A l’occasion de la Journée internationale de la femme, célébrée le 8 mars, trois jeunes Bamakoises de 15 à 18 ans racontent comment elles envisagent leur avenir de femme. Couple, travail, société : quels sont leurs rêves ? Les trois jeunes femmes partagent le désir de faire avancer leur pays et les droits des femmes.
« J’aimerais devenir pédiatre pour sauver des vies et améliorer le pays, pour offrir un avenir aux enfants. », rêve Fati, 15 ans. Sa vocation, elle l’a conçue en mêlant un altruisme spontané et une expérience personnelle douloureuse. « Ma cousine est morte dans un accident de voiture avec ses deux enfants. Elle n’a pas été soignée à temps. Il y a des médecins au Mali, mais pas assez pour les besoins de tous les Maliens. » Alors, Fati construit son Mali du progrès social et sanitaire : « J’imagine un futur où tout le monde pourra venir consulter, témoigne-t-elle avec une douce colère. Ici, c’est très difficile : si tu n’as pas les moyens, tu ne peux pas te soigner, parce que les médicaments sont chers. »
En quatre ans, le Mali a connu une rébellion indépendantiste, un coup d’Etat, une guerre et l’avènement d’une menace terroriste omniprésente. Le retour à l’ordre constitutionnel puis la signature d’un accord de paix ont remis le pays sur les rails, mais n’ont pas encore suffi à ramener la quiétude pour ses habitants. « Le Mali actuel me préoccupe vraiment, affirme Fati avec gravité. J’aimerais que le terrorisme prenne fin et que la paix y règne définitivement. » Là encore, l’expérience familiale est déterminante : « J’ai mes oncles dans le Nord, dans le Gourma Rharous (entre Gao et Tombouctou, ndlr). J’ai très peur que les terroristes ne tombent sur eux et s’emparent de tous leurs biens, qu’ils leur fassent du mal. Dans dix ans, quinze ans, je rêve que le Mali avance, que les terroristes arrêtent de faire la guerre et que les disputes entre les différentes communautés prennent fin. »
Mais le pays n’est pas tout, et Fati pense aussi à sa vie familiale. « Je veux me marier et avoir des enfants… mais pas trop ! Trois ou quatre, c’est suffisant ! », prévient-elle, alors que le taux de fécondité au Mali frôle les sept enfants par femme, avant de s’expliquer : « Quand on en a plus, ça fait trop de dépenses, et si on n’en a qu’un seul, c’est triste. » Au Mali, conformément aux règles de l’islam, chaque homme est autorisé à épouser quatre femmes. « Mon père n’a qu’une femme : ma mère, précise Fati d’un air décidé, et moi je ne m’imagine pas avec des co-épouses. J’ai peur des disputes qui empêchent la paix dans la famille. »
Indépendance
« Je veux devenir ingénieur agronome. Mon père, paix à son âme, était ingénieur agronome et je veux faire comme lui, pour moi-même et pour le Mali, parce que cette activité est nécessaire. » Mariam, 15 ans, partage avec son amie Fati un engagement précoce et l’amour de son pays. « Le Mali a besoin d’agriculteurs pour mieux se développer. Je veux les aider à se relever, à ne pas rester en bas de l’échelle. Certains manquent d’eau, de terres, c’est eux que je veux aider. » Et comme sa camarade, Mariam puise ses résolutions dans son vécu, dans ces images quotidiennes qui, après avoir touché son cœur, impriment leur marque dans son esprit : « Tous les jours, quand je pars à l’école, je passe devant des agriculteurs qui ne cultivent que de petites parcelles. Ils n’ont pas assez de terrain. C’est joli à voir : quand je me réveille, ils sont dans la nature, ça me plaît. Pendant la saison sèche, leur puits ne donne pas assez d’eau. Si je deviens ingénieur agronome, je pourrais les aider. »
Mais pour Mariam, le développement du Mali passe aussi par celui des droits des femmes. Et cette conviction, c’est une affaire de famille : « Ma mère travaille dans un centre pour la promotion des jeunes filles et des femmes. Elle veut que la femme soit fière dans le monde, qu’elle ne se rabaisse pas. C’est important pour moi aussi. Ici, les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes. » Une pensée nourrie d’exemples concrets, qui la mettent en colère : « Dans certaines familles, on empêche les femmes de travailler, de gagner leur propre argent. Il y a aussi des violences contre les femmes, et même des violences sexuelles. Je pense aussi à l’excision. Ce n’est pas une bonne chose, ça crée des problèmes de santé et ça fait mal. » Dans un pays où 85% des femmes subissent cette pratique, les propos de Mariam sont un signe d’indépendance d’esprit et de force de caractère. Là encore, l’ombre bienfaitrice de la mère n’y est pas étrangère : « Dans ma famille, nous ne sommes pas excisées. Notre mère l’est, mais elle n’a pas voulu ça pour ses enfants. C’est dans la tradition, mais ce n’est pas bon pour les femmes. »
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