Le fouet et le bâton étant désormais bannis des classes, les enseignants doivent apprendre à maitriser des élèves de plus en plus turbulents et, parfois, violents
Le châtiment corporel, appelé aussi par euphémisme « sanction scolaire », est une forme de punition physique infligée généralement aux élèves auteurs d’actes répréhensibles ou adoptant des comportements peu respectueux. Ce châtiment se distingue de la torture proprement dite par le fait qu’on ne recherche pas un aveu. Enfin, le châtiment corporel est censé ne pas causer de dommages graves à l’enfant ; il doit être de faible durée et servir de leçon à toute la classe. Ainsi, en réprimant les jeux jugés dangereux comme, par exemple, se jeter par la fenêtre ou fumer des mégots de cigarette ramassés par terre, l’enseignant entendait faire comprendre au fautif et à ses condisciples à quel point leurs actes et comportements étaient inadmissibles.
Le maître craint comme l’ange de la mort est une image que des générations entières cultivent toujours en mémoire. On frappait, en effet, facilement dans nos écoles, surtout dans les petites classes car enseignants et parents s’accordaient sur un constat : l’école est un prolongement de l’éducation en famille.
A l’époque, l’éducation de l’enfant était l’affaire de la communauté toute entière. N’importe quel adulte pouvait corriger n’importe quel enfant fautif sans s’interroger sur ses parents et sans redouter leur réaction. Ces derniers ne bronchaient pas car leur rejeton ne pouvait avoir reçu une fessée que pour s’être mal comporté. Les maîtres étaient par conséquent les adultes les plus indiqués pour remettre les enfants turbulents dans le droit chemin et la méthode à utiliser était laissée à leur appréciation.
En dehors de son rôle éducatif pur, le châtiment corporel faisait donc partie des méthodes utilisées par les enseignants pour « convaincre » certains élèves d’apprendre leurs leçons et de rester attentifs en classe. La plupart de nos interlocuteurs enseignants insistent sur cet aspect et assurent que si le châtiment corporel a longtemps été toléré, c’est pour ses effets positifs. Les spécialistes évoquent plutôt une forme de punition physique infligée généralement pour corriger des actes répréhensibles ou des comportements peu orthodoxes.
En réalité, la présence du fouet, du petit bâton ou même d’une règle sur le bureau du maître avait en soi un effet dissuasif sur les élèves turbulents et obligeait les cancres à faire des efforts (pas toujours payants). « Au moment où on recrutait à l’école des enfants âgés de 8, 9 ou même de10 ans, donc un peu plus endurants, le châtiment aidait le maître à les discipliner. Il faisait aussi partie des appuis du pédagogue qui, à l’école, ne pouvait compter que sur lui-même et n’avait que son fouet pour amener l’apprenant à être assidu », soutient Abdoulaye Dembélé, le directeur général de l’école privée « André Davesne » de Torokorobougou.
NOTIONS EN PSYCHOPEDAGOGIE.
Alassane Diarra, le directeur de l’école fondamentale Mamadou Konaté IV, partage largement le point de vue de Dembélé. Enseignant et pédagogue, il assure que nombre d’enseignants n’utilisaient que très rarement le fouet. Pour lui, la seule présence du fouet dissuadait les élèves de jouer en classe et les amenait à se concentrer uniquement sur les cours. Alassane Diarra estime toutefois que « le châtiment s’il se faisait, se cantonnait dans des limites raisonnables ». Notre pédagogue met en avant l’impact psychologique du châtiment corporel sur les enfants. Le bâton ou le fouet faisait son effet même si le maître ne l’utilisait pas. Posés sur la table, ces objets pouvaient aider l’enseignant à maîtriser sa classe.
Les enseignants doivent avoir des bonnes notions en psychopédagogie. En plus de l’art d’enseigner (pédagogie), le maître doit avoir aussi une connaissance approfondie des étapes de l’évolution de l’enfant. Ces connaissances sont indispensables pour bien encadrer les élèves. Le but de la sanction était juste de montrer à l’enfant qu’il avait fauté. Le règlement intérieur des écoles était d’ailleurs clair sur cet aspect, soulignent les spécialistes. Le châtiment avait donc un sens et des limites. Il était, par conséquent, recommandé aux enseignants de ne recourir au fouet ou au bâton qu’en cas d’extrême nécessité.
Mais tous les enseignants s’en tenaient-ils au règlement intérieur des écoles ? Assurément non. Ce sont les comportements violents, confinant parfois au sadisme, de certains enseignants qui ont conduit à l’interdiction officielle du châtiment corporel. Ces enseignants passaient, sans ciller outre mesure, de la correction à la torture.
Aujourd’hui, les enfants fréquentent l’école dès l’âge de 5, 6 ou 7 ans et sont encore fragiles. Le confier à des maîtres d’école à la pédagogie douteuse et sans notions de psychologie de l’enfant, ouvre la porte à toutes sortes d’excès.
Mais l’interdiction du châtiment corporel n’a pas eu que des effets bénéfiques, elle a aussi créé des problèmes collatéraux. Maintenant que tout le monde sait qu’on ne doit plus frapper un enfant à l’école, enseigner est devenu problématique et même stressant, regrettent nos deux pédagogues cités plus haut. Les enfants s’avèrent de plus en plus violents, turbulents, récalcitrants et réfractaires à toutes formes de discipline. Les pédagogues avouent qu’il n’est plus facile d’enseigner pour un maître privé de pouvoir dissuasif. Il n’a plus le droit de corriger, ou même de mettre dehors un élève qui perturbe le cours et empêche la classe de travailler.
« Enseigner avec toutes ces restrictions, c’est vraiment difficile », déplore Alassane Diarra qui ajoute que les campagnes sur les « droits des enfants » ne sont pas pour arranger les choses. Il estime qu’il y a échec à l’école aujourd’hui, un échec consécutif au laisser aller total dont jouissent les apprenants. La solution ? Le directeur de l’école fondamentale Mamadou Konaté IV propose le retour pur et simple aux anciennes méthodes pédagogiques qui ont fait leurs preuves. Et il n’est pas le seul à penser ainsi à contre-courant du politiquement correct et du discours pédagogique officiel.
F. NAPHO