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Au Mali, cultiver pour rester au pays
Publié le jeudi 10 mars 2016  |  lavie.fr




Promouvoir l’agroécologie et les semences paysannes, c’est l’ambition du Réseau des horticulteurs de Kayes (RHK), une organisation aidée par le CCFD-Terre solidaire. Objectif : proposer aux paysans une alternative au départ.



La parcelle commune de l’association des femmes agricultrices de Samé, à quelques kilomètres de Kayes. 60 % des membres du RHK sont des femmes.

Rassembler l'argent nécessaire, puis laisser leur famille pour rejoindre la région parisienne... Dans les années 1980, Osmane Cissé a vu ses amis quitter le Mali un à un. Mais lui est resté. « Je n'avais pas envie de quitter ma ville, ni mon jardin », explique le quinquagénaire. Ce fils d'enseignant était comptable. Mais très vite, son salaire n'a plus suffi à nourrir sa famille. Il a alors acheté une parcelle d'un demi-hectare au coeur de Kayes, une ville à quelque 400km de Bamako. Aujourd'hui à la tête d'une association de paysans, il pose fièrement au milieu de l'immense jardin maraîcher aux abords du fleuve Sénégal. Une terre qu'il exploite avec une cinquantaine d'autres agriculteurs, aidés par le Réseau des horticulteurs de Kayes (RHK), une organisation financée par le CCFD-Terre solidaire.



Certaines femmes de l’association ont suivi une formation à l’agroécologie auprès du RHK. Elles transmettent ensuite aux autres les bonnes pratiques. L’agroécologie permet de doubler la production alimentaire d’une région en dix ans.

À perte de vue, des choux, des carottes, des oignons. L'ensemble a les reflets bleutés des arrière-plans des tableaux de Léonard de Vinci. Osmane Cissé se porte bien : grâce à la vente de ses légumes sur le marché, il gagne 175.000 francs CFA par mois, soit 266 euros. C'est beaucoup mieux que ce qu'il serait payé en travaillant dans un bureau. Ses sept enfants font des études, « dont deux dans des écoles privées », précise-t-il avec fierté. Lorsque ses amis reviennent de France pour les vacances, Osmane Cissé perçoit souvent une petite lueur d'envie dans leur regard. « C'est de plus en plus difficile pour eux là-bas », dit-il. L'homme a parfois le sentiment d'avoir fait le bon choix. Et pourtant tout le poussait à partir.

Dans les années 1970 et 1980, le pays fait face à une longue sécheresse. Le climat sahélien ne pardonne pas. Avec une saison des pluies courte, de juin à août, et une période sèche, où la température flirte avec les 45°C, la période de soudure est difficile à supporter si la récolte n'a pas été bonne. Au Mali, où 80% de la population travaille dans le secteur agricole, ces sécheresses à répétition ont eu des conséquences dramatiques : les troupeaux ont été décimés, les récoltes brûlées. Le nord du pays a été particulièrement touché, comme à Kayes. C'est à partir de cette époque que les agriculteurs maliens ont été pressés de faire leur « révolution verte », à l'instar des paysans européens dans les années 1960. Objectif : augmenter les rendements à grand renfort de semences hybrides, très demandeuses en engrais et en pesticides. Or entre une agriculture paysanne qui utilise des semences adaptées au terroir mais qui ne donnent pas assez et une agriculture avec apport d'engrais qui coûtent cher et polluent l'environnement, il y a une voie médiane qui consiste à améliorer le rendement sans passer par le système productiviste qui rend dépendants les paysans. C'est le travail du RHK, qui compte aujourd'hui plus de 20.000 membres dans la région de Kayes et qui promeut la production de semences paysannes de qualité et l'agroécologie, cette méthode de culture attentive aux cycles naturels et à la préservation des écosystèmes. Cela n'a rien d'utopique : un rapport de l'Onu a démontré en 2011 que l'agroécologie permettait de doubler la production alimentaire de régions entières en dix ans.
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