Le gouvernement a adopté, en février dernier, un projet de loi visant la mise en place des autorités transitoires. Et ce texte fait déjà l’objet de polémiques au nord du Mali. Les collectifs des élus des collectivités territoriales des régions de Tombouctou, Gao et Kidal, désapprouvent la décision. Qui donne « pleins pouvoirs » à la CMA et à la Plateforme de désigner les membres des autorités transitoires.
Dans une correspondance, en date du 10 février 2016, le ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat explique aux élus du nord les motivations du projet de texte sur les autorités transitoires. « La mise en place des autorités transitoires dans les collectivités territoriales des régions de Tombouctou, Gao et Kidal est le fruit d’un compromis qui a l’avantage de s’inscrire dans le cadre général de la décentralisation et touche l’ensemble du pays. C’est une réforme de la délégation spéciale… », indique-t-on dans le courrier du ministre pour apaiser la tension au sein des collectivités du nord.
En fait, avant même l’adoption du projet de texte, des missions de la CMA et de la Plateforme sillonnaient les différentes collectivités pour les informer des changements à venir dans la gestion des collectivités. Ces missions expliquaient que la gestion des collectivités allait être confiée à la CMA et à la Plateforme. Ce qui est incompréhensible dans certaines localités où ces organisations n’avaient même pas de représentants.
Aussi, le courrier du ministre était accompagné d’une note d’information sur les autorités transitoires. Les élus du nord ont trouvé cette note « confuse » dans certains de ses passages, notamment dans les conditions de mise en place et de la désignation des autorités intérimaires.
S’agissant des conditions de la mise en place des autorités transitoires, la note informative du ministre de la Décentralisation et de la Réforme de l’Etat évoque cinq conditions dont seulement la cinquième n’était pas prévu dans le code des collectivités territoriales, pour procéder à la dissolution d’un conseil.
Il s’agit de « la non fonctionnalité du conseil de la collectivité qu’elle qu’en soit la cause ». Qui « est constatée lorsqu’il est établi que pendant une période de 12 mois consécutifs ou plus : l’administration communale n’offre pas de services aux usagers et le conseil de la collectivité concernée n’a pas tenu au moins deux sessions régulières… ». Et la constatation est faite par les représentants de l’Etat (préfets, gouverneurs et ministère en charge des collectivités). Pis, les anciens maires et présidents de conseil sont systématiquement écartés de la nouvelle gestion. Tout ça pour faire plaisir à la CMA et à la Plateforme dont les méthodes de gestion sont fortement contestées.
Quant au choix des membres des autorités intérimaires, c’est le sujet qui fait plus polémiques. Parce qu’il met officiellement le nord du Mali (Tombouctou, Gao, Kidal, Taoudéni et Ménaka) sous la coupe de la Coordination des mouvements de l’Azawad et de la Plateforme. Il est précisé dans la note informative que les membres des autorités transitoires « seront désignés par le Gouvernement, la Coordination et la Plateforme au sein d’un vivier comprenant les autorités traditionnelles, la société civile, les conseillers sortants et les agents des services déconcentrés du ressort de la collectivité territoriale concernée… ».
Le texte du conseil des ministres a omis ce passage et ne précise pas le rôle des groupes armés dans ce nouveau dispositif. Mais sur le terrain, les choses sont claires. C’est la CMA et la Plateforme qui vont régner, en maître, sur les collectivités des régions du nord. En tout cas, c’est la nette impression qu’ont les populations et les politiques dans ces localités. Mieux, certains politiques se sont déjà lancés dans la conquête du pouvoir à travers les deux organisations. Des comités, voire des cellules de la CMA et de la Plateforme sont en train d’être mises en place dans toutes les collectivités du nord. Parce qu’ils auraient compris que la « part du lion » reviendrait forcement aux groupes armés, à qui l’Etat vient d’offrir la possibilité de s’ériger en formation politique avant les prochaines échéances électorales.
Idrissa Maïga