Demain mardi 8 Mars, les femmes maliennes à l’instar de leurs sœurs à travers le monde, célèbrent la journée internationale qui leur est dédiée. A cette occasion nous avons pour ce dossier rencontré Madame Fatoumata Siré Diakité, Présidente et fondatrice de l’Association pour le Progrès et la Défense des Droits des Femmes (ADPF) au Mali. Dans cet entretien qu’elle a bien voulu nous accorder la combattante, hors paire des droits de la femme et de l’enfant, nous parle entre autres de la signification de cette journée pour les femmes maliennes et du combat mené par celles-ci dans l’avènement de la Démocratie. Elle évoque aussi la situation des droits des femmes au Mali, surtout de celles au nord du pays qui ont été victimes de sévices sexuels durant l’occupation. La présidente de l’APDF livre aussi son avis sur l’adoption de la loi pour la promotion du genre et pense même que les femmes peuvent diriger le pays mieux que les hommes. Interview.
Infosept : Que signifie la date du 8 Mars pour les femmes du Mali ?
Madame Fatoumata Siré Diakité : Le 8 Mars est une date symbolique pour les femmes. C'est la date pour laquelle les femmes américaines se sont battues pour qu'il y ait une reconnaissance juridique du Travail des femmes, parce que ce sont d'abord des travailleuses d'une industrie textile qui furent les premières à se battre aux Etats-Unis. L'international socialiste a pris aussi cette date pour en faire une des plus symboliques pour la promotion des droits des femmes, surtout celles qui travaillent. Ensuite, les Nations Unies l'ont instituée comme la Journée Internationale de la Femme. Mais aujourd'hui, cette date n'est plus seulement celle des seules femmes travailleuses, elle concerne toutes celles à travers le monde qui se battent pour leurs droits. C'est une date qui doit permettre aux femmes de faire des revendications auprès des autorités dans chaque pays du monde. Bref, la date du 8 Mars est une journée de bilans et de revendications pour les femmes.
Infosept : Pouvez-vous nous rappeler le combat des femmes maliennes pour l'avènement de la Démocratie ?
Madame Fatoumata Siré Diakité : Les Femmes maliennes ont été de tous les combats, pas seulement de la Démocratie. Avant l'Indépendance, elles étaient là pour lutter contre la colonisation, elles ont été là quand le pays a eu son indépendance. La Tantie Awa Keita est la femme la plus distinguée, la plus enviée de cette époque de la lutte coloniale. Et après l'indépendance, elle fut la première femme députée. Les femmes maliennes ont été aussi dans la lutte pour l'avènement de la Démocratie et à différents niveaux dans les organisations démocratiques et syndicales. On a par exemple Madame Sy Kadiatou Sow, feue Madame Traoré Amy Sow, moi-même Madame Fatoumata Siré Diakité et autres qui étaient dans ce combat. Je pense qu'il n'y a eu aucun combat, aucun événement majeur politique dans ce pays qui s'est fait sans les femmes. Mais malheureusement, il n'y a pas eu toujours de reconnaissance. Après l'avènement de la Démocratie, ce sont les hommes qui sont montés au pouvoir, et malheureusement le combat des femmes n'a pas été reconnu, comme toujours, à sa juste valeur.
Infosept : Quelle analyse faites-vous de la situation des droits de la Femme malienne
Madame Fatoumata Siré Diakité : L'analyse que je fais de la situation des droits des femmes maliennes est que le pays a ratifié des textes régionaux et internationaux comme par exemple le Protocole de Maputo, qui ne sont pas réellement appliqués. Donc, la situation des droits des femmes au Mali n'est pas du tout glorieuse et on ne peut pas être fier de cela. Je peux simplement dire que les autorités maliennes peuvent mieux faire par rapport à la question des droits des Femmes. Ainsi, si nous prenons le cas des femmes qui ont été victimes de viols au nord, depuis 2012 jusqu'à maintenant, aucun mécanisme n'a été mis en place pour simplement les recenser, les écouter et voir dans quelle mesure leurs besoins peuvent être pris en compte. Il y a eu beaucoup de traumatismes et certaines ont même perdu l'esprit. Donc, toutes ces femmes qui ont été victimes de violences sexuelles devraient normalement être prises en charge par le Gouvernement immédiatement en 2013 ou au plus tard en 2014. On va me dire qu'il y a la Commission Vérité Justice et Réconciliation (CVJR), mais cela n'a rien n'à voir, on a trop attendu. Et cette commission est entrain de faire le tour du Mali pour être connue et installer ses démembrements. Je répète encore que cela n'a rien n'à voir avec la mise en place d'un mécanisme spécial pour ces femmes victimes de violences sexuelles. Si cela est fait on dira que le Gouvernement a pris en compte la question des droits humains et des femmes. Ce n'est pas la seule CVJR qui pourrait prendre tout cela en compte. Pour cela, il faut un mécanisme spécial. Je voudrais aussi ajouter que les personnes qui se sont rendues coupables de ces violences sexuelles doivent être punies. Car, beaucoup de ces personnes ont été libérées à la suite des échanges de prisonniers maliens contre ceux qu'ils appellent Azawad. Ainsi, certains auteurs de ces crimes ont été libérés sans jugement. Il y a le cas de celui qui est à la Cour pénale internationale aujourd'hui pour cause de destruction de Mausolées. Mais il n'y a pas que les Mausolées qu'il a détruits ou fait détruire, il y a aussi ces violences sexuelles dont des femmes ont été victimes sous son instigation. Il faudrait que la CPI prenne cela en compte en ne se limitant pas seulement à l'aspect culturel de la chose. Il y a aussi l'aspect des violences exercées sur les femmes, parce que celui qui est aujourd'hui devant la CPI était le chef du tribunal islamique. Je voudrais lancer un appel au Gouvernement pour qu'il communique cet autre aspect dont ont été victimes, surtout les femmes. Ce sont aussi des crimes de guerre qui doivent être punis comme la destruction des Mausolées à Tombouctou.
Infosept : Quelle appréciation faites-vous de la loi instituant un quota de 30% pour la promotion du genre aux fonctions nominatives et électives, votée récemment par l'Assemblée ?
Madame Fatoumata Siré Diakité : Pour moi, cette loi vient réparée une injustice qui a été faite aux femmes maliennes depuis toujours. Parce que comme je le disais ci-haut, les femmes maliennes ont été de tous les combats, mais n'ont jamais bénéficié des avantages de leurs combats. Elles se battent et se sont les hommes qui prennent les dividendes et les résultats. Je pense que demander à ce que sur une liste de candidature, qu'il y ait 30% de l'un ou l'autre sexe n'est que justice rendue aux femmes. Je prends le cas de Kati où sur les 7 députés, il n'y a aucune femme, cela est inadmissible et inacceptable. Désormais, sur 7 députés, il va y avoir au moins trois qui seront des femmes, parce que c'est la Loi qui le dit. C'est pour rendre justice à la femme malienne pour le combat qu'elle a mené pour le développement de ce pays qui est aussi le nôtre. Car le pays n'appartient pas qu'aux hommes seulement. Et si on met de côté 50% de la population que constituent les femmes, cela veut dire que le développement se fera aussi à 50%, ce qui n'est pas un développement global.
Infosept : En tant que femme, quelle appréciation faites-vous globalement de la gestion du pouvoir IBK ?
Madame Fatoumata Siré Diakité : Je n'ai rien à dire.
Infosept : Pensez-vous que si le président du Mali était une femme vous auriez dirigé autrement et mieux le pays ?
Madame Fatoumata Siré Diakité : Certainement. Si une femme pouvait être présidente de ce pays, le Mali serait dirigé autrement. Ce n'est pas seulement le Mali, c'est comme dans d'autres pays. Si vous prenez l'Allemagne, elle est dirigée par une femme. Et vous voyez comment l'Allemagne est par rapport aux autres pays de l'Union Européenne. Vous voyez aussi comment Madame Ellen Johnson Sirleaf dirige le Libéria qui vient de sortir d'une guerre qui a failli faire disparaitre ce pays sur la carte du monde. Mais, sous la direction de Madame Ellen Johnson Sirleaf, le Libéria est revenu dans le concert des Nations. De même pour Madame Catherine Samba Panza de la Centre-Afrique. Parce qu'avec une femme ce n'est pas le même type de gouvernance. C'est une gestion axée sur les résultats et sur l'humanisme. Donc, c'est une gestion qui est complètement différente de celle d'un pays par un homme, qui est une gestion cartésienne. La femme, en plus qu'elle gère par le cœur, elle le fait aussi par la tête et il y a beaucoup d'humanisme dans cette gestion. Et les pays africains ont besoin de cela.
Propos recueillis
Par Dieudonné Tembely