La zone est désertique, les pistes d’accès difficilement praticables. A dix kilomètres au nord, le Mali, dont la frontière est réputée pour sa porosité. Pas vraiment la configuration sécuritaire idéale pour les 1,2 million d’habitants du Sahel burkinabè. Aussi, depuis le 22 février et jusqu’au 6 mars, les armées du Mali et du Burkina ont-elles lancé une nouvelle opération militaire baptisée « Gabi », avec le soutien des Français de la force Barkhane.
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Sur 200 kilomètres, près de 1200 soldats burkinabè et maliens patrouillent de part et d’autre de la frontière séparant leurs deux pays avec un objectif : sécuriser cette zone poreuse et propice aux mouvements djihadistes. « Nous avons reçu des informations sur des activités de groupes d’individus suspects », explique succinctement le commandant Evariste Some, chef du centre des opérations du PC tactique de l’opération Gabi.
La recherche d’un nouveau sanctuaire
Attaque de la gendarmerie d’Oursi en août 2015, du poste de Samorogouan deux mois plus tard, enlèvement d’un couple d’Australiens à Djibo et assaut contre une patrouille de gendarmes à Tin Abao le 15 janvier dernier, jour des attentats de Ouagadougou : depuis plusieurs mois, la frontière entre le Burkina Faso et le Mali est une cible privilégiée du grand banditisme et des groupes terroristes.
« L’opération Barkhane a mis les djihadistes en difficulté au nord du Mali, cela les a sans doute incités à descendre vers la frontière, analyse Cynthia Ohayon, spécialiste du Burkina Faso à l’International Crisis Group (ICG). Leur mouvement était à la fois nécessaire et tactique car il s’inscrit dans leur stratégie d’expansion régionale. Ils cherchent peut-être à se trouver un nouveau sanctuaire ».
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Une quête d’un nouveau fief facilitée par la configuration du nord du Burkina Faso. Les flux de populations y sont nombreux, au regard des 33 000 réfugiés maliens vivants au Burkina Faso et de la proximité ethnique qui lie les habitants du Sahel malien et burkinabè. Coupeurs de routes, braqueurs et criminels rendent la zone criminogène. A quoi il faut ajouter l’isolement des villages, séparés les uns des autres par de longues distances.
Coopérer avec les forces de l’ordre
Dans ces conditions, difficile pour l’armée burkinabè implantée de manière permanente dans la zone depuis 2013 via son dispositif « groupement des forces anti terroristes » (GFAT) de repérer les suspects et d’arrêter les criminels. « Même si nous avons des postes avancés permanents dans de nombreux villages, il reste des couloirs par lesquels ils peuvent s’infiltrer. Nous n’aurons jamais assez de moyens de surveillance pour gérer le problème sans l’aide des populations », glisse une source sécuritaire burkinabè.
Au-delà de l’aspect militaire, l’opération Gabi entend sensibiliser les Burkinabè à la coopération avec les forces de l’ordre. « Nous leur faisons savoir que nous sommes là pour leur sécurité et que notre action ne pourra porter ses fruits que s’ils collaborent et nous informent des activités suspectes qu’ils pourraient constater », explique le commandant Evariste Some. En ligne de mire des autorités : les individus étrangers aux habitants et vivant de manière isolée.
« Ces actions de sensibilisation des populations sont nécessaires mais il faut être conscient de leurs limites, tempère Cynthia Ohayon. Il y a un manque de confiance entre elles et les forces de l’ordre. Beaucoup ont peur de se rendre au poste. D’autre part, les groupes terroristes proposent parfois beaucoup d’argent aux habitants en échange d’informations sur les mouvements des militaires ». Une contrepartie financière conséquente proposée à des populations extrêmement pauvres qui pourrait court-circuiter les efforts de dialogue engagés par l’armée. « La collaboration n’est pas toujours un reflex mais nous y travaillons. Petit à petit, cela porte ses fruits », assure le commandant Evariste Some.