Sans vouloir tremper notre plume à l’encre des adeptes du «tout sauf Français», le pragmatisme nous commande d’affirmer que la gangrène, que constitue la crise du Mali, ne saurait jamais trouver sa solution sous l’égide de la France. Microscopie d’une crise laissée en héritage au Mali par la France de De Gaule et dont celle de Hollande ne s’évertue qu’à traiter les maux environnants tout en préservant le mal principal.
Pour mieux comprendre cette incrimination de la France, il sied de nous replonger dans le passer afin de visiter le berceau du problème.
L’histoire
Sans aller aussi loin qu’au Congrès de Berlin qui consacra la division de l’Afrique, au propre comme au figuré (en séparant des tribus et même des villages par des frontières tout en associant des tribus ennemies ou culturellement antagonistes), nous nous limiterons à puiser à partir de 1958. Date à partir de laquelle la France, battant sa coulpe face aux combats indépendantistes de ses anciennes colonies, décida de piéger leur chemin de diverses manières. Celle du Mali fut de lui rattacher des territoires alors qu’elle (la France) n’était pas sans savoir que les populations et les chefs tribaux desdits territoires se voyaient un tout autre destin. Pire, les Français tournent le dos à cette bombe sans rien tenter pour apaiser la situation; ils étaient bien conscients du danger. Et tout au long du cycle de croissance de notre pays, la France ne fait rien pour conseiller, réprimander ou décourager les fauteurs de désordre aussi bien du côté gouvernemental que de celui des chefs de guerre de la région. Et pourtant, les Français y sont présents tout ce temps. Mais, juste en trafiquants d’armes, de drogues et d’antiquités déguisés en touristes. Tous les abus y sont perpétrés par des Maliens contre d’autres Maliens. Côté français, toujours motus et bouche cousue, les intérêts de la France ne sont pas en danger.
Quand la bombe explose
Plus d’un demi-siècle plus tard, la France de Sarkozy met la Libye à feu et à sang parce que Kadhafi opprimerait son peuple. Kadhafi est éliminé et remplacé par un chaos auquel la France tourne les talons et rentre à la maison sans se soucier du reste. Conséquence : les armes de l’anarchie libyenne se retrouvent dans le Septentrion malien, portées par des terroristes. Les agents secrets et autres surveillances aériennes les voient mais on ne dit rien ; ce doit être pour alimenter la vieille rengaine entre Maliens, se dirait-on côté français. Après avoir leurré les chefs rebelles de la zone quant à leur antique rêve d’autodétermination, les Jihadistes dévoilent leur dessein de créer une base à partir de laquelle ils étendraient leur funeste toile sur le reste du continent. Là, les intérêts de la France s’en trouveraient menacés. Alors, la France de Hollande sort les hommes et la logistique pour freiner l’élan des assaillants avant de les pousser à la fuite. Récoltant au passage, notre gratitude sans fin. Pour cette France qui pourtant venait de provoquer notre annexion par sa mauvaise gestion de la Libye. Et cela, notre mémoire s’en est vite débarrassé pour ne garder que l’image du sauveteur. Mais très vite, la France prend soin de remettre, à l’endroit, le décor de la discorde entre les frères maliens; les territoires sont libérés mais Bamako n’est pas maître et les groupes armés rebelles, à défaut d’être eux aussi maîtres, gardent leur puissance de feu avec la mine bienveillante des Français. On peut passer aux intérêts de la France par la poursuite des terroristes en fuite, entre autres inavoués.
On nous propose ce qu’ils n’ont pas fait chez eux.
Pour la réconciliation des cœurs maliens on appelle des pays qui connaissent, bien qu’en sommeille, les mêmes bisbilles chez eux : l’Algérie avec la Kabylie et le Tchad avec la Bande d’Ahouzou. A première vue, cela parait bien car leurs expériences pourraient nous servir. Et ce du fait que, sans avoir totalement régler le problème, ils ont tout de même réussi à le faire oublier. C’est aussi le cas de la France elle-même avec la Corse. Dans chacun de ses trois pays, on n’est pas allé de main morte face aux velléités sécessionnistes. Ils ont tous opté pour les mêmes méthodes; forcer la rébellion à désarmer, exercer une surveillance accrue, démantèlement, arrestations, etc. avant d’engager toute négociation. Jamais il n’a été question, chez eux, de négocier avec les armes aux mains des indépendantistes. Et pourtant tel est le cas ici, par la toute puissante volonté française. Ils se refusent à appliquer chez nous, ce qui semble avoir bien marché chez eux. Allez comprendre… Comme pour montrer que le système ne fonctionne pas, le sort nous ramène les dangereux terroristes qui frappent à tour de bras nos malheureux frères et sœurs. Et même jugée à l’aune de la toute simple règle de la transitivité, la France nous dévoile son incapacité (plus volontaire) à tordre le cou à ces vieilles broutilles du Nord de notre pays. Tenez-vous bien ! Le gouvernement malien a toute confiance aux Français. La CMA et la Plateforme ont toute confiance aux Français. Comment pourrait-on donc expliquer le manque de confiance et d’entente entre Bamako et les groupes armés du Nord afin de nous offrir le pays dont nous rêvons tous ; celui dans lequel nous ne ferons qu’un face aux défis de notre temps ? S’il apparait difficile de le crier, il est facile de le reconnaitre : c’est justement du fait de la France qui, certainement, dit à l’un ce que l’autre lui confie en secret, et ne dit pas à l’autre ce que l’un lui demande de dire.
Opter pour une approche différente
Il nous faut essayer une autre option. Sans vouloir récuser nos médiateurs, il est temps qu’on décide de prendre nous-mêmes les choses en main. Ce qui a toujours caractérisé notre nation c’est d’être celle qui a toujours montré la voie. L’une des solutions pourrait venir de l’Etat. Si nos autorités arrêtaient d’écouter ces conseillers qui les mènent à user de stratagèmes pour discréditer les groupes armés du Nord, à créer des structures de façade mais budgétivores ou à dépenser à retourner des adversaires contre leurs camps, elles pourraient économiser assez d’argent pour initier des projets d’utilité publique au Nord sans attendre les promesses de nos partenaires: des points d’eau, des écoles, des dispensaires, etc. Mais là où interviendra la réconciliation, c’est qu’elles invitent les groupes armés du Nord à participer à la sécurisation des matériaux et matériels de construction au départ de Bamako et des sites de construction. Des groupes mixtes qui devraient être le socle de la future entente qui affrontera nos vrais ennemis que sont les Jihadistes. Aucun des chefs du Nord ne saurait s’opposer à cette initiative au risque de subir le courroux de la population qui s’attend à des moments de graves pénuries d’eau, selon les humanitaires, si rien n’est fait avant la fin du mois de mai. Aucun mal n’est incurable, dit-on, il faut juste trouver le bon remède. Depuis le temps que nous avons hérité de cette crise, nous n’avons jamais vraiment recherché la solution. On n’a eu de cesse d’en profiter quelque fut notre bord. Si elle a servi de catalyseur pour subir l’assaut des Jihadistes, il nous faut rompre avec cette attitude d’observateur. Car il y a un danger encore plus grand qui se profile à l’horizon : Daesh et Boko Haram sont en train de fédérer en Libye sous les yeux des puissances mondiales dont la France. Et s’ils nous tombent dessus alors qu’on en ait à attendre que les autres nous réconcilient, on n’ose même pas le dire !
Abdoulaye KONATE