Depuis le Président Modibo Kéita, rarement un homme politique aura montré autant de passion pour le Mali à travers une volonté farouche de le réconcilier avec son glorieux passé et de moraliser la vie publique.
Cependant, vu le patriotisme débridé et particulièrement chancelant de la plupart des acteurs politiques, la tâche ne sera pas de tout repos pour IBK dont l’engagement était perceptible bien avant son accession à la magistrature suprême.
UN CREDO ORIGINAL : « DIEU, LE MALI, MA CONSCIENCE »
Le choix de ce triptyque comme credo est révélateur du caractère profondément humain, voire humaniste de l’homme. Dieu est accepté comme la Référence Suprême, et les Maliens pris à témoins. C’est un engagement personnel très fort que ne peut prendre qu’un homme convaincu d’avoir des comptes à rendre à l’honnêteté et à la loyauté. Dans le microcosme politique malien, une telle profession de foi est assez inhabituelle pour ne pas retenir l’attention. En effet, Musulmans, Chrétiens ou Animistes, les Maliens croient en l’existence de Dieu comme Source de la vie et Ordonnateur de toutes choses ; ce qui fait du Mali un pays de croyants par essence et par excellence. La laïcité n’est donc ni l’absence, ni la négation de Dieu mais la garantie de la libre expression de toutes les croyances, telle que cela découle de la Constitution. C’est le sens du pacte liant IBK aux hommes de foi.
On se souvient qu’à l’occasion de son investiture par son parti en 2007, il avait déclaré : « aimer son peuple, le respecter, …c’est accepter qu’il s’exprime à l’instar des peuples libres du monde,…c’est lui dire la vérité en toutes circonstances ». Il terminera son allocution en souhaitant une campagne électorale apaisée permettant d’éclairer le peuple sur les projets respectifs des uns et des autres. IBK perdra les élections de 2007 et beaucoup d’élus à l’Assemblée Nationale, sans jamais se départir de ses convictions et de sa stratégie de mener une opposition vraie mais loyale. Ceux qui l’ont connu au moment de son entrée en politique savent que l’homme a fait des efforts importants pour mériter la confiance des populations et trouver sa propre voie dans le dédale des mœurs politiques maliennes. Au même moment, beaucoup d’autres aujourd’hui dépités, perdaient leur âme et leur crédibilité au gré des compromissions et des reniements. Une fois arrivé au pouvoir, conformément à son credo, IBK s’est inscrit dans la conduite d’une gouvernance de rupture.
ROMPRE AVEC « LA GESTION DE GRIN » : POUR JUGULER LA CORRUPTION
Le combat des démocrates et des patriotes maliens ayant été galvaudé depuis belle lurette, IBK place sa foi dans la construction d’un Etat fondé sur le règne du droit. C’est pourquoi le souci de composer avec des cadres compétents et moins compromis est constant chez lui, comme la non-immixtion dans les affaires judiciaires. Une autre de ses préoccupations est de ne pas laisser les pesanteurs partisanes ou sociales compromettre la bonne gestion de l’Etat. Pour les opportunistes de tous bords, son action politique a alors pris l’allure d’un véritable tremblement de terre qui menace leurs intérêts, eux qui depuis des années vivent d’intrigues et de rentes facilement acquises. C’est l’explication de toutes cabales grotesques et maladroites qui le visent en ce moment et pour lesquelles un rappel de certaines réalisations est nécessaire pour montrer la vacuité des accusations portées avec tant de légèreté.
Le premier rappel concerne le dossier de la rébellion car les accords de 2006 n’ont rien réglé, fragilisant au contraire l’Etat. Le Mali avait perdu le nord bien avant le coup d’état de mars 2012. C’était juste un no man’s land abandonné aux preneurs d’otages et aux narco- trafiquants qui procuraient en retour des subsides importants à certaines autorités du nord comme du sud. Tirant les leçons de l’échec de 2006, la société civile dans son ensemble a été fortement impliquée dans les négociations de paix de 2014 qui ont conduit à l’accord d’Alger. Depuis la signature de cet accord en terre malienne, les contacts fréquents entre anciens groupes armés rivaux ont permis le retour progressif de la confiance, annonçant le futur redéploiement de l’administration. Qui aurait pu imaginer la CMA et la Plate-forme se réunissant à Bamako, avant d’inviter le gouvernement à un forum à Kidal ? Ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre sont témoins de l’immense travail abattu et des résultats obtenus. Désormais, Kidal et Bamako n’ont plus besoin d’intermédiaires étrangers pour se parler. La seule menace qui persiste aujourd’hui, est celle des djihadistes qui concerne l’ensemble de la sous-région et même le reste du monde. Il faut donc rendre justice à IBK qui a répondu à la principale attente de 2013 : réussir la paix et ouvrir de nouvelles perspectives pour le nord dans un Mali uni et plus fraternel.
Le second rappel porte sur la gouvernance politique et économique dont le trait principal est l’émancipation du pouvoir d’Etat de « la gestion de grin » à laquelle il était soumis depuis des décennies. Quel cadre, quel opérateur économique pouvait espérer réussir s’il n’était affilié à l’ADEMA entre 1992 et 2002 ou au Mouvement Citoyen entre 2002 et 2012 ? C’est cette gestion paternaliste du pouvoir qui a bloqué l’émergence de véritables capitaines d’industrie, favorisé la constitution de groupes d’affairistes, créé une connivence abjecte des élites autour de la corruption, le népotisme et l’incurie, avant que l’absence d’éthique et la concussion à grande échelle ne finissent en 2012 par avoir raison des appétits démesurés. Aujourd’hui, IBK a décidé de s’attaquer ouvertement à la mafia foncière dont les principaux acteurs sont des responsables politiques et administratifs. Des poursuites sont lancées contre des officiers de l’armée accusés de détournements des primes des soldats, poursuites que d’aucuns pensaient totalement impossibles. Les attaques orchestrées contre IBK ont pour objectif de détourner l’attention des Maliens, en usant et en abusant de rumeurs et d’amalgames (achats d’avion, primes des anciens premiers ministres). L’adoption d’une loi portant statut du chef de file de l’opposition politique est pourtant une avancée notable qui renforce l’expression des libertés et permet au peuple malien d’entendre d’autres avis que ceux du camp présidentiel. Avant IBK, qui a pris autant de décisions salutaires pour la démocratie et la justice ? Certains pensent pouvoir freiner son élan en ouvrant des poubelles remplies de leurs propres déchets. Là où ces anarchistes des temps modernes voient un verre à moitié vide, les patriotes maliens voient plutôt un verre à moitié plein. Plein de la paix qui revient et qui annonce la reprise du développement du pays. Les uns observent avec les yeux de leurs propres péchés, pendant que les autres regardent avec l’espoir qu’IBK réussira à résoudre les nombreux problèmes créés et aggravés par l’incurie de politiciens accapareurs et irresponsables.
Le véritable drame des leaders politiques en général, ceux de l’opposition en particulier est de vivre constamment dans la précarité et la gestion du court terme. Bâtir dans un tel contexte une stratégie de rupture sur le long terme provoque nécessairement des grincements de dents. Mais le salut du Mali passe par là.
Mahamadou CAMARA