant de ses 70 pieds.
Par Bertin DAKOUO