Bamako, - "Génie", être "unique", talent "incroyable": dix ans jour pour jour après son décès, le musicien malien de légende Ali Farka Touré a eu droit lundi à un concert d'éloges dans son pays, dont la
capitale est désormais dotée d'une place et d'une rue portant son nom.
La place Ali Farka Touré, où s'élève une statue à l'effigie du musicien, a été inaugurée lundi après-midi dans le quartier de Lafiabougou (ouest de la capitale), où il a vécu, lors d'une cérémonie sobre, en présence de membres de sa famille, d'amis, d'"héritiers", de représentants du ministère de la
Culture, d'un ancien Premier ministre.
Un journaliste de l'AFP y a vu un de ses fils, également musicien, Vieux Farka Touré, une de ses veuves, la Néerlandaise Henriëtte Kuypers-Touré, son ami et producteur Nick Gold, patron de la maison de disques britannique World Circuit, et Ali Guindo, coordinateur de sa fondation, cheville ouvrière de la
commémoration.
Après l'inauguration de la place, tous ont assisté au lancement de la construction d'une rue pavée Ali Farka Touré, également à Lafiabougou.
Puis direction le Musée national du Mali, pour le vernissage d'une exposition où des photos donnent à voir une triple facette de lui: le musicien, le cultivateur et le maire de Niafunké, ville du nord du Mali où il
avait une ferme et où il a été inhumé. Auparavant, un concert à sa mémoire avait été organisé samedi, et un tournoi de football dimanche.
Vieux Farka Touré a rappelé que son père "avait un jeu spécial", qu'il a lui-même adopté. "Je continue à oeuvrer dans tout ce qu'il a fait, à pousser la musique là où il voulait l'emmener".
Reconnu dans le monde entier comme l'un des musiciens les plus importants d'Afrique, Ali Farka Touré est né en 1939 à Kanau, dans le nord du Mali. Il est décédé le 7 mars 2006 à l'âge de 67 ans, après avoir livré une longue bataille contre le cancer.
Multi-instrumentiste, il était un autodidacte doté, selon de nombreux spécialistes, d'une impressionnante culture musicale. Sa discographie compte une quinzaine d'albums et plusieurs tubes indémodables utilisés comme musiques de films ou génériques de programmes audiovisuels.
- "Faire revivre ses notes" -
Ali Farka Touré était quelqu'un de "tout à fait unique", qui a "modernisé la musique" sans l'avoir étudiée au préalable, a affirmé Nick Gold.
"Il est parti de la musique traditionnelle et a trouvé le moyen de (la) communiquer à ceux qui sont en dehors de sa tradition", a dit M. Gold, dont le label a commencé à l'enregistrer en 1987, avant qu'il soit véritablement révélé au grand public occidental par un disque réalisé en duo avec le guitariste américain Ry Cooder en 1994, "Talking Timbuktu".
Grâce à cet album, il a été le premier Africain à recevoir un Grammy Awards en 1995. Pour le coordinateur de sa fondation créée en 2005, "toute la pépinière de la musique du nord du Mali, tous les jeunes qui s'épanouissent ces derniers temps parlent, et jouent la musique d'Ali Farka Touré". Et Ali Guindo de citer Vieux Farka, Baba Salah, le groupe Songhoy Blues...
Ali Farka Touré "n'est pas mort, il continue d'inspirer de nombreux musiciens talentueux", a affirmé Mme Kuypers-Touré, venue à Bamako pour l'hommage avec une de leurs trois filles.
"Il y a une nouvelle génération d'artistes qui ont leur propre style, mais ils ont tous écouté Ali Farka Touré", a ajouté la Néerlandaise, une des trois femmes dont il eut au total douze enfants.
Le guitariste Ali Baba Cissé peinait à cacher son émotion en voyant les photos de l'artiste au Musée: il a été son élève et il est originaire de Niafunké.
"Il a laissé un héritage énorme. Il faisait sortir de ces sons...", a-t-il dit, ajoutant, après une pause: "Personne n'arrive à faire pareil, mais on essaye toujours de l'imiter, de faire revivre ses notes".
sr-cs/gkg