On remarque de plus en plus que certains grands postes de l’Administration malienne sont pourvus à la suite d’appels à candidature. Si ce mode de recrutement est à saluer, il est cependant à déplorer comment le processus est conduit dans notre pays. C’est presque devenu un faire valoir, une procédure opaque qui ne laisse entrevoir aucune transparence.
Dans la tradition des appels à candidature, les candidats ont droit à un certain nombre d’informations qui vont de la communication de la liste complète des candidats à la publication du système de pondération choisi et à l’accès aux dossiers de recrutement dont les résultats restent attaquables administrativement par tout candidat. Au Mali, les organisateurs de ces recrutements refusent aux candidats toute information quand bien même que leurs dossiers ont été acceptés. C’est à leur corps défendant que les candidats apprennent les choses comme tout le monde.
Que l’on ne dise pas mot de comment la commission a travaillé pour faire son choix, mais que la liste complète des candidats à ces genres de poste soit aussi publiée comme l’appel à candidature l’a été pour confirmer la transparence du processus. Mais rien de tout cela, pire il arrive même dans ce pays que des personnes qui n’ont pas postulé se retrouvent par miracle sur la liste et pistonnée comme l’heureux gagnant. Ne parlons pas du rapport de recrutement qui reste avant tout un document administratif. Il n’a jamais été consultable par les perdants.
C’est un sujet tabou et ni la liste complète des candidats, ni les critères à partir desquels la «short-list» est dressée ne sont pas connus. Toujours est-il que celui à qui le poste avait été politiquement promis avant toute procédure passe. Ce fut le cas a-t-on appris avec le recrutement controversé du directeur du Palais des Congrès. Les mêmes méthodes sont aussi en cours pour barrer la route aux vraies compétences aux postes de DG de l’AMRTP en remplacement de Choguel K. Maiga.
Le président du MPR, dont on connaît les méthodes de cooptation à l’UDPM, fera son tripatouillage pour nous imposer qui il voudra sans coup férir à la tête de l’AGETIC, de l’AMAP et de l’ORTM. Ce qui est gênant c’est moins le fait qu’ils choisissent qui ils veulent que le fait de le faire passer sous couvert d’appel à candidature. On peut critiquer le bien fondé de certaines nominations, mais une nomination reste une nomination, tout comme un appel à candidature reste un appel à candidature.
Chaque type de recrutement a ses règles qu’il faudra respecter. L’autre hideur de ces nominations voilées est qu’on constate aussi un grand ostracisme qui exclut des maliens compétents au motif fallacieux qu’ils ne seraient pas fonctionnaires ou contractuels de l’Etat. Comme pour insinuer qu’être fonctionnaire ou contractuel serait une garantie de compétence. On voit pourquoi la fonction publique malienne calquée sur le modèle français de la fonction publique de carrière n’est pas efficace. Dès qu’on y entre on est presque sûr d’y rester sans être performant, sans travailler ou même souvent sans venir à son poste.
Dans la fonction publique américaine, qui n’est pas une fonction publique de carrière, on ne connait pas ces avancements automatiques qui ne reposent ni sur la compétence ni sur une expertise acquise. Combien de fonctionnaires dorment tous les jours dans leur bureau et se rongent les doigts, quand d’autres maliens dans le privé travaillent à la sueur de leur front pour gagner chaque repas et chaque salaire qu’ils prennent ? Pour réveiller la fonction publique malienne, il faut tout simplement arrêter deux mesures.
Premièrement, il faut en finir avec le système de la fonction publique de carrière et adopter, comme les Nations Unies l’ont fait depuis la création de l’ONU, le système Anglo-saxon de fonction publique où le cadre est obligé de valider tous les deux ans ses compétences pour espérer avoir un autre poste. C’est ce qui explique le pragmatisme anglo-saxon par rapport au système latin qui fait dormir sur ses lauriers plus qu’il ne booste l’esprit d’initiative. C’est pourquoi il faut arrêter de faire la différence entre les fonctionnaires et contractuels de l’Etat et les autres maliens compétents. Dans un recrutement on ne devrait chercher que le meilleur pourvu qu’il soit malien.
Deuxièmement, il faut dans le cadre d’une reforme courageuse oser remplacer le concours d’intégration dans la fonction publique par ce que les anglophones appellent le « Campus recrutment ». Selon ce principe on reste à l’affut, on guette les meilleures compétences depuis l’université. De sorte que les meilleurs qui sont connus de tous au Campus à travers tout leur parcours soient assurés d’un recrutement direct sans concours dans la fonction publique.
Ils sont pris sur la base d’une appréciation globale de tout leur parcours et non sur la base d’un jour de test bipé appelé concours d’intégration à la fonction publique qui ne garantit nullement que le meilleur passe. C’est de cette façon du reste, que sont choisis les bénéficiaires des bourses d’excellence initiées par le président Alpha Oumar Konaré. Et on voit comment ils réussissent leurs études à l’étranger avec brio. Imaginez un tant soit peu qu’ils avaient été choisis sur la base d’un concours d’un jour d’épreuves ?
In fine, ne jetons pas l’opprobre sur tous nos fonctionnaires. Il faut reconnaître et saluer l’engagement, la compétence, le patriotisme et l’amour du travail bien fait de la poignée de cadres qui font aujourd’hui bouger notre Administration et qui ne sont jamais d’ailleurs reconnus et décorés à temps. Il faut éviter d’attendre leur mort pour reconnaitre leur mérite.
O’BAMBA